Pendant que nous étions dans les abris…
Ou six réflexions brèves à l'heure où nous revenons à la lumière du jour
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Pendant que nous étions dans les abris antiaériens durant les douze jours de guerre qui ont opposé Israël à l’Iran…
1. Un maire malintentionné en puissance
Des centaines de milliers d’habitants de New-York ont choisi Zohran Mamdani, membre de l’assemblée de l’État, comme candidat du parti démocrate à la mairie de la Grande Pomme. Ils ne sont pas laissés décourager par son opposition au droit à l’existence d’Israël en tant qu’État juif ; ils ne se sont pas laissés décourager par sa première réaction au massacre commis par le Hamas, le 7 octobre 2003, dans le sud d’Israël – une réaction méprisable – et ils ne se sont pas laissés dissuader par sa complaisance affichée à l’égard des appels à « mondialiser l’intifada », c’est-à-dire à tuer des Juifs partout sur le globe. Et ce, dans la ville qui compte la plus grande population juive au monde.
Les Israéliens qui ont vécu la seconde Intifada – cette offensive stratégique et sans relâche lancée par les Palestiniens, faite d’attentats-suicides et autres attaques terroristes qui, jour après jour, avaient visé les bus, les marchés, les passages piétons, tous les lieux où se trouvaient des Juifs israéliens et qui avait fait un millier de morts, hommes, femmes, enfants – tous ceux qui l’ont vécue ne l’oublieront jamais. (Mon cher collègue Bret Stephens, qui avait vécu ces événements à Jérusalem, les a rappelés pour le New York Times pour tous ceux qui ont pu avoir la mémoire courte).
Ces événements ont laissé une cicatrice encore béante dans l’âme de cette nation. Ils ont été indéfendables, et ils le sont encore aujourd’hui. Et ceux qui, aspirant à se présenter à des élections, ne sont pas disposés à s’opposer à l’intifada à l’échelle de la planète ne peuvent avoir aucune légitimité morale. Est-ce vraiment ce que les New-Yorkais veulent pour leur ville ?
2. La violence sans contrainte
Les partisans du mouvement pro-implantation qui ont commis des attaques quasi-quotidiennement à l’encontre des civils palestiniens en Cisjordanie, pratiquement en toute impunité – sans se faire arrêter, sans se faire punir et en échappant aux condamnations du gouvernement – portent dorénavant leur attention aux soldats de Tsahal, agressant violemment des militaires, se livrant à des émeutes dans une base, incendiant une structure sécuritaire qui avait été installée pour assurer leur protection.
Enfin placé dans l’obligation de condamner les actes commis, le gouvernement s’est engagé à réduire les violences perpétrées à l’encontre des soldats – ne donnant, par ailleurs, aucune indication en ce qui concerne l’impératif de déjouer les attaques qui prennent pour cible les Palestiniens. Promettant une tolérance zéro à l’égard des « incidents graves », le ministre de la Défense, Israël Katz, a annoncé la création d’un groupe de travail commun qui réunira des représentants de Tsahal, du Shin Bet et de la police.

Il s’agira donc des mêmes forces de l’ordre qui sont actuellement placées sous la direction du « ministre de la Sécurité nationale » Itamar Ben Gvir, un individu qui s’est livré à des incitations à la violence et au racisme anti-arabe en série. Et il s’agira donc de ce même Katz dont l’une des premières mesures, lorsqu’il a été nommé ministre de la Défense, a été d’interdire l’utilisation par Tsahal et par le Shin Bet de l’outil de la détention administrative – une arrestation préventive destinée à éviter les actes de violence et de terrorisme – à l’encontre des partisans du mouvement pro-implantation juifs.
3. Des aides mortelles
L’armée israélienne a finalement reconnu la mort de « plusieurs » civils gazaouis, abattus par les soldats alors qu’ils cherchaient à accéder aux centres de distribution d’aides humanitaires mis en place par la Fondation humanitaire de Gaza, soutenue par Israël. Elle a ajouté avoir tiré les leçons de ces incidents meurtriers, notant qu’elle a pris des mesures susceptibles d’éviter qu’ils ne se reproduisent.
Des centaines de Gazaouis auraient été tués en l’espace d’un mois, depuis depuis que la GHF, à la demande d’Israël, a commencé à distribuer de l’assistance humanitaire à Gaza afin d’acheminer denrées alimentaires et produits de première nécessité jusqu’aux non-combattants sans que les marchandises soient réquisitionnées par le Hamas.
Ce bilan est invérifiable. L’armée et la GHF, pour leur part, ont fait savoir que le Hamas tuait froidement les habitants de Gaza qui cherchaient à se rendre dans les centres d’aide, dans le cadre d’une initiative cynique dont l’objectif est de faire échouer le projet, le groupe terroriste étant soucieux de conserver sa mainmise sur la bande de Gaza.

