Nouvel éclairage sur la COVID après une étude sur des Juifs hassidiques US
L’étude confirme que Pourim a agi comme un évènement de propagation accrue et remet en cause la notion que les communautés ultra-orthodoxes ont atteint l’immunité de groupe
JTA – Une année après que la COVID s’est abattue sur les communautés juives américaines, une étude scientifique a confirmé ce que beaucoup redoutaient depuis longtemps : les rassemblements durant la semaine de Pourim l’an dernier ont provoqué une propagation accrue.
Un article publié mercredi dans le Journal de l’Association médicale américaine réseau ouvert, un journal évalué par les pairs qui est ouvert au public, conclut que le coronavirus s’est répandu rapidement dans les communautés orthodoxes à travers le pays au printemps dernier aux alentours de cette fête juive – avant que des avertissements de santé publique ne soient donnés concernant les dangers des rassemblements d’importance.
L’article a été évalué par des pairs, signifiant que ses conclusions ont été examinées et acceptées à la faveur d’un processus rigoureux. À présent, ses auteurs – quatre médecins juifs orthodoxes qui ont organisé l’étude de milliers d’échantillons sanguins provenant de Juifs orthodoxes ayant contracté la COVID dans cinq États – affirment que leur article offre des leçons à l’heure où les représentants officiels en matière de santé publique orientent les Américains vers les étapes à venir de la pandémie.
« Il devrait y avoir des recommandations spécifiques pour chaque communauté religieuse et ethnique », affirme le Dr. Israël Zyskind, un pédiatre de Brooklyn et l’un de ses auteurs. « Elles devraient prendre en compte les données culturelles, ce qui n’est pas quelque chose que l’on a observé avec cette pandémie, surtout dans ses premiers temps. »
Le Dr. Avi Rosenberg, pathologue rénal à l’Université John Hopkins et également co-auteur de l’article, affirme que, concernant Pourim en particulier, « les instructions sont arrivées une semaine trop tard. »
« L’obligation de porter un masque a suivi Pourim, le confinement national a suivi Pourim, l’annonce de la COVID comme étant une pandémie a suivi Pourim », affirme-t-il.
L’article est la première des publications à émaner d’un projet de recherche initié par trois docteurs juifs orthodoxes qui ont décidé au tout début de la pandémie de transformer un développement tragique – la propagation étendue du coronavirus dans les communautés orthodoxes au moment de Pourim – en une opportunité d’en apprendre davantage sur le virus via la recherche. À travers leur projet, qu’ils ont appelé « L’étude multi-institutionelle analysant les anticorps-anti-CoV-2 » (en anglais « Multi-InstituTional study analyZing anti-CoV-2 Antibodies » — ou groupement MITZVA) –, ils ont collecté des milliers d’échantillons sanguins qui allaient être utilisés dans 10 laboratoires de recherche en études de virologie liés à la COVID.
Pour les initiateurs du groupement MITZVA, les conclusions sont représentatives des bonnes pratiques qu’ils espéraient voir mises en place au printemps dernier, et une rectification d’une partie de la mauvaise presse reçue par certaines communautés orthodoxes pour avoir passé outre les recommandations de santé publique.
« Le but de tout cet effort était de faire un ‘kiddush Hashem’, afin de montrer que nous faisons attention à nos voisins », affirme Zyskind, utilisant le terme exprimant la sanctification du nom divin. « Et nous sommes venus par milliers pour le faire. »
La découverte la plus importante de leur article, d’après ses auteurs, se situe dans la compréhension du fait que l’élément temporel de Pourim et l’absence de recommandations de santé publique à ce moment précis ont permis à la maladie de se propager largement au sein des communautés orthodoxes.
L’étude a mis à jour que l’émergence des symptômes dans les cinq États étudiés s’est produite à une semaine d’intervalle l’une de l’autre, suggérant que l’inter-connectivité des communautés orthodoxes à travers les États devrait être prise en compte lors d’une réponse à une pandémie.
Publié seulement quelques semaines avant la Pâque juive, le plaidoyer de l’article pour des recommandations de santé publique adaptées aux communautés religieuses est toujours pertinent. Avec des millions d’Américains déjà vaccinés, nombreuses sont les familles qui espèrent se rassembler cette année pour les seders de Pessah après une année de fêtes juives passées à l’isolement. Cependant, avec la majeure partie du pays encore non vaccinée, les risques de se rassembler de façon prématurée sont toujours importants pour ceux qui ne sont pas vaccinés.
