Livni : il a toujours été évident qu’un Etat palestinien n’aurait pas de pleine souveraineté
Pour la ministre de la Justice, les besoins sécuritaires d'Israël n'empêchent pas un Etat palestinien ; elle regrette qu’Abbas passe par l’ONU au lieu de négocier avec Israël
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

L’insistance d’Israël sur les précautions de sécurité en Cisjordanie ne constitue pas un obstacle insurmontable à un Etat et à la souveraineté palestinienne, a déclaré au Times of Israel la ministre de la Justice Tzipi Livni. Mais il a toujours été clair, dès le début des négociations, a-t-elle ajouté, qu’en raison du besoin de sécurité d’Israël, un Etat palestinien ne puisse jouir d’une « souveraineté pleine et entière. »
Dans une interview réalisée avant Rosh Hashana, Livni, qui a dirigé l’équipe de négociation israélienne avec l’Autorité palestinienne, a déclaré que l’effondrement du processus de paix fut profondément décevant, mais qu’il n’était pas « trop tard » pour relancer les pourparlers.
« Depuis le premier jour des négociations, il s’est avéré clair que tout accord (sur un Etat palestinien) ne comprendrait pas la souveraineté pleine et entière, » a déclaré la dirigeante du parti Hatnua.
« Nous parlons en termes d’État palestinien souverain, mais il est clair que celui-ci doit accepter des limites à sa propre souveraineté. La démilitarisation, de manière certaine. Par ailleurs, c’est aussi ce que nous exigeons maintenant avec Gaza. Des limitations et des arrangements qui assureront, dans le long terme, qu’aucune menace ne se profile comme celle de cet été. »
Le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, a-t-elle poursuivi, a accepté la nécessité d’un Etat palestinien démilitarisé, bien qu’il y ait un débat sur ce que cela implique… « C’est pour cela que l’on négocie. Tout cela se traduit sur le terrain de manière opérationnelle : Comment va-t-on superviser ? Qui sera aux postes des frontières? Que va-t-on déployer le long de la frontière ? »
Livni a clarifié la position d’Israël à la suite des déclarations du Premier ministre Benjamin Netanyahu cet été sur l’impératif de maintenir la surveillance israélienne en Cisjordanie, au niveau sécuritaire, en vertu d’une entente avec l’Autorité palestinienne.
« L’Allemagne a également pris sur elle-même des restrictions militaires après la Seconde Guerre mondiale. A ce jour, il y a une base militaire britannique à Chypre. Le Sinaï a été démilitarisé conformément à l’accord de paix entre Israël et l’Egypte », a déclaré Livni.
« Par conséquent, l’idée qu’il existe une contradiction nécessaire entre la sécurité d’Israël et la souveraineté palestinienne est incorrecte. Ils obtiennent un Etat et, en raison de leur indépendance, ils prennent sur eux-mêmes certaines limites. Les deux vont ensemble. »
La ministre de la Justice a également révélé les détails de ce qui constituerait une initiative convenue avec les Palestiniens pour favoriser une « culture de paix » des deux côtés – un changement dans le ton et le contenu des médias, dans celui des déclarations de chefs religieux, dans l’éducation et plus encore – afin de créer un climat qui encourage les compromis. « Nous avions réussi à avoir une déclaration commune. Si nous avions prolongé les négociations (au printemps dernier), je pense que nous l’aurions mis en œuvre (l’initiative) au cours des négociations prolongées. »
S’exprimant avant qu’Abbas ne s’adresse à l’Assemblée générale des Nations unies, avec la demande (prévue) qu’Israël fixe un calendrier de retrait de la Cisjordanie, Livni a critiqué le chef de l’AP pour se tourner vers l’ONU plutôt que de poursuivre les négociations de paix avec Israël.
Abbas a choisi la voie de la facilité, celle qui consiste à aller à l’ONU et à renoncer aux négociations, a-t-elle accusé. « Parce que dans les négociations, vous avez un prix à payer et des choses à concéder, alors que quand vous allez à l’ONU, vous pouvez obtenir tout ce que vous voulez. »
« Mais il ne donnera pas d’Etat » a-t-elle averti. « Il n’y a pas d’Etat via l’ONU. »
Livni s’est également dit désolée que les Etats-Unis aient choisi de ne pas rendre public le document cadre établi « qui fournissait des réponses à tous les différends fondamentaux » entre Israël et les Palestiniens.
« Cela était très juste. Cela donnait aux deux parties l’occasion de s’exprimer… Nous voulions faire avancer les négociations sur cette base. Israël a accepté l’essentiel de ce cadre » dit-elle, tandis qu’Abbas non. « J’ai des griefs contre lui – sur la façon dont les négociations se sont terminées, sur son recours à l’ONU, son accord avec le Hamas (au sein du gouvernement palestinien d’union nationale). »
Livni a exprimé sa profonde préoccupation que l’opinion publique anti-israélienne s’étende si largement en Europe. Elle a en partie blâmé le mouvement des implantations. « Le problème est que ce que nous voyons dans le monde arabe – où l’opinion publique est anti-israélienne – est également à l’œuvre en ce moment en Europe » a-t-elle assuré. «J’ai des discussions avec les leaders mondiaux. C’est très difficile pour eux. Ils disent : ‘Nous comprenons pourquoi vous devez frapper le Hamas. Nous vous soutenons. Mais la question des colonies rend les choses incompréhensibles et prive Israël de crédibilité quand il dit qu’il veut la paix’. »
« Pour l’Europe, pour la rue européenne» a-t-elle poursuivi, « l’entreprise de colonisation est une sorte de colonialisme à l’ancienne. Et non une manière de se défendre, ce qui serait acceptable. »
« Ce mélange n’est pas bon pour Israël » a-t-elle encore souligné. «Je cherche à faire en sorte que nous nous réservions la légitimité de nous défendre contre les forces terroristes extrémistes. Et la politique d’Israël en ce qui concerne ce qu’il veut dans ces domaines (de rétablissement de la paix et des implantations) n’est pas claire. Et in fine cela porte atteinte à la sécurité d’Israël. »
Livni affirme ne pas partager l’idéologie de ceux « qui croient que nous devons rester dans l’ensemble de la Terre d’Israël. Et au mieux que je sache, le Premier ministre non plus. »
En ce qui concerne les attitudes internationales envers Israël et le conflit de cet été avec le Hamas, la ministre de la Justice a déclaré : « Je ne m’attends pas à ce que le monde ne nous juge pas. Il faut nous juger – mais sur la même base qu’eux-mêmes ou que toute démocratie est jugée. Les morts du côté palestinien ? Nous avons fait tous les efforts pour les empêcher. En revanche, les terroristes visent délibérément des civils. Et je m’attends à ce que le monde fasse cette distinction. »
Malheureusement, a-t-elle continué, « alors que le temps passe depuis la création d’Israël, ce qui a été pris pour acquis en 1948 n’est plus pris pour acquis. Nous nous voyons, en vue par satellite, comme un petit État entouré d’ennemis. Le monde regarde du point de vue de Google Earth, et voit un soldat avec son arme et un garçon ou une fillette palestinienne. Et ce point de vue s’aggrave. C’est une image biaisée du conflit. La tristesse de voir des civils tués, une douleur que je partage, fausse la perspective de la réalité. »
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