Tuerie du Musée juif de Bruxelles: les jurés en place pour juger Nemmouche
Familles et associations juives estiment que les preuves rassemblées contre lui sont "accablantes" ; le jihadiste multi-récidiviste veut "voir son innocence reconnue"
Huit hommes et quatre femmes ont été désignés lundi à Bruxelles pour juger Mehdi Nemmouche, le jihadiste français accusé d’avoir assassiné Emanuel et Miriam Riva, Dominique Sabrier et Alexandre Strens en 2014 au Musée juif de la capitale belge, trois jours avant l’ouverture de son procès placé sous étroite surveillance policière.
« Nemmouche, Mehdi, 33 ans, sans profession »: le principal accusé, jugé avec un complice, a décliné son identité en se présentant dans le box en pull bleu marine vers 10H30 (09H30 GMT), à l’ouverture de cette audience préparatoire.
Ces jurés décideront avec des magistrats du sort de l’accusé au terme du procès qui devrait durer jusqu’à fin février. Douze jurés suppléants ont également été tirés au sort sur une liste d’environ 200 personnes.
Les deux accusés, Mehdi Nemmouche et Nacer Bendrer, un Marseillais de 30 ans qui doit aussi répondre d' »assassinat terroriste », encourent la réclusion à perpétuité. Ils doivent être entendus à partir de mardi prochain.
L’attentat avait ému la communauté internationale il y a quatre ans et demi. Si la cour d’assises soutient la thèse de l’accusation, cette tuerie restera comme la première attaque commise en Europe par un combattant jihadiste de retour de Syrie, dix-huit mois avant le sanglant 13 novembre 2015 (130 morts à Paris).
Pour sa part, Nemmouche, délinquant multirécidiviste qui s’est radicalisé en prison, nie les faits.
« J’estime que l’Etat est coupable d’avoir mis un innocent en prison », a affirmé lundi au quotidien La Dernière heure son avocat Sébastien Courtoy, parlant d' »un piège » tendu à son client.
Preuves « accablantes »
En face, sur les bancs des parties civiles, familles et associations juives estiment à l’inverse que les preuves rassemblées contre lui sont « accablantes ».
Selon l’accusation, Nemmouche est l’homme qui, le 24 mai 2014, a ouvert le feu dans le hall d’entrée du Musée juif, tuant un couple de touristes israéliens, une bénévole française et un jeune employé belge du site. Un quadruple assassinat exécuté en 82 secondes, comme s’il était l’oeuvre d’un tueur professionnel.
A l’époque, le natif de Roubaix (nord de la France) était revenu depuis peu de Syrie où il avait combattu dans les rangs jihadistes. Soupçonné d’y avoir été l’un des geôliers de quatre journalistes français (appelés à témoigner le 7 février aux assises de Bruxelles), il a été inculpé fin 2017 à Paris et un autre procès se profile pour lui en France.
Dans l’enquête française sur cette séquestration, Nemmouche a été dépeint en gardien « violent », tortionnaire de prisonniers syriens et admirateur de Mohamed Merah, auteur des tueries de Toulouse Montauban (sud de la France) en 2012 .
Pour Yohan Benizri, président du Comité de coordination des organisations juives de Belgique (CCOJB), partie civile au procès, le caractère antisémite des assassinats reprochés à l’accusé ne fait aucun doute.
La crainte, a confié M. Benizri à l’AFP, est que ses avocats, Sébastien Courtoy et Henri Laquay, tentent de « minimiser » cet aspect antisémite, ou de « tenir un discours de type complotiste ».
Avocats de Dieudonné
L’hypothèse de la responsabilité d’agents israéliens a déjà été évoquée à demi-mot le 20 décembre par Me Courtoy. Avec Me Laquay, cet avocat controversé a défendu dans le passé en Belgique le polémiste français Dieudonné, plusieurs fois condamné en France pour injure raciale, incitation à la haine et apologie du terrorisme.
Six jours après la tuerie, Nemmouche avait été arrêté le 30 mai 2014 en possession d’un revolver et d’un fusil d’assaut à la gare routière de Marseille où s’est ensuite concentrée une partie de l’enquête.
C’est là que son co-accusé Nacer Bendrer a été arrêté en décembre 2014, soupçonné de l’avoir aidé à se fournir en armes. En 2009-2010, les deux délinquants avaient fait connaissance à la prison de Salon-de-Provence (sud de la France). Incarcérés dans le même bâtiment, ils étaient décrits comme radicalisés, faisant du « prosélytisme » auprès des autres détenus musulmans.
Leur proximité est attestée dans l’enquête par 46 contacts téléphoniques en l’espace de quinze jours en avril 2014, époque à laquelle Nemmouche est soupçonné d’être en pleins préparatifs. Durant ces quelques semaines avant la tuerie, ils se seraient vus plusieurs fois à Bruxelles et Marseille.
Bendrer, 30 ans, clame aussi son innocence. En France, dans un autre dossier, il a été condamné en septembre à cinq ans de prison pour une tentative d’extorsion de fonds dans le milieu marseillais du narcobanditisme.