Qu’il ait fallu un mois à Tsahal pour reconnaître son incapacité à assurer un accès sûr aux aides, un accès que les soldats israéliens étaient pourtant chargés de protéger, dépasse l’entendement. Les militaires ne sont pas parvenus à mettre en place des itinéraires qui ne placent pas les dizaines de milliers d’habitants de Gaza en quête d’une assistance précieuse dans l’obligation de côtoyer des troupes inexpérimentées en matière de contrôle des foules et qui, à juste titre, craignent pour leur propre sécurité. Et il est incroyable que, de l’aveu – même tardif – de Tsahal, les soldats aient eu recours à des tirs à balle réelle ou à des tirs d’obus de char.
Comme il est incroyable que, après la reconnaissance par l’armée elle-même de ce qui s’est passé et après que des « leçons » ont apparemment été tirées, le bilan ait semblé continuer de s’alourdir.
4. Tout tourne autour des blocs
Gadi Eisenkot, ancien chef d’état-major qui a perdu son fils et deux de ses neveux dans la guerre menée contre le Hamas à Gaza, s’est préparé à rompre son partenariat politique avec son prédécesseur à la barre de Tsahal, Benny Gantz.
Peu d’hommes politiques parviennent à égaler l’intégrité évidente d’Eisenkot et son engagement en faveur d’un véritable service public. Mais de telles qualités pourraient s’avérer être insuffisantes lorsqu’il s’agira de concrétiser son désir déclaré de secouer le système politique en mettant en place une alternative « sioniste, patriotique, étatique et démocratique » à la coalition actuellement dirigée par Netanyahu.

Les premiers sondages qui ont été effectués après l’annonce de sa démission du parti HaMahane HaMamlahti de Gantz ont révélé qu’Eisenkot, en tant que chef de parti potentiel, obtiendrait entre sept et neuf sièges à la Knesset, soit le même score que celui obtenu par le maire de Tel Aviv, Ron Huldai, lors du lancement de son parti « Les Israéliens » – qui n’avait guère fait long feu – en 2020.
Lors d’une conférence de presse qui a été organisée mardi dans la soirée, Eisenkot a clairement indiqué qu’il était beaucoup moins intéressé par la perspective de prendre la direction d’un nouveau parti que par l’unification des forces existantes et nouvelles avec pour objectif de vaincre Netanyahu, qui, selon lui, doit démissionner en même temps que toutes les autres personnalités qui ont été au cœur de la responsabilité des échecs du 7 octobre 2023.
Ces premiers sondages ont également montré que la rupture d’Eisenkot n’aurait pas d’effet significatif sur l’équilibre du soutien apporté par les Israéliens aux partis favorables au Premier ministre et aux partis qui s’opposent à ce dernier. Le bloc anti-Netanyahu compterait environ 60 sièges à la Knesset – forte de 120 membres – et les factions qui forment la coalition actuelle en gagneraient environ 50. Si ce score paraît de mauvais augure pour Netanyahu, pas sûr que le Premier ministre en soit lui-même convaincu. Il a remporté des élections alors que le vent lui était plus défavorable, il a survécu à 20 mois de pressions exercées en faveur de sa démission depuis le 7 octobre et il a résisté à la mise en place d’une commission d’enquête sur la catastrophe qui l’enterrerait politiquement.
En regardant Eisenkot, sérieux et calme, en train de prononcer son discours d’unification à la nation mardi soir, Netanyahu pourrait bien ne guère avoir été troublé. Une opposition de plus en plus divisée ? Avec la perspective qu’un ou plusieurs des partis qui lui sont hostiles passent en-dessous du seuil de la Knesset, mettant ainsi un grand nombre de voix hors-course – ce qui s’était produit en 2022, et ce qui avait facilité sa victoire dans les urnes ?… « Merci, Gadi ! », s’est peut-être exclamé le Premier ministre. « C’est parti ! »
5. La troisième surprise ?
Le président américain Donald Trump n’a eu de cesse de réclamer la fin de la guerre de Gaza et la libération de tous les otages qui se trouvent encore dans les geôles du Hamas, alors même que les États-Unis aidaient à défendre Israël contre les missiles balistiques de l’Iran et qu’ils bombardaient les principaux sites nucléaires iraniens.
Après avoir ordonné la fin de la guerre menée à l’encontre de l’Iran, Trump s’apprête à accueillir Netanyahu à la Maison-Blanche la semaine prochaine, pour la troisième fois en l’espace d’à peine cinq mois de mandat.
Lors de sa première visite, il avait révélé quelle était sa vision de l’avenir pour Gaza – le déplacement forcé de tous ses habitants vers de meilleurs horizons, ailleurs, et la transformation par les États-Unis d’une bande vidée de ses résidents en opportunité immobilière – une idée qui ne s’est pas concrétisée, qui a été approuvée par Netanyahu, qui a été saluée avec enthousiasme par l’extrême-droite et que le président a depuis à moitié abandonnée.
Lors de sa seconde visite, Trump avait lancé des paroles qui avaient fait l’effet d’une bombe : « Nous menons des discussions directes avec l’Iran ». Des négociations de 60 jours que l’Iran, avec arrogance, avec un penchant pour l’autodestruction, avait choisi de ne pas mener à bien et qui s’était terminée par le recours à la force à l’encontre des capacités nucléaires et de missiles balistiques du régime de Téhéran. Alors que Trump révélait que des pourparlers étaient en cours avec la République islamique, Netanyahu avait eu du mal à dissimuler sa consternation.

