Netanyahu promet de répondre aux violations, mais le Hezbollah risque de compliquer la tâche
Israël sera confronté à de nombreux dilemmes en cas de violation du cessez-le-feu, chaque roquette lancée du Liban constituant un défi politique et sécuritaire pour le gouvernement
Dans la nuit de mardi à mercredi, au terme de près de 14 mois de combats, dont de nombreuses opérations menées avec une efficacité étonnante, Israël a accepté un cessez-le-feu contre le groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah, soutenu par l’Iran.
Si le Wall Street Journal a salué une victoire israélienne, le Premier ministre Benjamin Netanyahu et ses conseillers sont restés plus mesurés dans leurs déclarations officielles et lors de réunions privées, Netanyahu promettant plutôt qu’Israël finirait, à terme, par remporter une « victoire totale ». « La guerre ne se terminera pas tant que nous n’aurons pas atteint tous nos objectifs, y compris le retour en toute sécurité des habitants du nord du pays », a souligné Netanyahu dans son discours sur l’accord de cessez-le-feu.
Cette prudence s’explique en partie par la reconnaissance des défis à venir. Le cessez-le-feu, avec son mécanisme d’application encore incertain, ouvre la voie à des scénarios complexes pour Israël, notamment face aux tentatives quasi inévitables du Hezbollah de se réorganiser et de renouveler ses menaces.
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Il est toutefois indéniable qu’Israël a obtenu des succès majeurs dans cette guerre contre la milice terroriste soutenue par l’Iran.
L’opération spectaculaire des bipeurs en septembre, suivie de l’élimination du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, et de membres importants de la force d’élite Radwan, ont gravement déstabilisé l’organisation. La poursuite des assassinats de chefs d’unités du Hezbollah sur le terrain a contribué à la dégradation de l’organisation en la plongeant dans un désarroi temporaire.
L’invasion terrestre, qui a duré deux mois, a détruit une grande partie des infrastructures et des arsenaux accumulés par le Hezbollah. Ces ressources devaient être utilisées dans le cadre d’un plan visant à envahir les kibboutzim frontaliers et les positions militaires israéliennes en franchissant les barrières de sécurité.
La majeure partie de l’arsenal de roquettes et de missiles du Hezbollah a été détruite. Il y a un mois, l’ancien ministre de la Défense Yoav Gallant avait estimé que 80 % des stocks du Hezbollah avaient été neutralisés, un chiffre qui n’a cessé d’augmenter depuis.
Plus significatif encore, la barrière psychologique qui empêchait Israël d’agir contre le Hezbollah au Liban depuis des années a été complètement levée.
Avant cette campagne, les dirigeants israéliens redoutaient qu’une escalade avec le Hezbollah ne provoque un déluge de roquettes sur le front intérieur, paralysant la société israélienne.
Aujourd’hui, selon Netanyahu, le Hezbollah n’a pas seulement été « renvoyé des dizaines d’années en arrière », mais il a été à tel point dissuadé que le groupe terroriste palestinien du Hamas ne peut plus compter sur l’aide de son allié.
« Le cessez-le-feu sépare les fronts et isole le Hamas », a déclaré Netanyahu. « Depuis le deuxième jour de la guerre, le Hamas comptait sur le Hezbollah pour se battre à ses côtés. Maintenant que le Hezbollah est hors-jeu, le Hamas est seul. Cela nous permettra d’intensifier notre pression sur le Hamas et d’avancer dans notre mission sacrée de libérer nos otages. »
En dépit de ces gains stratégiques, Israël insiste pour conserver la liberté d’agir contre le Hezbollah si ce dernier tente de contourner les termes du cessez-le-feu. Netanyahu a réitéré cette position peu avant que son cabinet de sécurité ne ratifie l’accord.
« Si le Hezbollah viole l’accord et tente de se réarmer, nous l’attaquerons », a-t-il déclaré. « S’il tente de reconstruire des infrastructures terroristes près de la frontière, nous l’attaquerons. S’il lance une roquette, creuse un tunnel, ou fait entrer un camion chargé de roquettes, nous l’attaquerons ».
La complexité des représailles
Réagir à une violation du cessez-le-feu par le Hezbollah peut sembler simple, mais si Israël ramène ses résidents du nord chez eux, il se trouvera probablement confronté à des dilemmes complexes quant à la manière de répondre aux provocations.
Si une escouade de missiles antichars du Hezbollah est repérée en train d’approcher de la frontière, une frappe de Tsahal ne soulèvera probablement aucune objection.
Cependant, le Hezbollah excelle dans l’utilisation de la couverture civile à des fins militaires, créant des zones d’ombre difficiles à naviguer.
Que faire si des « agriculteurs » au Liban viennent filmer sur leur téléphone des troupes de Tsahal de l’autre côté de la frontière ? Israël doit-il attaquer ? Ou si huit hommes à moto s’approchent de la frontière ?
