Israël en guerre - Jour 528

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Interview

Mis en accusation, un élu radical dénonce les tentatives visant à le réduire au silence

Des députés de droite cherchent à expulser de la Knesset Ofer Cassif, le seul parlementaire juif du parti radical à majorité arabe Hadash-Taal, qui a - notamment - comparé les Palestiniens de Gaza aux Juifs qui fuyaient l'Allemagne nazie d'avant-guerre

Un Palestinien et deux fillettes au milieu des décombres de maisons détruites pendant la guerre entre Israël et le Hamas dans le camp de réfugiés de Bureij, dans le centre de la bande de Gaza, le 17 février 2025. (Crédit : Abdel Kareem Hana/AP)
Un Palestinien et deux fillettes au milieu des décombres de maisons détruites pendant la guerre entre Israël et le Hamas dans le camp de réfugiés de Bureij, dans le centre de la bande de Gaza, le 17 février 2025. (Crédit : Abdel Kareem Hana/AP)

Mardi, Almog Cohen, député d’Otzma Yehudit, a fait savoir qu’il allait commencer à recueillir les signatures des parlementaires dans le but de lancer une procédure de destitution à l’encontre d’Ofer Cassif, condamnant « une comparaison ignoble et scandaleuse entre le programme d’émigration volontaire en direction des résidents de Gaza et l’émigration volontaire des Juifs de l’Allemagne nazie » de la part du politicien d’extrême gauche.

Dans un post publié sur X, Ofer Cassif, le seul député juif de l’alliance arabe radicale Hadash-Taal, avait en effet partagé une photo montrant des Juifs devant un bureau d’émigration à Vienne, en 1938, écrivant en légende que « ce mois-ci, il y a exactement 86 ans, le ‘Bureau central pour l’émigration juive’ avait été créé à Berlin avec pour objectif d’encourager l’émigration volontaire des Juifs allemands ».

Selon la Loi fondamentale : La Knesset, un député ayant exprimé son soutien « à la lutte armée » contre l’État d’Israël peut être expulsé des bancs du Parlement si 90 membres se prononcent en faveur de son exclusion à l’occasion d’un vote. Quand 70 signatures dans ce sens sont recueillies, le dossier est alors transmis à la commission intérieure et, s’il est approuvé, la question est alors soumise au vote en séance plénière.

Cassif s’oppose avec vigueur au plan proposé par le président américain Donald Trump pour l’après-guerre à Gaza – un plan qui a suscité l’enthousiasme de certains dirigeants israéliens – et qui vise à déplacer les Palestiniens qui vivent au sein de l’enclave côtière, enclave qui a été majoritairement détruite pendant la guerre qui a opposé Israël au Hamas dans la bande.

L’homme est un habitué de la controverse. Il avait été déclaré inéligible à la Knesset par la Commission centrale électorale en 2019 en raison d’autres propos provocateurs – il avait notamment qualifié la ministre de la Justice de l’époque, Ayelet Shaked, de « raclure néonazie ». Cette décision avait été ensuite annulée par la Cour suprême.

Au mois de novembre, Cassif a été suspendu de la Knesset pour une durée de six mois en raison de propos tenus au sujet de l’armée israélienne et de la guerre à Gaza. Dans le cadre de cette suspension, Cassif n’est pas autorisé à venir en séance plénière de la Knesset ni à assister aux réunions des commissions parlementaires, sauf pour voter.

Le député Almog Cohen se disputant avec son collègue Ofer Cassif lors d’une réunion de la commission de la Chambre de la Knesset, le 29 octobre 2024. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Reçevant le Times of Israel dans son bureau à la Knesset, mercredi après-midi – soit un an jour pour jour après l’échec, par cinq voix, d’une précédente tentative de destitution lancée à son encontre – Cassif ne s’excuse pas, au contraire, il accuse les autres parlementaires d’essayer de le « terroriser » et insiste sur le fait qu’Israël commet actuellement un « génocide » à Gaza.

Notre entretien s’est déroulé en anglais. Cette transcription a été réexaminée à des fins de clarté et de concision.