Il semblerait que lors de cette troisième visite, la semaine prochaine, l’accent sera à nouveau mis sur Gaza, Trump promettant de se montrer « très ferme » avec le Premier ministre israélien s’agissant de la fin de la guerre, tout en affirmant avec conviction que Netanyahu « le veut aussi ».
Ce dernier, qui a insisté pour que cette visite puisse se tenir, pourrait espérer que ce déplacement soit l’occasion de relancer l’initiative dite « de Witkoff », une proposition qui prévoit une trêve de 60 jours et la libération du plus grand nombre d’otages possible, tout en évitant de prendre un engagement contraignant de mettre un terme à la guerre. Il pourrait aussi être prêt à affirmer que les deux principaux objectifs de la guerre – la destruction du Hamas et le retour de tous les captifs – sont à portée de main et qu’ils peuvent être atteints par le biais d’un accord approuvé par Trump.
Ce qui pourrait, par effet domino, entraîner l’effondrement de sa coalition – mais les élections n’auront lieu que dans un peu plus d’un an, les Haredim lancent à nouveau des ultimatums en lien avec le projet de loi qui exempterait les jeunes hommes de la communauté de service militaire et Netanyahu peut estimer que ses chances de succès électoral se sont grandement améliorées après la guerre contre l’Iran. Son parti, le Likud, ne cesse de gagner des points dans les sondages aux dépens de l’extrême droite, et l’opposition semble baigner dans un désarroi perpétuel.
Toutefois, Trump est imprévisible et il est également capable, par exemple, de faire avancer un ordre du jour qui s’avèrera être entièrement différent – en faisant sortir des coulisses, par exemple, un leader arabe « jeune, séduisant et dur à cuire » pour un échange de poignée de main révolutionnaire qui déjouera toutes les attentes.
6. Après les ayatollahs
Enfin, pendant que nous étions dans les abris antiaériens, Tsahal et l’establishment de la sécurité ont fait de grandes avancées vers la restauration de leurs capacités de dissuasion et de leur crédibilité intérieure, avec un niveau de confiance au sein de la population qui avait été au plus bas depuis le 7 octobre. (Un sondage de l’Institut israélien de la démocratie dont les résultats ont été rendus publics mercredi a montré que 84% du public faisait « très » ou « assez confiance » à Tsahal, et 68,5% des personnes interrogées ont dit avoir le même sentiment à l’égard du chef d’état-major de Tsahal Eyal Zamir. Du côté de Netanyahu, ce pourcentage s’est élevé à 40 %.)
Il y a eu, pendant la guerre, trente-six impacts de missiles balistiques iraniens, 28 Israéliens tués, 2 000 bâtiments détruits ou endommagés, un hôpital, deux universités et une raffinerie de pétrole détruits, et 13 000 personnes déplacées. Ce qui n’est pas rien.

Toutefois, cela n’a été qu’une petite partie des atteintes que les ayatollahs avaient bien l’intention d’infliger à l’État juif si Tsahal n’avait pas lancé son assaut spectaculaire, soutenu par les États-Unis, contre le programme nucléaire du régime, contre ses capacités en matière de missiles et contre ses commandants militaires.
Le régime iranien enrichissait ouvertement de l’uranium à des niveaux dépassant toute application civile. Il avait fait de son mieux pour faire des forteresses de ses installations connues, il avait fait de son mieux pour en établir d’autres clandestinement et pour faire obstacle aux inspecteurs de l’ONU. Il avait développé de manière considérable sa production de missiles balistiques, il avait amélioré les capacités meurtrières de ces missiles et il s’était efforcé d’élargir leur portée au-delà d’Israël, vers l’Europe, avec les États-Unis comme objectif final. Et paradoxalement, tout en continuant à chercher ouvertement l’anéantissement d’Israël, il se présente aujourd’hui comme la partie lésée, comme une victime irréprochable d’une agression israélienne et américaine non provoquée.
Nous ne connaissons pas encore l’étendue des dégâts qui ont été causés par ces douze jours de guerre. Sortis des abris antiaériens pour l’instant, il y a une chose que nous savons pertinemment : c’est qu’Israël ne pourra pas envisager une sécurité à long-terme – ni aucun autre pays, d’ailleurs – tant que ce régime conservera le pouvoir.
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