« Pessah est imminent et il y a une impatience – alors que cela fait un an que nous sommes dans cette situation – de baisser la garde », affirme Rosenberg. « Étant donné notre manière de célébrer… la suggestion serait que les chiffres sont encore élevés et donc qu’à moins que vous ne soyez vaccinés ou ne sortiez récemment de convalescence, vous devriez continuer de célébrer de façon modeste dans la cellule familiale. »
L’article suggère également que les taux d’infection dans les communautés orthodoxes lors des premiers temps de la pandémie étaient plus élevés que dans les communautés avoisinantes, un élément que les auteurs attribuent à la nature éminemment sociale de la communauté orthodoxe. Mais alors que nombreux dans certaines communautés orthodoxes en sont venus à croire que leur communauté avait atteint l’immunité de groupe dès la fin du printemps et le début de l’été, beaucoup d’entre eux reprenant une vie normale alors que peu de nouvelles infections étaient observées, les données de l’étude montre que cela est improbable.
Dans le New Jersey, la communauté avec le plus haut pourcentage de tests positifs aux anticorps parmi les échantillons de l’étude, 32,5 % des échantillons ont testés positifs aux anticorps.
« Aucune des données dans l’article n’approche d’une immunité de groupe », affirme Rosenberg.
En fait, l’étude a également permis de corriger une idée fausse que certaines personnes avaient atteint l’immunité au printemps dernier.
« Dans ce processus, nous avons appris que beaucoup de gens ont rapporté avoir eu des symptômes sans preuve sérologique de la COVID », affirme Rosenberg, signifiant par là même que ceux qui pensaient avoir eu la COVID, et qu’il était donc improbable qu’ils la contractent une seconde fois, ne l’avaient probablement pas eue. L’étude a également fait la découverte d’anticorps chez des gens qui n’avaient pas eu de symptômes, montrant l’existence de cas asymptomatiques.
L’idée de l’étude a vu le jour pour la première fois dans les premiers temps de la pandémie, quand Rosenberg a repris contact avec Zyskind, son ancien camarade de classe du collège de Brooklyn. Les deux hommes répondaient à des questions similaires de membres de leur communauté à propos de la COVID et des politiques des synagogues et des écoles. Ils ont vite pensé à faire de la recherche liée à la COVID au sein de la communauté orthodoxe et se sont mis en contact avec le Dr. Jonathan Silverberg, un dermatologue et épidémiologiste à l’Université de Washington, également ancien camarade de classe de collège.
Ils ont postulé pour recevoir l’approbation du Bureau de la revue institutionnelle pour procéder à une étude et ont collecté des échantillons sanguins sur une période de deux semaines en mai. Avec l’aide d’organisations communautaires comme le Bikur Cholim de Lakewood, New Jersey, qui apporte une aide alimentaire et d’autres services aux patients dans les hôpitaux et à d’autres personnes ayant des problèmes médicaux, ils ont réussi à collecter les échantillons sanguins de 6 665 personnes dans les communautés orthodoxes de cinq États.
Lorsque Silverberg, Rosenberg et Zysking ont envisagé pour la première fois un projet de recherche, ils espéraient mener une étude de prévalence, qui aurait indiqué quel pourcentage de la communauté avait été infecté par la COVID. Mais le nombre d’échantillons nécessaires pour une étude de prévalence s’est avéré être trop important, donc le trio a revisité son approche.
Ils ont décidé que chaque participant à l’étude remplirait un questionnaire détaillé sur l’apparition de ses symptômes (le questionnaire donnait le calendrier anglais pour Pourim et Pessah comme points de référence), la sévérité des symptômes et combien de temps ils avaient duré. Ensuite, ils ont pris deux échantillons de sang de chaque participant, l’un des deux étant utilisé pour le test des anticorps.
Les autres échantillons, avec approximativement 2 000 échantillons de salive prélevés sur les mêmes participants, ont été envoyés à 10 laboratoires de recherche pour une batterie d’études virologiques liées à la COVID.
Les trois docteurs affirmaient être impatients de finalement pouvoir publier les conclusions de leur recherche presque un an après qu’elle a commencé. Avec huit nouvelles études qui utilisent ces échantillons en progrès, d’autres articles sont attendus dans les mois à venir sur des sujets tels que les différences entre l’immunité des cellules-T et l’immunité des anticorps et la détection des anticorps dans la salive.
« Il y a cinq autres brouillons en développement avec des données de ce groupement qui sont réellement novateurs », affirme Silverberg. « C’est un hommage à la communauté orthodoxe et à son effort de se rendre disponible et de nous aider à organiser tout cela. »