The Times of Israel: Vos collègues ont tenté de vous destituer pour votre soutien public à une motion sud-africaine qui accusait Israël de génocide devant la Cour internationale de justice, il y a tout juste un an. Et maintenant, ils recommencent à nouveau. Quelle est votre réaction ?

Ofer Cassif : Le premier aspect de cette question, qui est d’ordre juridique, est que cette procédure est vide de sens à mes yeux parce que la loi… est antidémocratique dans la mesure où elle institutionnalise, en réalité, la tyrannie de la majorité. C’est le cas dans la mesure où elle permet à la majorité des membres de la Knesset de destituer un autre membre simplement parce qu’ils n’apprécient pas ses idées, qu’ils n’apprécient pas ses croyances ou ses paroles.

Mais s’ils s’accrochent à la loi et s’il est nécessaire, par la suite, de faire appel à la Cour suprême et que la Cour suprême, de son côté, est fidèle à la loi, ils n’auront pas de recours car la loi est très claire. Elle stipule qu’il n’y a que deux motifs qui justifient une destitution. L’un est le soutien au racisme – ce qui signifie, ironie de l’histoire, que s’il était réellement pris en compte, au moins 80 % des membres de la Knesset ne pourraient pas y siéger. L’autre motif est le soutien à la violence ou au terrorisme contre Israël.

Je m’oppose au terrorisme et je m’oppose au racisme. Mais de toute évidence, ils s’en fichent parce que persécuter est aujourd’hui devenu d’actualité.

Le député Almog Cohen se dispute avec le député Ofer Cassif lors d’une réunion de la commission de la Knesset, le 29 octobre 2024. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Si vous n’avez pas explicitement mentionné la situation actuelle à Gaza dans votre tweet, votre post a été largement considéré comme une comparaison. Aviez-vous l’intention de faire un parallèle avec le présent ?

Bien sûr, c’était mon intention. [Mais] je n’ai fait aucun parallèle. Le parallèle est né dans l’esprit de ceux qui m’ont critiqué ou attaqué. Ce qui en dit beaucoup. S’ils trouvent que les deux choses se ressemblent, c’est peut-être qu’il y a quelque chose auquel il faut réfléchir.

Je n’ai pas fait de comparaison, même si – je le dis en passant – je ne rejette pas le droit de le faire. Mais j’ai fait une remarque qui visait à tirer des leçons de l’Histoire et d’en tirer les conclusions. La réalité, c’est qu’il est impossible d’utiliser de manière cohérente et dans ces circonstances le terme de « migration volontaire ». C’est tout.

On ne peut pas dire qu’une personne qui est menacée de mort, de destruction, etc., qu’une personne qui veut fuir dans cette situation… va émigrer volontairement.

Pour se faire l’avocat du diable un instant, y a-t-il une différence entre les Juifs de l’Allemagne d’avant-guerre qui avaient été chassés et les Palestiniens, après que le Hamas a lancé une guerre qui a détruit le territoire où ils vivaient ? Comment résoudre cette équation ?

Il n’est pas nécessaire de résoudre cette équation. Selon moi, les deux cas sont identiques au niveau moral. Bien sûr, il y a des différences. Les Juifs en Allemagne… n’avaient rien fait contre les Allemands… Mais ils n’étaient pas non plus sous occupation, assiégés ou persécutés [comme le sont] les Palestiniens. Les Palestiniens de Gaza, le peuple palestinien dans son ensemble en Cisjordanie, dans la bande de Gaza, y compris à Jérusalem-Est, bien sûr, vivent sous une occupation infernale depuis plus de 60 ans.

Et au fait, ça ne signifie aucunement que les crimes de guerre et les crimes contre l’Humanité qui ont été commis le 7 octobre sont justifiés. L’occupation, les persécutions et l’oppression continues du peuple palestinien ne les justifient en rien.

Ce qui s’est passé le 7 octobre doit être rejeté à 100 %.

