Netanyahu à propos de ses ennuis de santé: « C’est très vite l’hôpital, sinon la mort »
En plein vote sur le « caractère raisonnable », des personnes capables de lire sur les lèvres ont décodé un échange entre le Premier ministre et son ministre de la Défense
Selon un reportage télévisé fondé sur l’analyse de spécialistes de la lecture sur les lèvres qui ont décodé la conversation, lundi après-midi en session plénière de la Knesset, entre le Premier ministre et le ministre de la Défense, Benjamin Netanyahu aurait informé Yoav Gallant de la gravité des problèmes cardiaques dont il souffre et qui lui ont valu deux hospitalisations répétées.
La Douzième chaine a présenté le décodage de plusieurs extraits de conversations captés lors de la session plénière de la Knesset, qui a vu l’examen puis le vote de la loi sur le caractère raisonnable, la première de l’ambitieux projet de réforme judiciaire du gouvernement.
Les spécialistes de la lecture sur les lèvres ont pour l’essentiel décodé des fragments de phrases, mais l’ensemble donne un aperçu de la gravité des problèmes cardiaques de Netanyahu et renseigne sur la tentative infructueuse de Gallant de dégager un compromis de dernière minute entre la coalition et l’opposition sur la loi dite du « critère raisonnable ». En dépit des efforts de Gallant, cette loi, qui prive désormais le pouvoir judiciaire de la faculté d’examiner le « caractère raisonnable » des décisions de l’Exécutif, a été adoptée sans ajustement de dernière minute.
Dans l’intérêt général et au nom de la transparence, les séances plénières sont intégralement filmées mais dans les faits, seuls les discours et propos tenus dans le micro de la tribune sont audibles, au milieu du brouhaha des conversations des députés.
Les images donnaient à voir les députés, affairés à voter sur les milliers d’amendements déposés par l’opposition – une classique tactique d’obstruction -, et Netanyahu, entouré de plusieurs députés venus tour à tour lui demander de ses nouvelles, suite à sa deuxième hospitalisation en l’espace de deux semaines. Il était sorti de l’hôpital Sheba de Tel Aviv le matin même.
Assis à ses côtés, Gallant a également pris de ses nouvelles.
Selon les spécialistes de la lecture sur les lèvres de la Douzième chaine, Netanyahu aurait parlé à son ministre de la Défense de l’électrocardiogramme effectué par les médecins lors de sa première hospitalisation, le 15 juillet, qui avait décelé les irrégularités du rythme cardiaque. On lui avait implanté un moniteur cardiaque pendant son hospitalisation.
Selon toute vraisemblance, Netanyahu, 73 ans, aurait conseillé à Gallant de faire le même test, ce à quoi le ministre de la Défense, âgé de 64 ans, a répondu : « Je le ferai. Je vais faire vérifier tout ça. Merci de m’en avoir parlé. »
Netanyahu aurait ensuite reparlé des douleurs qui l’ont assailli après avoir parlé avec lui dans la nuit du 22 au 23 juillet, qui lui ont valu un transport d’urgence à l’hôpital pour la deuxième fois.
« Ça fonctionne tout seul », aurait dit Netanyahu, parlant du moniteur cardiaque qui s’est déclenché cette nuit-là. « Il n’y a rien à faire. Si on n’arrive pas à l’hôpital en quelques minutes, on est mort. »
Il est difficile de savoir si Netanyahu parlait de lui ou des problèmes cardiaques en général. Il ne s’attendait sans doute pas à ce que ses propos soient entendus ou décodés.
Ces propos donnent en tout cas un aperçu beaucoup plus grave de la santé de Netanyahu que ce qu’il a souhaité en dire publiquement.
