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Analyse

Pompeo exige la reddition inconditionnelle de l’Iran

Le secrétaire d'État américain ne menace pas de recourir à la force, suggérant que les USA parient sur un changement de régime plutôt que sur une confrontation militaire

Raphael Ahren

Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Le secrétaire d'État américain Mike Pompeo (à gauche) rencontre le premier ministre Benjamin Netanyahu à Tel Aviv le 29 avril 2018 (Haim Zach/GPO).
Le secrétaire d'État américain Mike Pompeo (à gauche) rencontre le premier ministre Benjamin Netanyahu à Tel Aviv le 29 avril 2018 (Haim Zach/GPO).

« Nous sommes en 1938 et l’Iran est l’Allemagne », avait averti le Premier ministre Benjamin Netanyahu en 2006.

Dans la même veine, le discours historique du secrétaire d’État américain Mike Pompeo, dans lequel il a insisté pour que l’Iran s’engage dans un « changement stratégique fondamental », rappelle la Conférence de Casablanca de 1943, où le président américain Franklin D. Roosevelt a déclaré qu’il n’exigeait rien de moins qu’une « reddition inconditionnelle » de la part des puissances de l’Axe.

Tout le monde sait comment la Seconde Guerre mondiale s’est terminée : l’Allemagne nazie et le Japon impérial se sont rendus sans condition environ deux ans plus tard.

La façon dont l’impasse américaine avec l’Iran prendra fin est encore entièrement ouverte. Les partisans de la nouvelle position dure de l’administration américaine soutiennent que seul le bâton incitera le régime des ayatollah à changer ses mauvaises habitudes. D’autres se demandent s’il existe un plan B si Téhéran rejette les exigences maximalistes de Washington et si les nouvelles sanctions n’ont pas l’impact souhaité.

En Israël, le soutien aux exigences de Pompeo pour l’Iran – y compris l’abandon total de son programme nucléaire, la fin de son soutien au Hezbollah, la fin du parrainage du terrorisme et des menaces de destruction d’Israël, et le retrait de toutes les troupes de Syrie – et sa menace des « sanctions les plus sévères de l’histoire », sont un sujet de consensus.

« Nous croyons que c’est la bonne politique. Nous pensons que c’est la seule politique qui pourrait en fin de compte garantir la sécurité au Moyen-Orient et la paix dans notre région », a déclaré le Premier ministre Benjamin Netanyahu lundi soir à Jérusalem, quelques instants seulement après que Pompeo ait prononcé son discours à la Heritage Foundation à Washington, DC.

Le ministre de la Coopération régionale, Tzachi Hanegbi, a salué les propos de Pompeo comme étant « extraordinaires » et « remarquables ». Le député de l’opposition Yair Lapid a déclaré que l’approche du diplomate américain était « juste », louant le discours de Pompeo et ses 12 conditions pour l’Iran comme étant « claires et nettes ».

Dans une démarche extrêmement rare, le ministère des Affaires étrangères d’Israël a affiché une transcription complète du discours de Pompeo sur son site Web.

Même l’ancien ambassadeur des États-Unis en Israël, Dan Shapiro, qui a soutenu l’accord nucléaire iranien de 2015 et s’est opposé à la récente décision du président Donald Trump de mettre fin à l’accord, a déclaré qu’il appuie chacune des 12 exigences de Pompeo.

« Ce que moi et beaucoup d’autres avons du mal à comprendre, c’est quelle est la stratégie pour atteindre tous ces objectifs louables », a cependant tweetté Shapiro. « Émettre les exigences ? Vérifier. Des sanctions plus sévères ? OK, même si nous devons punir nos alliés pour avoir fait ce qu’ils sont autorisés à faire en vertu de la JCPOA », a-t-il écrit, en utilisant la dénomination technique de l’accord avec l’Iran.

Pompeo, dans son discours de lundi, a menacé que « l’aiguillon des sanctions sera douloureux si le régime ne change pas de cap par rapport à la voie inacceptable et improductive qu’il a choisie ».

Le secrétaire d’État américain Mike Pompeo prononce une allocution à la Heritage Foundation le 21 mai 2018. (Win McNamee/Getty Images/AFP)

Mais l’administration « sous-estime à quel point il est difficile de faire en sorte que les sanctions secondaires aient des effets paralysants lorsque d’autres cherchent à les éviter », a dit M. Shapiro, faisant référence à l’interdiction faite aux autres pays de faire du commerce avec l’Iran. L’Union européenne, la Chine et la Russie ont clairement fait savoir qu’elles s’opposent à tout ce qui pourrait nuire à leurs intérêts économiques.

