Des ministres israéliens appellent à l’action face aux violences visant les druzes en Syrie
Le ministre de l'Intérieur israélien a alerté sur une menace « immédiate et tangible » ; Saar appelle la communauté internationale à protéger les druzes ; Katz lance un nouvel avertissement au nouveau gouvernement syrien

Le ministre de l’Intérieur Moshe Arbel a lancé jeudi un appel au Premier ministre Benjamin Netanyahu pour réclamer une « intervention urgente » en Syrie, alors que se poursuivent les violences sectaires contre la population druze.
Mardi, plus d’une dizaine de personnes ont été tuées dans la ville de Jaramana, à majorité druze, près de la capitale syrienne, Damas, lors des affrontements déclenchés, selon certaines sources, par la diffusion d’un enregistrement dans lequel un Druze aurait insulté le prophète Mahomet, provoquant la colère de groupes armés sunnites. Mercredi, les violences se sont propagées à la ville voisine de Sahnaya.
Dans une lettre adressée à Netanyahu, Arbel estime que les images en provenance de Syrie révèlent « un danger immédiat et bien réel pour la vie de la communauté druze ».
« Je vous demande une intervention immédiate, ainsi qu’une instruction claire à toutes les parties concernées pour qu’elles prennent sans délai les mesures nécessaires afin de mettre fin au massacre, par des moyens diplomatiques ou militaires », écrit l’élu du Shas.
« Les officiers et soldats druzes de Tsahal ont été parmi les premiers à se lever pour défendre l’État d’Israël le 7 octobre, comme dans toutes ses guerres », a rappelé Arbel. « Aujourd’hui, leurs familles sont exposées à un danger immédiat et bien réel. »
« L’État d’Israël ne peut rester les bras croisés face au massacre brutal en cours », ajoute-t-il.
Le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar, a pour sa part appelé jeudi la communauté internationale à protéger la population druze de Syrie.
« Je demande à la communauté internationale de jouer son rôle en protégeant les minorités en Syrie – en particulier les druzes – du régime et de ses bandes terroristes, et de ne pas fermer les yeux sur les évènements difficiles de ces derniers mois », a déclaré Saar lors d’une commémoration de Yom HaAtsmaout, selon un communiqué de son bureau.
Le ministre israélien de la Défense, Israel Katz, a lancé un nouvel avertissement jeudi soir au nouveau gouvernement syrien contre les atteintes à la population druze.
« Je mets à nouveau en garde le chef du régime syrien, Jolani : si les dommages causés aux Druzes en Syrie ne cessent pas, nous réagirons très durement », déclare-t-il dans un communiqué, en faisant référence au dirigeant du pays, Ahmed al-Sharaa.
Israël a averti le régime syrien qu’il ne tolérerait aucune attaque contre la communauté druze. Mercredi, une frappe de drone israélienne a visé un groupe armé à Sahnaya, soupçonné de préparer une offensive contre les habitants druzes de la ville.
Deux Druzes syriens, apparemment blessés au cours de violences sectaires dans le pays, ont été évacués par l’armée israélienne vers un hôpital plus tôt dans la journée de jeudi, a indiqué Tsahal.
Les deux hommes ont été emmenés à l’hôpital Ziv de Safed, où trois autres Druzes syriens blessés ont été transportés hier.
L’armée déclare que les troupes sont « déployées dans le sud de la Syrie et prêtes à empêcher les forces hostiles d’entrer dans la région et les villages druzes ».
« L’armée israélienne continue de surveiller les développements, tout en se tenant prête pour la défense et les différents scénarios », a ajouté l’armée.
Le plus influent chef druze s’en prend au pouvoir, dénonce des « massacres »
Le plus influent chef religieux druze en Syrie a dénoncé jeudi une « campagne génocidaire » contre sa communauté et s’en est pris au pouvoir d’Ahmad al-Chareh, après des combats confessionnels ayant fait plus de 70 morts en deux jours selon une ONG.