Oo encore, si le Hezbollah emprunte une tactique du Hamas, en invitant les civils à lancer des ballons incendiaires vers des champs israéliens, Netanyahu doit-il ordonner une réponse militaire ?
Israël est censé soumettre toute plainte à un nouvel organe de surveillance supervisé par les États-Unis et la France. Mais cet organe autorisera-t-il des frappes en réponse aux scénarios susmentionnés ? Et quelles seront les conséquences si Israël ignore ses décisions ? Les réponses restent floues.
Ce qui est certain, c’est que le Hezbollah cherchera à démontrer qu’il reste une force à prendre en compte, tout en tentant de rétablir une certaine dissuasion contre Israël, qu’il s’est juré de détruire.
Israël pourrait brandir la lettre américaine reconnaissant son droit d’agir contre le Hezbollah, mais le groupe terroriste fera tout ce qui est son pouvoir pour restreindre et compliquer cette liberté d’action.
L’effort visant à limiter la liberté d’action militaire d’Israël après des violations du cessez-le-feu pourrait prendre la forme d’une ou deux roquettes tirées sur un nord d’Israël repeuplé.
Un premier tir de roquette du Hezbollah enverrait les habitants dans leurs abris et une riposte israélienne contre les lanceurs de roquettes serait fort probable. On assisterait alors à un fragile retour au calme et Israël continuerait à sanctionner les violations moins flagrantes.
En réponse, le Hezbollah tirerait probablement d’autres roquettes, entraînant inexorablement des problèmes à la fois pratiques et politiques pour Netanyahu.
Avant le cessez-le-feu, un tir de roquette isolé sur le nord d’Israël n’était pas considéré comme un casus belli majeur. Désormais, chaque roquette constitue un défi direct au cessez-le-feu et met à l’épreuve la promesse catégorique de Netanyahu de répondre à toute violation.
Combien de sirènes les habitants nouvellement revenus dans les communautés du nord devront-ils supporter avant de perdre confiance dans le gouvernement et de repartir vers le sud, estimant que leur sécurité n’est pas assurée ?
Dans un tel scénario, les politiciens de l’opposition et certains membres de la coalition, comme le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir, ne manqueront pas de dénoncer sur les plateaux de télévision un gouvernement « trop mou », incapable de protéger un Nord assiégé.
Dans ce contexte, le coût politique de chaque action coercitive de Tsahal devient un facteur clé dans les décisions du gouvernement concernant le Hezbollah. Si ce processus se répète suffisamment, de nouvelles règles du jeu risquent d’émerger, permettant au Hezbollah de rétablir progressivement une forme de dissuasion contre Israël.
Israël ne peut pas empêcher le Hezbollah de se réarmer. Même avec des troupes stationnées le long de la frontière, il est déjà difficile de stopper la contrebande d’armes. Avec des satellites et des drones comme seules options, cela devient impossible, bien qu’Israël puisse ralentir le trafic et imposer un coût au Hezbollah et à ses soutiens iraniens.
L’accord de cessez-le-feu confie à l’armée libanaise la responsabilité de surveiller et d’empêcher « toute entrée non autorisée d’armes et de matériel connexe au Liban, y compris à travers tous les postes-frontières ». Cependant, il est peu probable que l’armée libanaise, bien moins puissante, puisse tenir tête au Hezbollah ou au Corps des Gardiens de la Révolution islamique de l’Iran, qui s’activent déjà à reconstruire les réseaux de soutien.
Netanyahu semble se trouver dans une impasse stratégique. Une nouvelle opération terrestre limitée entraînerait des tirs de roquettes supplémentaires sur le nord d’Israël, tout en admettant implicitement que ce cessez-le-feu était une erreur.
Quant à une invasion totale visant à démanteler la force militaire du Hezbollah, elle semble improbable. Après 14 mois de combats, Tsahal est épuisée : ses réservistes en sont à leur quatrième rotation, et les stocks de munitions sont bas. Une telle opération impliquerait une guerre longue et complexe, menée dans des conditions loin d’être idéales.
Dans ce contexte, une version améliorée de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies était probablement le meilleur résultat qu’Israël pouvait espérer après son intervention militaire au Liban.
Tsahal n’a pas cherché à détruire complètement l’organisation militaire du Hezbollah, mais s’est concentrée sur son infrastructure dans des villages frontaliers, pour la plupart évacués.
Les frappes aériennes à Beyrouth et ailleurs au Liban ont permis de détruire des stocks de roquettes et d’éliminer des commandants de haut rang, mais une grande partie de l’armée du Hezbollah reste intacte. Le groupe conserve une grande partie de ses combattants, un système de commandement et de contrôle réduit mais toujours opérationnel, ainsi qu’une partie importante de son équipement.
La balance de la dissuasion a clairement penché en faveur d’Israël ; autrement, le Hezbollah n’aurait jamais accepté le cessez-le-feu. Mais le Hezbollah reste un adversaire redoutable et s’efforce déjà de rétablir l’équilibre stratégique.
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