Ofer Cassif, député du parti Hadash-Ta’al, dans son bureau à la Knesset, le 19 février 2025. (Crédit : Sam Sokol/Times of Israel)

La seconde chose, c’est que le peuple palestinien n’a pas déclenché de guerre contre Israël. Ceux qui sont coupables des crimes du 7 octobre sont le Hamas et d’autres éléments, bien entendu. Ce n’est pas le peuple palestinien. Les Israéliens, en général, sont innocents, et les Palestiniens, en général, sont également innocents. Il y a aussi des personnes qui se rendent coupables de crimes de guerre ici et là, partout. À mon avis, [ils] doivent être arrêtés et traduits en justice à La Haye.

Cela comprend le Premier ministre Benjamin Netanyahu et l’ancien ministre de la Défense Yoav Gallant ?

Oui. Je veux dire que ceux qui sont soupçonnés par une institution impartiale – et j’insiste sur le terme « institution impartiale » – de crimes de guerre, de crimes contre l’Humanité et de violation des droits de l’Homme devraient, en toute logique, être jugés à La Haye.

Certains hommes politiques, à droite, ont encouragé l’émigration de manière coercitive, tandis que d’autres, au centre, ont estimé qu’ils pensaient que toute personne souhaitant partir devait être libre de le faire. Pensez-vous qu’il y a une différence fondamentale entre ces deux positionnements ?

Non. Je soutiens la libre émigration en tant que principe, et indépendamment de ce qui se passe à Gaza ou ailleurs. Cela devrait être la règle. Si quelqu’un dit maintenant que nous devons l’autoriser, cela signifie-t-il que ce genre de déplacement était interdit auparavant ? Et s’ils n’étaient, en effet, pas autorisés, alors ça revient à admettre que le territoire était assiégé par Israël.

Cela ne signifie-t-il pas plutôt que les pays arabes de la région ne voudraient pas les accueillir s’ils voulaient partir ?

Non, c’est un autre problème. On ne peut pas parler de migration volontaire de la part de personnes dont les habitations ont été détruites, avec des tueries de masse généralisées et des infrastructures totalement démolies.

On ne peut pas parler, dans ce cas, de migration volontaire. C’est comme si je venais vous voir et que je vous disais : « La bourse ou la vie »… vous me donneriez votre argent, et je pourrais dire que me l’avez donné de votre plein gré. C’est la même chose. C’est dingue.

Et si nous soutenons véritablement la migration volontaire alors les Palestiniens qui sont les descendants des réfugiés de la Nakba, d’Israël même, doivent être autorisés à retourner sur leurs terres.

De la même manière, il faudrait s’opposer à la Loi du retour [qui permet à tout Juif de vivre en Israël] et l’abolir dans la mesure où elle est contraire à la migration volontaire ou à l’immigration libre, parce qu’elle stipule que si vous n’êtes pas Juif ou parent d’un Juif, vous ne serez pas autorisé à immigrer et à être naturalisé.

Un Palestinien et deux fillettes au milieu des décombres de maisons détruites pendant la guerre entre Israël et le Hamas dans le camp de réfugiés de Bureij, dans le centre de la bande de Gaza, le 17 février 2025. (Crédit : Abdel Kareem Hana/AP)

Si nous sommes cohérents, reconnaissons tout cela. Mais nous ne le ferons pas parce que tout cela n’a rien à voir avec la libre migration ou l’immigration volontaire. Il s’agit ici d’un nettoyage ethnique total, d’un cas très clair de nettoyage ethnique.

Pensez-vous qu’Israël commette actuellement un génocide à Gaza ?

Oui… et de nombreux experts dans le monde le disent aussi. Ce n’est pas un slogan politique… La conclusion est limpide. Il n’est pas nécessaire d’être de gauche, comme je le suis. Il apparaît très clairement que ceux qui veulent nier cette réalité mentent ou qu’ils veulent simplement éluder les difficultés.

Vous avez récemment écrit sur X que « même si nous devons faire sauter les ponts pour cela, il n’y aura pas de déplacement massif par la force ». Dites-vous ici que vous pourriez avoir recours à la violence physique ?

Je soutiens la résistance non violente à tous les niveaux, et je m’y tiendrai. Si, par hypothèse, l’État devait recourir à la violence, il sera indispensable de riposter par la violence, comme cela a toujours été le cas à travers l’Histoire.

