Les voyages de lycéens en Pologne organisés par des privés seront interdits
Le ministère de l'Education menace les entreprises de poursuites judiciaires et déclare que l'État n'assurera pas la sécurité des groupes qui ne suivront pas ces consignes
Le ministère de l’Éducation a prévenu les organisations privées dimanche de ne pas organiser de voyages d’écoliers sur les lieux historiques de la Shoah pour remplacer les voyages officiels organisés par le gouvernement, annulés depuis juin, en raison de différend diplomatique avec la Pologne.
Dans une lettre adressée aux entreprises privées, Dudi Shokaf, responsable des missions de jeunesse en Pologne, a déclaré que l’Etat ne pourrait pas garantir la sécurité lors de tels voyages et ne serait pas en mesure d’aider les groupes de voyageurs s’ils rencontraient des problèmes à l’étranger.
Il a ajouté que les organisations privées n’étaient pas habilitées à envoyer des groupes de lycéens en Pologne, et les a menacés de poursuites judiciaires si elles venaient à mettre leur projet à exécution.
« Le ministère se réserve le droit de prendre toutes les mesures juridiques à sa disposition contre les parties concernées, les organisateurs des délégations, les prestataires de services et autres », peut-on lire dans la lettre.
Les voyages éducatifs annuels – auxquels participent des milliers de jeunes Israéliens – ont été suspendus pendant la pandémie ; en juin, Israël a déclaré qu’ils ne reprendraient pas parce que le gouvernement polonais de droite essayait d’en dicter le programme.
« Ils voulaient imposer ce qui était autorisé et ce qui n’était pas autorisé à être enseigné aux jeunes Israéliens qui se rendent en Pologne, et nous ne pourrions accepter cela », avait déclaré Yair Lapid, alors ministre des Affaires étrangères, lors d’une conférence de presse.
Selon le vice-ministre polonais des Affaires étrangères, Marcin Przydacz, les jeunes Israéliens reçoivent une « image négative » de la Pologne, notamment au travers de la présence de gardes armés qui accompagnent les groupes de jeunes, de l’accent mis sur la Shoah et du manque de contact avec la jeunesse polonaise.
« Il y a aussi des informations qui sont circulées [suggérant] que la Pologne est un pays antisémite et que, pour cette raison, c’est dangereux ici », a déclaré Przydacz à Radio RMF24.
Il a déclaré qu’un nouvel accord intergouvernemental devrait stipuler les circonstances dans lesquelles des gardes armés seront autorisés à accompagner les visiteurs. Varsovie cherche à conclure un tel accord depuis des mois, a déclaré Przydacz.
La Pologne souhaiterait également que les jeunes Israéliens rencontrent des lycéens polonais et comprennent leur approche de l’histoire judéo-polonaise qui s’étend sur plusieurs siècles.
En août, le gouvernement polonais a déclaré avoir proposé un plan alternatif qui permettrait de relancer les voyages, mais il n’a pas reçu de réponse d’Israël.
Le ministère de l’Education a déclaré que le programme ne serait pas renouvelé dans un avenir proche.
La Pologne a été envahie et occupée par le régime d’Adolf Hitler en 1939, et n’a jamais eu de gouvernement collaborationniste. Les membres de la résistance polonaise et du gouvernement en exil ont lutté pour avertir le monde du massacre des Juifs, et des milliers de Polonais ont risqué leur vie pour aider les Juifs.
Traditionnellement, les jeunes Israéliens se rendent en Pologne l’été entre la première et la terminale pour visiter les anciens camps nazis et en apprendre plus sur la Shoah, et rendre hommage aux victimes.
Les historiens de la Shoah ont rassemblé de nombreuses preuves attestant du meurtre, par des villageois polonais, de Juifs fuyant les nazis, ou de maîtres chanteurs polonais s’attaquant à des Juifs sans défense pour en tirer un bénéfice financier. Six millions de Juifs ont été tués par les nazis et leurs collaborateurs pendant la Shoah, y compris la quasi-totalité des quelque 3 millions de Juifs de Pologne. Les principaux camps de la mort nazis se trouvaient en Pologne.
Ces récits contradictoires ont été une source de grande tension entre Israël et la Pologne, qui ont autrement de très bonnes relations.
Le voyage a longtemps été considéré comme une étape importante dans l’éducation israélienne et, avant la pandémie de COVID, quelque 40 000 lycéens israéliens y participaient chaque année. Selon le ministère de l’éducation, environ 7 000 d’entre eux étaient inscrits l’été dernier.