Moscou appelle l’Iran à « la retenue » après la production d’uranium métal
Le 21 février, échéance fixée par le Parlement iranien, l'Iran pourrait restreindre l'accès des inspecteurs de l'AIEA à ses sites, une ligne rouge
Moscou a appelé jeudi Téhéran à la « retenue » après le début de la production d’uranium métal pour alimenter le réacteur de recherche iranien, nouvelle violation de ses engagements de l’accord de 2015.
« Si nous comprenons la logique et les raisons qui motivent l’Iran, il est nécessaire de faire preuve de retenue et d’une approche responsable », a déclaré à l’agence de presse Ria Novosti le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov, qui a appelé les Etats-Unis à « lever les sanctions prises contre Téhéran » et « ne pas faire traîner les choses en longueur ».
« Cela n’incite pas à l’optimisme », a ajouté le ministre russe qui estime que la décision iranienne montre « la volonté de Téhéran de ne pas accepter le statu quo ».
L’Iran a en effet débuté la production d’uranium métal pour alimenter son réacteur de recherche à Téhéran, nouvelle violation de ses engagements de l’accord de 2015, selon l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).
L’agence onusienne, dont le siège est basé à Vienne, « a procédé le 8 février à la vérification de 3,6 grammes d’uranium métal dans l’usine d’Ispahan » (centre), selon une déclaration transmise à l’AFP.
Si ce n’est pas une surprise – l’Iran avait fait savoir mi-janvier qu’il avançait dans cette direction -, le sujet est sensible car l’uranium métal peut être utilisé dans la fabrication d’armes nucléaires.
La République islamique a toujours nié vouloir se doter de la bombe, mais l’AIEA a établi le contraire en 2011.
Le directeur général de l’agence internationale, Rafael Grossi, a informé les Etats membres de ce nouveau développement qui a pour objectif, selon Téhéran, « de produire du combustible » dans le cadre de ses activités de recherche et développement.
Or le Plan d’action global commun (PAGC), signé en 2015 par l’Iran et six grandes puissances (Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie et Allemagne), comporte une interdiction de 15 ans en ce qui concerne « la production ou l’acquisition de métaux de plutonium ou d’uranium ou leurs alliages ».
Il prévoit que l’Iran puisse être autorisé au bout de dix ans à entamer sa recherche en vue d’une production « en petites quantités », mais seulement avec l’autorisation des signataires de l’accord.
Cette annonce affaiblit encore un peu plus l’accord sur le nucléaire iranien, qui menace de voler en éclats depuis que Donald Trump en a retiré les Etats-Unis en 2018 avant de rétablir des sanctions économiques.
En riposte, Téhéran s’est affranchi progressivement depuis 2019 de la plupart de ses engagements, arguant qu’il en avait le droit face aux « violations flagrantes » des règles par les autres parties.
Entorse la plus grave à ce jour, le pays a repris début janvier l’enrichissement d’uranium à 20 %, niveau que pratiquait le pays avant 2015 mais qui reste loin des 90 % requis pour une bombe.
L’arrivée le 20 janvier de Joe Biden à la Maison Blanche a laissé espérer une reprise du dialogue après la politique de « pression maximale » exercée par son prédécesseur.
Toutefois, le nouveau président américain a prévenu qu’il ne ferait pas le premier pas en levant les sanctions, comme le réclament les dirigeants iraniens.
Un peu plus tôt mercredi, le chef de la diplomatie Zarif avait prévenu que « la fenêtre de tir se rétrécissait », faisant monter la pression sur Washington.
« Bientôt mon gouvernement se verra obligé de prendre d’autres mesures en réponse à l’échec lamentable des Américains et des Européens » de remplir leur part du contrat, a-t-il déclaré dans un message diffusé sur YouTube à l’occasion du 42e anniversaire de la Révolution islamique, qui a vu de larges rassemblements malgré la pandémie qui sévit particulièrement dans le pays.
Des manifestants brandissaient des portraits du guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, mais aussi du général Qassem Soleimani, artisan de la stratégie iranienne au Moyen-Orient, éliminé en janvier 2020 dans une frappe américaine à Bagdad.
D’autres ont brûlé et piétiné des drapeaux américains et israéliens, ennemis jurés de l’Iran.
Des répliques de missiles balistiques et des équipements militaires de fabrication iranienne ont également été exposés sur la place Azadi.
Les manifestants portaient des pancartes « Mort à l’Amérique », « Mort à Israël » et « Mort à la Grande-Bretagne », selon l’agence de presse semi-officielle Fars.
Dans un discours télévisé, le président Hassan Rouhani a salué les Iraniens pour « leur patience face à trois ans de souffrance » en raison des sanctions rétablies en 2018 par l’ancien président américain Donald Trump dans le cadre de sa politique de « pression maximale » contre Téhéran.
« L’ère des sanctions maximales est révolue, l’ère de la guerre économique est révolue », a lancé Rouhani, affirmant que « tout le monde s’était rendu compte que la pression maximale avait échoué ».
Le 21 février, échéance fixée par le Parlement, l’Iran pourrait ainsi restreindre l’accès des inspecteurs de l’AIEA à ses sites, une ligne rouge qui risquerait de faire capoter les manoeuvres en coulisses pour sauver l’accord sur le nucléaire.
« S’ils veulent que l’Iran retourne à ses engagements (…), les Etats-Unis doivent entièrement lever les sanctions », et non le scénario inverse, avait encore déclaré dimanche le guide suprême iranien Ali Khamenei.