La promesse de Pompeo d’imposer les « sanctions les plus sévères de l’histoire » sonne un peu creux tant que les principaux partenaires commerciaux de l’Iran refusent de le faire, a fait remarquer Michael McFaul, ancien ambassadeur des États-Unis en Russie.

Le régime iranien est diabolique, et « plus vite il disparaîtra de ce monde, mieux ce sera », a déclaré Shapiro, mais de demander simplement à Téhéran d’arrêter de faire de mauvaises choses et « de faire pression sur lui avec l’aide mitigée des alliés, de promettre des relations normales s’il se conforment pleinement [et] d’appeler la population à se soulever » sera peu susceptible d’aboutir au résultat souhaité.

L’ancien ambassadeur des États-Unis en Israël, Dan Shapiro, lors de ses adieux à la Knesset, le 17 janvier 2017. (Miriam Alster/Flash90)

« Je suis donc ouvert à entendre l’argument, lié à une évaluation réaliste de nos capacités. Parmi les anciens de l’administration Obama et les partisans de la JCPOA (je crois toujours que c’était une erreur), Pompeo ne trouvera pas un meilleur auditeur que moi, prêt à soutenir une stratégie ayant une chance de réussir », a écrit Shapiro. « Pour l’instant, je ne l’entends pas, et je ne comprends pas. »

Pompeo lui-même a reconnu que, « pour certains, les changements dans le comportement iranien que nous recherchons peuvent sembler irréalistes », mais a noté qu’avant la signature de l’accord sur l’Iran en 2015, ses exigences étaient largement acceptées par la communauté internationale.

« Ce n’est pas un vœu pieux que de demander aux dirigeants iraniens de se comporter comme un pays normal et responsable. Nos exigences sont simples », a-t-il tweeté.

Certes, les dirigeants iraniens, lundi soir, n’ont pas perdu de temps à rejeter le discours de Pompeo, ce qui montre clairement que Téhéran n’a pas l’intention de se soumettre.

Pas de menaces directes d’intervention militaire

Ce qui ressort du discours intransigeant de Pompeo, c’est l’absence d’une menace explicite d’action militaire.

Tout comme Trump l’a fait le 8 mai, lorsqu’il a annoncé sa décision de quitter l’accord avec l’Iran, Pompeo a simplement dit que le régime « aura de plus gros problèmes qu’il n’en a jamais eu auparavant » s’il ne se conformait pas aux exigences de l’administration.

Mardi matin, le ministre du Renseignement Yisraël Katz a applaudi Pompeo pour sa position sur l’Iran, y compris sa « menace de sanctions économiques sévères et le recours à la force militaire » si le régime devait reprendre son programme nucléaire.

« Comme cela a été prouvé dans le cas de la Corée du Nord, la seule façon de freiner les dictatures déterminées qui cherchent à se doter d’armes nucléaires est d’imposer des sanctions sévères et de montrer une volonté d’utiliser la force », a déclaré Katz en saluant la décision de Trump.

Mais Pompeo a-t-il vraiment proféré une menace crédible de recours à la force militaire ?

Il s’est engagé à « travailler en étroite collaboration avec le ministère de la Défense et nos alliés régionaux pour décourager l’agression iranienne ». Il a promis d’assurer « la liberté de navigation sur les eaux de la région », de contrer « la cyber-activité malveillante de l’Iran » et d’“écraser” les agents iraniens et leurs mandataires du Hezbollah dans le monde entier.

Le secrétaire d’État américain Mike Pompeo prend la parole à la Heritage Foundation, le 21 mai 2018, à Washington, DC. (Win McNamee/Getty Images/AFP)

S’adressant directement aux dirigeants iraniens, il a vaguement promis que leurs activités allaient « se heurter à une détermination sans faille ».

Même le pacifiste Barack Obama – dont les Américains et les Israéliens lui reprochent d’avoir encouragé le comportement agressif de Téhéran – était plus enclin à jurer que toutes les options étaient sur la table pour contrecarrer la tentative de l’Iran de se doter de l’arme nucléaire.