Ces heurts près et au sud de Damas entre combattants druzes et groupes armés liés au pouvoir sunnite illustrent l’instabilité persistante en Syrie, près de cinq mois après le renversement du président Bachar al-Assad, issu de la minorité alaouite.
Dans un communiqué, cheikh Hikmat al-Hajri a dénoncé une « campagne génocidaire injustifiée » visant des « civils à leur domicile » et réclamé « une intervention immédiate de forces internationales ».
« Nous ne faisons plus confiance à une entité qui prétend être un gouvernement (…) Un gouvernement ne tue pas son peuple en recourant à ses propres milices extrémistes, puis, après les massacres, prétend que ce sont des éléments incontrôlés ». « Un gouvernement protège son peuple. »
Réagissant sur X, le chef de la diplomatie syrienne Assaad al-Chaibani a jugé que « tout appel à une intervention étrangère, sous quelque prétexte ou slogan que ce soit, mènera à une détérioration de la situation et à davantage de divisions ».
Les combats à Jaramana et Sahnaya, où vivent des chrétiens et des druzes, ainsi qu’à Soueïda à majorité druze ont réveillé le spectre des massacres qui ont fait début mars plus de 1 700 morts, en grande majorité des membres de la minorité alaouite. Les violences avaient été déclenchées par des attaques des pro-Assad contre les forces de sécurité.
Les druzes sont une minorité ésotérique issue de l’islam chiite et ses membres sont répartis notamment entre le Liban, la Syrie et Israël. Les alaouites sont une autre branche minoritaire de l’islam, tandis que le sunnisme et le chiisme en sont les deux principaux courants.
« Engagement ferme »
Les combats ont été déclenchés lundi soir par une attaque de groupes armés affiliés au pouvoir contre Jaramana, après la diffusion sur les réseaux sociaux d’un message audio attribué à un druze et jugé blasphématoire à l’égard du prophète Mahomet. L’AFP n’a pas pu vérifier l’authenticité du message.

Les autorités syriennes ont accusé des « groupes hors-la-loi » d’avoir provoqué les violences.
Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), 30 membres des forces de sécurité et combattants affiliés ont été tués, ainsi que 21 combattants druzes et 10 civil mardi et mercredi à Jaramana et Sahnaya. Dans la province de Soueïda (sud), 40 combattants druzes ont péri, dont 35 dans une embuscade, d’après l’ONG.
Des accords entre représentants des druzes et du pouvoir ont permis de rétablir le calme mardi soir à Jaramana, une banlieue de Damas, et mercredi soir à Sahnaya, à 15 km au sud-ouest de Damas, où des forces de sécurité ont été déployées.
A cette occasion, le pouvoir syrien a réaffirmé son « engagement ferme à protéger toutes les composantes du peuple syrien, y compris la communauté druze ». Il a aussi exprimé « son rejet catégorique de toute ingérence étrangère » après l’intervention militaire israélienne.
« Etendre le chaos »
Israël a mené plusieurs frappes affirmant cibler des objectifs du pouvoir syrien.
Les druzes d’Israël forment une minorité arabophone d’environ 150 000 personnes réputée pour son patriotisme, et sont surreprésentés dans l’armée et la police par rapport à leur nombre.
Au Liban voisin, le chef druze libanais, Walid Joumblatt, a accusé Israël d’instrumentaliser les druzes de Syrie. « Israël continue de vouloir appliquer son plan de toujours (…) consistant à morceler la région en entités confessionnelles et étendre le chaos », a-t-il déclaré fin mars.
Dès la chute de Bachar al-Assad le 8 décembre, renversé par une coalition de factions rebelles islamistes dirigée par M. Chareh après plus de 13 ans de guerre civile, Israël a multiplié les gestes d’ouverture envers les druzes.
Mais les dignitaires druzes ont réaffirmé leur attachement à l’unité de la Syrie et rejeté les menaces israéliennes contre le pouvoir syrien.
« En se plaçant en protecteur de la communauté druze, Israël espère à la fois se trouver des alliés locaux, particulièrement dans le sud syrien, mais aussi peser dans la balance à un moment où le futur de la Syrie reste incertain (…) », estime Michael Horowitz, un analyste indépendant.