Pour Amsalem, la procureure générale est la « personne la plus dangereuse » d’Israël
À la Knesset, le député du Likud a affirmé que Gali Baharav-Miara était une réelle menace pour la démocratie ; l'opposition dénonce une incitation à la haine et demande son renvoi
David Amsalem, ministre de la Coopération régionale, a déclaré mercredi que la procureure générale, Gali Baharav-Miara, était « la personne la plus dangereuse » d’Israël et qu’elle représentait une menace pour la démocratie.
Les dirigeants de l’opposition ont réagi avec indignation, accusant le provocateur député du Likud, qui est également ministre au sein du ministère de la Justice, de dangereuse incitation à la haine envers la procureure générale. Ils ont demandé son renvoi.
Amsalem a tenu ces propos à la tribune de la Knesset, réunie en session plénière, lors d’un discours très critique envers Baharav-Miara à laquelle il reproche son manque de réaction face à ce qu’il qualifie d’exactions de la part des manifestants anti-réforme.
La veille, Baharav-Miara a laissé entendre que son service avait fait l’objet de pressions pour qu’elle prenne certaines mesures dans des enquêtes et des affaires pénales gérées par le bureau du procureur de l’État.
De son côté, Amsalem a reproché à Baharav-Miara de protéger les manifestants face à des poursuites.
Le ministre a qualifié la situation de la veille de « chaos » généralisé, quand des manifestants anti-réforme ont bloqué des routes et perturbé les services ferroviaires, sans que la procureure générale « ne dise rien ».
« À mon avis, elle est la personne la plus dangereuse du pays aujourd’hui », a déclaré Amsalem.
« La révolte couve dans les rangs de l’armée israélienne, et la procureure générale ne voit ni n’entend rien. »
Amsalem a évoqué le cas de ces réservistes qui, toujours plus nombreux, menacent de ne pas répondre présent au service volontaire si la réforme se poursuit, alors même qu’ils exercent des responsabilités clés, souvent très sensibles, en matière de sécurité – comme les pilotes de l’armée de l’air, entre autres.
« Nous aurions déjà dû nous en débarrasser », a déclaré Amsalem. « Elle nuit à la sécurité. Cette femme représente un vrai danger pour la stabilité d’un Israël démocratique. Virons-la, et alors, tous ceux qui enfreignent la loi seront punis comme ils le méritent. »
Amsalem est également revenu sur l’audition de Baharav-Miara, et d’autres hauts responsables de l’appareil judiciaire et des forces de l’ordre, lors du Conseil des ministres de la semaine passée, pour clarifier leur position juridique concernant l’application de la loi lors des manifestations.
« Nous l’avons convoquée la semaine dernière lors du Conseil des ministres. Elle est venue avec le procureur de l’État et toute la bande », a déclaré Amsalem. « Elle en a fait une farce, elle a humilié le gouvernement. »
Le chef de l’opposition, le député Yair Lapid de Yesh Atid, a réagi en accusant Amsalem d’incitation à la haine contre Baharav-Miara.
L’agence de sécurité du Shin Bet a d’ailleurs estimé que le sécurité de Baharav-Miara se trouvait très menacée.
« Si vous vous demandez pourquoi, voici la réponse », a tweeté Lapid en publiant une vidéo d’Amsalem et de ses propos à la Knesset.
Le chef du parti d’opposition Kakhol lavan, le député Benny Gantz, a tweeté : « Dans un pays civilisé, Amsalem aurait présenté des excuses ou aurait été limogé, mais dans le gouvernement extrémiste du Premier ministre Benjamin Netanyahu, l’incitation à la haine, les effusions de sang et l’assimilation des opposants politiques à des ennemis sont devenues monnaie courante. »
Gantz a encouragé Baharav-Miara « à continuer à travailler sereinement ».
La cheffe du parti Avoda, Merav Michaeli, également dans l’opposition, a reproché à Netanyahu le comportement d’Amsalem.
« C’est lui qui agite en sous-main Amsalem et les autres porte-parole », a-t-elle écrit. « D’un côté, il reste souriant, et de l’autre, il continue de faire avancer à marche forcée ces lois coup d’État, dont il entend qu’elles le tirent du banc des accusés. »
Amsalem n’a pas désarmé face aux critiques, tweetant par la suite : « Dites ce que vous voulez, la droite ne nuirait jamais à Tsahal ou à la sécurité du pays. »
Il a ajouté qu’une fois la tourmente politique actuelle apaisée, « il faudra s’asseoir… et comprendre comment nous en sommes arrivés au point où des organisations de gauche se sont frayées un chemin dans les rangs de l’armée pour prendre le pays en otage. »
S’adressant mardi à des responsables des services du procureur de l’État, Baharav-Miara a dit avoir fait l’objet de pressions « pour prendre certaines décisions dans des enquêtes ou des affaires de votre compétence ». Elle a ajouté que ses services avaient fait l’objet de pressions pour qu’elle adopte certaines positions sur les avis formels des conseillers juridiques du gouvernement pris, sous son égide, sur les lois et les décisions gouvernementales.
Baharav-Miara a déjà fait l’objet de vives critiques en Conseil des ministres, lors d’une audition destinée à évoquer ce qui était présenté comme l’échec de ses services et des forces de l’ordre à apporter une réponse à niveau aux manifestants anti-réforme, actifs depuis maintenant plus de six mois. Certains ministres ont demandé son renvoi, Amsalem ajoutant que le procureur de l’État, Amit Aisman, devrait lui aussi être limogé.
Selon plusieurs médias israéliens, Netanyahu aurait réprimandé Amsalem pour ses propos, ce à quoi ce dernier aurait rétorqué que le Premier ministre avait « un conflit d’intérêts » vis-à-vis de la procureure générale, plaisanterie sur le procès pénal de Netanyahu.
Les manifestants ont organisé mardi une nouvelle journée de manifestations de grande ampleur dans tout le pays, alors même que la coalition redoublait d’efforts pour faire adopter une loi destinée à priver la Cour suprême de sa compétence sur les politiques et nominations du gouvernement.
Cette loi vise à empêcher la Cour d’utiliser le critère dit du « caractère raisonnable » pour évaluer les décisions prises par le gouvernement ou les représentants élus.
Les critiques de ce projet de loi estiment qu’il fait partie du dispositif plus large du gouvernement pour se mettre à l’abri de toute forme de contrôle judiciaire, afin de nommer des fonctionnaires non qualifiés ou corrompus et d’évincer les technocrates qu’il estime déloyaux. Au contraire, les partisans de ce projet de loi l’estiment indispensable pour tempérer ce qu’ils considèrent comme le pouvoir exorbitant de juges non élus, qui interfère avec les décisions d’un gouvernement démocratiquement élu.
En juillet déjà, Amsalem avait demandé la mise sous les verrous des leaders de la contestation anti-réforme et l’éviction de Baharav-Miara.