Lors de sa première hospitalisation, le Premier ministre et l’hôpital Sheba ont parlé d’un problème de déshydratation, les médecins assurant que son cœur était « tout à fait normal ». Dans un message vidéo peu de temps avant sa deuxième hospitalisation, Netanyahu déclarait : « Il y a une semaine, on m’a implanté un dispositif de surveillance. Cet appareil a bipé ce soir et m’a dit que je devais recevoir un stimulateur cardiaque. Je dois le faire ce soir. Je me sens bien, mais je fais ce que me disent mes médecins. »
Selon un reportage de la Treizième chaine du 23 juillet dernier, Netanyahu aurait souffert d’arythmie cardiaque pendant 12 secondes le 22 juillet, ce que ses médecins ont interprété comme un danger immédiat requérant l’implantation urgente d’un dispositif de stimulation cardiaque.
A sa sortie de l’hôpital le 24 juillet, deux médecins de Sheba avaient révélé que Netanyahu avait souffert d’un « bloc cardiaque transitoire » potentiellement mortel. Ils ont également reconnu qu’ils avaient repéré des irrégularités dans l’électrocardiogramme la semaine passée.
L’un des médecins, le professeur Roy Beinart, a expliqué (lien en hébreu) que sans le moniteur qui a donné l’alerte le 22 juillet, on aurait pu craindre pour la vie de Netanyahu. « La perturbation n’a duré que quelques secondes. Si le trouble n’avait pas disparu et que le rythme cardiaque ne s’était pas rétabli, il aurait pu se ralentir, ce qui aurait pu occasionner une perte de conscience et peut-être même, Dieu nous en garde, un arrêt cardiaque. »
Son collègue Eyal Nof a déclaré que le moniteur avait signalé un « bloc cardiaque transitoire ». Lorsqu’on lui a demandé si le moniteur avait ainsi sauvé la vie de Netanyahu, Nof a répondu : « Absolument. »
Les appels au compromis infructueux de Gallant
Au cours de la même session plénière de lundi, la Douzième chaine a indiqué que les spécialistes de la lecture sur les lèvres avaient décodé d’autres propos tenus par les députés avant l’adoption de la loi sur le « caractère raisonnable ».
Comme par exemple les propos de Gallant à Netanyahu, lui demandant instamment d’accepter un compromis sur le projet de loi de réforme, alors que le ministre de la Justice, Yariv Levin, se trouvait aux côtés du Premier ministre.
C’est la position du ministre de la Justice, ainsi que le refus de compromis du ministre de la Sécurité intérieure, Itamar Ben Gvir, qui auraient convaincu Netanyahu de ne pas tenir compte des mises en garde de Gallant sur les conséquences délétères de la loi, en particulier au sein de l’armée, et de laisser le processus législatif aller à son terme.
« Donnez-leur quelque chose, quoi que ce soit. Donnez-leur quelque chose pour leur montrer que vous êtes un démocrate, et j’irai leur parler », aurait dit Gallant à Netanyahu, évoquant la nécessité d’une concession aux députés de l’opposition.
« Je ne suis pas contre, mais cela ne marchera pas », aurait répondu Levin, alors que Netanyahu écoutait.
« C’est tellement dommage. Je ne sais plus quoi faire… Il faut leur donner quelque chose ! Faire un geste ! » aurait insisté Gallant.
« Je suis sûr à 100 % que cela ne ne servira à rien », aurait répondu Levin.
Netanyahu aurait ensuite proposé que tout assouplissement du projet de loi sur le « critère raisonnable » préserve la capacité de la coalition d’adopter une autre loi lui octroyant davantage de contrôle sur le Comité de sélection des juges.
« Il faut faire des compromis. Sinon, il ne va rien se passer », aurait ajouté Gallant, selon les spécialistes de la lecture sur les lèvres.
Gallant se serait ensuite entretenu avec d’autres députés dans l’idée de dégager un compromis, disant par exemple à la ministre des Transports du Likud, Miri Regev, que l’adoption du projet de loi sur le « caractère raisonnable » serait une victoire à la Pyrrhus pour la coalition.
Conscient de son incapacité à fédérer des députés, Gallant aurait lâché à Netanyahu : « Je dois être réaliste. Je suis persuadé que ce n’est pas ce qu’il convient de faire, mais j’accepte l’opinion majoritaire au sein de la coalition. »
La loi dite du « caractère raisonnable » a été adoptée par 64 voix contre 0, l’opposition ayant boycotté le vote en signe de protestation.