« J’ai ordonné une action militaire dans sept pays. Il y a des moments où la force est nécessaire, et si l’Iran ne respecte pas cet accord, il est possible que nous n’ayons pas d’autre solution », avait dit M. Obama lors d’un discours prononcé en août 2015 pour défendre l’accord sur le nucléaire.

Le président américain Barack Obama lors d’une conférence de presse après le sommet du G20 à Antalya le 16 novembre, 2015 (Crédit : AFP PHOTO / OZAN KOSE)

« Notre armée reste le dernier rempart à tout accord de sécurité que nous concluons », a-t-il ajouté, notant que le budget de la défense des États-Unis est 40 fois plus élevé que celui de l’Iran.

« J’ai déclaré que l’Iran ne sera jamais autorisé à se doter d’une arme nucléaire et j’ai fait le nécessaire pour que nos options militaires soient réelles. Et je n’ai aucun doute que tout président qui me suivra prendra la même position », avait prédit M. Obama.

Si c’est le cas, ni Trump ni Pompeo ne l’ont dit explicitement jusqu’à présent.

Lorsque Roosevelt a exigé une reddition inconditionnelle pendant la Seconde Guerre mondiale, il a envoyé un grand nombre de troupes en territoire ennemi. Trump, d’autre part, veut que les forces américaines sortent du Moyen-Orient et hésitera probablement beaucoup avant de faire quoi que ce soit qui pourrait entraîner les soldats américains dans un conflit militaire prolongé avec l’Iran.

En quête d’un changement de régime

Plutôt que d’évoquer le spectre d’une autre guerre coûteuse au Moyen-Orient – ce que sa base politique va certainement détester – le président américain semble parier sur la guerre économique qui, selon le discours de Pompeo, devrait finalement conduire à un changement de régime.

Lundi, le secrétaire d’État américain a consacré une grande partie de son discours à s’adresser directement aux Iraniens de la rue, tout en les exhortant à renverser leur gouvernement répressif.

« Aujourd’hui, nous demandons au peuple iranien : vouliez-vous que votre pays soit célèbre pour cela, pour être un co-conspirateur avec le Hezbollah, le Hamas, les talibans et Al-Qaïda ? Les États-Unis estiment que vous méritez mieux », leur a-t-il dit.

L’aventurisme militaire du régime dans la région et le soutien au terrorisme dans le monde entier coûtent des milliards de dollars, mais ils ne font rien pour améliorer la vie des Iraniens qui travaillent dur, a-t-il ajouté.

« Le régime récolte une moisson de souffrance et de mort au Moyen-Orient aux dépens de ses propres citoyens. L’économie de l’Iran est stagnante et sans perspective et est sur le point de s’aggraver. La jeunesse s’étiole sous le poids d’ambitions frustrées. Ils aspirent à profiter des libertés et des opportunités du 21e siècle », a-t-il poursuivi.

Si l’Iran est prêt à procéder à des changements majeurs, les États-Unis sont « ouverts à de nouvelles étapes » avec le pays, a-t-il dit, sachant pertinemment que les dirigeants politiques actuels sont très peu susceptibles d’apporter les changements qu’il a exigés.

L’ayatollah Ali Khamenei, le 28 décembre 2017. (Crédit : capture d’écran YouTube)

L’ayatollah Ali Khamenei « ne vivra pas éternellement, et le peuple iranien ne respectera pas non plus les règles rigides des tyrans pour toujours », a dit M. Pompeo, ajoutant que les États-Unis espèrent que leurs efforts actuels « porteront leurs fruits pour le peuple iranien qui souffre depuis longtemps. Nous avons hâte de les voir prospérer et s’épanouir comme au cours des décennies passées et, en fait, comme jamais auparavant ».

L’administration Obama a cherché à retarder la course aux armes nucléaires de l’Iran pendant une décennie, en espérant tranquillement un changement de régime mais en menaçant explicitement d’une intervention militaire si Téhéran essayait de se lancer dans la course à la bombe, et en ignorant les actes d’agression conventionnels du régime.

L’administration Trump s’attaque à l’ensemble des activités malveillantes de l’Iran, appelant presque explicitement à un changement de régime mais évitant discrètement les menaces d’intervention militaire.

Que ce soit par un changement de régime ou par la force militaire, Israël accueillera favorablement tout ce qui pousse l’Iran à abandonner ses ambitions nucléaires et ses efforts pour détruire l’État juif. Les prochains mois montreront si le plan de Pompeo se réalisera.

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