Odeh appelle Gantz au « courage » en intégrant les partis arabes au gouvernement
Le chef de la Liste arabe unie reconnaît qu'une coalition minoritaire ne durerait probablement pas longtemps, ajoutant qu'elle "vaudrait le coup" pour évincer Netanyahu

Le plus important membre arabe de la Knesset a appelé jeudi le leader de Kakhol lavan, Benny Gantz, à former un gouvernement minoritaire incluant les partis arabes en estimant que même si une telle coalition chuterait rapidement, une initiative montrant « un tel courage » vaudrait le coup, ne serait-ce que pour faire tomber Netanyahu de son poste de Premier ministre.
Immédiatement après avoir reçu du président Reuven Rivlin, mercredi soir, la charge de constituer un gouvernement, Gantz a commencé à parler avec les leaders des différentes formations et il les a invités à négocier leur entrée potentielle dans la majorité dirigée par son parti qu’il espère parvenir à mettre en place, tout en organisant également des rencontres entre l’équipe de négociation de sa formations et ses homologues des autres factions concernées.
Ayman Odeh, leader de la Liste arabe unie, a expliqué avoir accepté de rencontrer le dirigeant de Kakhol lavan, précisant que « toutes les options sont sur la table si nous constatons qu’il y a une alternative réelle pour la paix et l’égalité » – même si la plus grande partie de sa faction avait initialement exclu toute possibilité de rejoindre une coalition placée sous la houlette de Gantz.
Dans un entretien accordé jeudi à la Douzième chaîne, Odeh a vivement recommandé à Gantz d’agir « avec courage » et d’inviter la Liste arabe unie, l’alliance de quatre partis à majorité arabe, à rejoindre les négociations de coalition.
S’exprimant au micro de la radio militaire, dans la matinée, Odeh a déclaré que Kakhol lavan n’avait pas encore formellement offert de rejoindre un gouvernement minoritaire mais il a cité l’un des députés de la formation, Ofer Shelah, qui soutient cette option, ajoutant qu’il considérait ce scénario comme immensément important pour les Arabes israéliens – précisant qu’il jouerait un rôle spectaculaire dans la « légitimation » de la communauté dans le discours public israélien.

Il a indiqué que lors de pourparlers survenus le mois dernier, avant qu’une majorité de la Liste arabe unie ne recommande Gantz au poste de Premier ministre, Kakhol lavan et la Liste arabe unie avaient d’ores et déjà fait des progrès en s’accordant sur certaines questions importantes pour la communauté arabe, ajoutant que « nous voulons maintenant que la dette soit remboursée ».
Odeh a mentionné, en exemple, l’annulation d’une loi qui impose des pénalités significatives aux individus érigeant des constructions illégales. La loi dite Kamenitz, adoptée par la Knesset en 2017, a renforcé la capacité de l’Etat à s’attaquer aux constructions illégales en mettant au point des outils supplémentaires permettant de faire respecter le code de construction et de planification.
Cet ensemble d’améliorations, intitulé officiellement Amendement 116, comprend des sanctions plus rigoureuses pour les infractions à la construction et facilitent, pour les inspecteurs, l’émission d’ordonnance d’arrêt des travaux ou de démolition.
La révision de cette loi pourrait profiter aux villes arabes israéliennes où les constructions illégales sont répandues. Les responsables, au sein de ces municipalités, affirment que c’est le refus du gouvernement d’accorder un nombre suffisant de permis de construire qui est à l’origine d’une grande partie des constructions illégales.
Odeh a refusé d’entrer dans le détail des autres questions sur lesquelles des accords ont été conclus avec Kakhol lavan mais il a indiqué que les pourparlers avaient été « très sérieux ». Il a expliqué que la différence était qu’il fallait dorénavant que les discussions soient rendues publiques et sortent des coulisses.

Il a reconnu qu’intégrer – ou soutenir de l’extérieur – une coalition qui comprendrait le parti de droite Yisrael Beytenu n’était pas un scénario réaliste mais il a affirmé que si Liberman restait « neutre » et qu’il s’abstenait lors des votes, un gouvernement minoritaire tel que celui-là pourrait fonctionner – au moins temporairement.
Il a ajouté que même si un tel gouvernement tombait rapidement, le simple fait de faire quitter à Netanyahu son poste de Premier ministre « vaudrait le coup ». Netanyahu est actuellement encore Premier ministre par défaut, et ce tant qu’aucune nouvelle coalition ne sera formée.
« Cela serait préférable que Gantz aille vers de nouvelles élections en tant que Premier ministre, et que ce ne soit pas le cas de Netanyahu », a-t-il déclaré.
Quand un journaliste lui a dit qu’une collaboration avec la Liste arabe unie coûterait des votes à Kakhol lavan lors d’un futur scrutin, Odeh a répondu que « c’est le plus grand problème. Pendant 20 ans, la gauche a ostracisé les Arabes et ça n’a profité qu’à la droite. Il y a une communauté qui représente 20 % de la population, et qui s’oppose dans son intégralité à la droite. Pourquoi ne pas utiliser cela ? »
Odeh a expliqué qu’il négocierait avec Gantz en tant que représentant de la Liste arabe unie toute entière, et notamment au nom des trois députés issus de la faction nationaliste Balad. Cette dernière n’avait cessé de répéter – cela a encore été le cas mercredi – qu’il était inenvisageable qu’elle rejoigne un gouvernement dirigé par Gantz ou qu’elle le rencontre, ne serait-ce que pour discuter.

« Il y a un désaccord interne mais la décision de la majorité va relier tout le monde », a dit Odeh.
C’est Netanyahu qui avait été initialement chargé par Rivlin de former un gouvernement, sur la base du poids de son accord passé avec les formations de droite et ultra-orthodoxes – un bloc d’alliance qui représentait, de fait, 55 députés (Likud : 32 ; Shas : 9 ; Yahadout HaTorah : 7 et Yamina 7).
Gantz, pour sa part, est à la tête de 45 législateurs issus des formations du centre, de gauche et arabes (Kakhol lavan : 33 ; parti Travailliste-Gesher : 6 ; Camp démocratique 5 ; et 10 députés sur 13 appartenant à la Liste arabe unie).
Si Gantz ne réussit pas ses négociations – il a un délai de 28 jours pour mener à bien sa mission, jusqu’au 20 novembre – une majorité de députés pourraient essayer de désigner un troisième candidat, ce qui n’est jamais arrivé dans l’histoire d’Israël. Et en cas d’échec, alors le pays devrait se diriger vers un scénario sans précédent : celui de l’organisation d’un troisième scrutin au sein de l’Etat juif en moins d’un an.
L’équipe du Times of Israel a contribué à cet article.