« Nous vivons dans le noir » : Les derniers habitants de Metula veulent reconstruire leur ville
La ville frontalière israélienne, bombardée et cernée par des villages libanais hostiles, est une zone militaire fermée ; ses 2 200 habitants déplacés attendent un éventuel retour
À la tombée de la nuit, Tamira Lang, l’une des dernières habitantes de Metula, située à seulement un kilomètre de la frontière libanaise, éteint les lumières de sa maison pour éviter d’être repérée par le groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah.
Lang, volontaire dans l’équipe locale de sécurité d’intervention rapide, a déjà été blessée par des éclats de projectiles et a dû éteindre un incendie déclenché par une salve de roquettes dans la maison de sa voisine.
« Nous vivons dans l’obscurité. Si [le Hezbollah] voit la lumière, je n’ai plus de maison », confie-t-elle en observant les dégâts subis par les maisons voisines qui surplombent la frontière libanaise toute proche.
Craignant une invasion du Hezbollah similaire à celle perpétrée par le groupe terroriste palestinien du Hamas dans le sud d’Israël, Israël a évacué ses communautés frontalières du nord peu après le pogrom du 7 octobre 2023. Ce jour-là, le Hamas a massacré plus de 1 200 personnes et pris 251 otages, déclenchant la guerre actuelle dans la bande de Gaza.
Quelque 60 000 habitants du nord, dont la plupart des quelque 2 200 résidents de Metula, sont toujours déplacés en raison des tirs de roquettes incessants du Hezbollah, commencés au lendemain des massacres du Hamas. Fin septembre, Israël a envahi le sud du Liban pour tenter de mettre fin à ces attaques, que le Hezbollah justifie comme un soutien à Gaza. Les frappes aériennes et les opérations terrestres israéliennes ont contraint un million de Libanais à quitter leur foyer.
Ces derniers jours, les États-Unis ont redoublé leurs efforts pour tenter de conclure un cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah. L’envoyé de Washington, Amos Hochstein, se trouve dans la région depuis mardi et a rencontré des responsables du Liban, du Hezbollah et d’Israël. Un haut responsable israélien de la défense a déclaré jeudi qu’un cessez-le-feu était « très probable », rejoignant l’évaluation de Hochstein.
Alors que les pourparlers de cessez-le-feu se poursuivent, les sirènes d’alerte retentissent quotidiennement à Metula, souvent plusieurs fois par jour. Plus au sud, à Nahariya, un homme a été tué par des éclats d’obus alors qu’il tentait de rejoindre un abri.
À Metula, ville fondée en 1896, certaines zones ont été partiellement détruites, avec des maisons pulvérisées par des mortiers ou des missiles tirés depuis les villages libanais voisins, à seulement quelques centaines de mètres.
Le bruit régulier de l’artillerie des batteries israéliennes tirant sur le Liban et l’odeur de brûlé des maisons bombardées rappellent constamment la réalité brutale pour ceux qui sont restés dans cette enclave, aujourd’hui zone militaire fermée.
« On n’entend plus le chant des oiseaux », déplore Tamira Lang, une des dernières habitantes de Metula, à Reuters lors d’une visite récente. « Le silence aussi est assourdissant », ajoute-t-elle.
Pour Liat Cohen-Raviv, une habitante évacuée actuellement installée à Rosh Pina, les résidents déplacés voudront des garanties de sécurité avant d’envisager un retour.
« Pour que je revienne, je dois avant tout être sûre d’être en sécurité, que je suis protégée », explique-t-elle, en soulignant que des accords passés n’avaient pas été respectés.
Cohen-Raviv souligne également les inquiétudes liées aux tunnels découverts par Tsahal au Liban.
Selon l’armée, le Hezbollah préparait ces tunnels pour une attaque similaire à celle menée par le Hamas. Une source proche du Hezbollah a également confié à Reuters le mois dernier que les tunnels avaient été construits pour permettre aux unités des forces spéciales Radwan du groupe terroriste de pénétrer un jour dans la région de Galilée, dans le nord d’Israël.
« Aujourd’hui, plus que jamais, cette frontière doit impérativement être protégée », insiste Cohen-Raviv.
« Metula aura besoin d’au moins un an pour se reconstruire en termes d’infrastructures », estime-t-elle.
Ruslan Bachinsky, d’origine ukrainienne et membre de l’équipe de sécurité de Metula comme Lang, a déclaré que les tirs du Hezbollah sur la ville avaient diminué depuis le début des opérations de l’armée israélienne.
« Mais nous savons que tout peut basculer en un instant… le danger est omniprésent », a-t-il ajouté. « Il nous faut plus de temps [pour terminer les opérations au Liban]… Le Hezbollah est toujours à côté de Metula. »
Selon une enquête publiée début novembre par l’Institut d’études sur la sécurité nationale (INSS) basé à Tel Aviv, 80 % des personnes interrogées estiment que la situation sécuritaire actuelle ne permet pas à la plupart des habitants du nord du pays de rentrer chez eux.
Bachinsky a également confié que sa femme, enceinte, évacuée de Metula, n’était pas pressée de revenir.
« Nous attendons une fille dans quatre mois, et ma femme ne veut pas retourner à Metula. C’est donc un problème », a-t-il déclaré. « Malheureusement, cela prendra du temps. »