Cassif cite la Déclaration d’indépendance américaine qui stipule que « quand une forme de gouvernement devient destructrice de ces objectifs, le peuple a le droit de le modifier ou de l’abolir et de mettre en place un nouveau gouvernement. »

À moins que nous commencions à les rassembler et à les forcer à monter dans des camions, la résistance devrait être non violente.

Oui.

Vous avez été suspendu de la Knesset par la commission d’Éthique et cette semaine, vous et les autres membres de votre parti, vous avez rencontré le député Moshe Roth (Yahadout HaTorah), le président de la commission.

Il y a eu des tentatives qui ont visé à nous faire taire, à nous pourchasser, à créer une atmosphère de peur… pour nous terroriser. Il y a eu des tentatives, encore une fois, qui ont visé à nous faire taire, à nous empêcher de faire entendre notre voix politique. Nous n’avons pas été élus pour représenter ceux qui ne sont pas d’accord avec nous. Nous avons le droit et nous avons l’obligation de représenter avec autant de fermeté que possible les valeurs pour lesquelles nous avons été élus.

Depuis le 7 octobre, des gens ont été arrêtés pour avoir simplement exprimé leur sympathie à l’égard des enfants de Gaza, même pas à l’égard du Hamas, Dieu nous en préserve… Il y a une atmosphère fasciste.

Lors de la première tentative de destitution, vos détracteurs ont évoqué une interview que vous aviez accordée en 2019 au quotidien Haaretz, dans laquelle vous affirmiez : « Une attaque contre des soldats, ce n’est pas du terrorisme ». Pouvez-vous clarifier cette déclaration ?

Je vais citer [le Premier ministre Benjamin] Netanyahu. Netanyahu a publié un livre qui est intitulé : « Terrorisme : comment l’Occident peut gagner ». Dans ce livre, il y a une citation dans laquelle Netanyahu fait la distinction entre les guerilleros ou les groupes de guérilla et les groupes terroristes.

Les terroristes attaquent les civils et ils s’abstiennent autant que possible d’affronter les forces militaires. Ceux qui attaquent ou qui affrontent les forces militaires ne sont pas des terroristes. Ce sont des groupes de guérilla. Il l’a dit. [Mais] lorsque je dis que ce ne sont pas des terroristes, cela ne signifie pas que je soutiens ce qu’ils font. Je soutiens, en ce qui me concerne, une résistance non violente.

Donc, vous dites que sur le plan juridique, ce n’est pas du terrorisme, mais que cela ne signifie pas que c’est justifié ?

Non, ce n’est pas ce que je veux dire. Ce que je veux dire, c’est que je ne pense pas personnellement que j’ai le droit de dire à ceux qui vivent sous occupation, à ceux qui vivent l’oppression, comment lutter contre cette dernière, et pas seulement dans le cas des Palestiniens. Mais si vous me posez la question en tant qu’être humain, alors je le dis : je soutiens personnellement une résistance non violente.

Des efforts ont également été livrés pour recueillir des signatures dans le but de destituer le chef de votre parti, le député Ayman Odeh, après qu’il a déclaré qu’il était « heureux de la libération des otages et des prisonniers » dans le cadre d’un accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas à Gaza.

Je pense que ce qu’Ayman a dit était non seulement légitime, mais nécessaire. Qu’a-t-il dit ? Il a dit qu’il était heureux de voir des gens remis en liberté.

C’est de l’humanisme de base. C’est une déclaration très humaniste. D’ailleurs, il parlait après la libération de 90 prisonniers palestiniens, dont la grande majorité étaient, en fin de compte, des otages parce qu’ils étaient incarcérés sous le régime de la détention administrative, qu’ils n’étaient accusés de rien, qu’ils étaient, dans leur majorité, des femmes et des mineurs.

Le seul membre de la Knesset à avoir été reconnu coupable de soutien au terrorisme est [le président d’Otzma Yehudit, Itamar] Ben Gvir. Nous n’avons jamais soutenu le terrorisme, ni moi, ni mes camarades et amis. C’est un mensonge et c’est une calomnie.

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