Pour Jean-Yves Camus, l’invitation de Bardella à une conférence en Israël aide à la « dédiabolisation » du parti
Le politologue explique que du point de vue israélien, « le danger incarné par LFI et l’extrême gauche est aujourd’hui supérieur à celui posé par le RN » pour Israël et les Juifs de France

C’est une polémique qui ne désenfle pas. L’invitation de Jordan Bardella, président du Rassemblement national (RN), et de Marion Maréchal-Le Pen, figure de l’extrême-droite française, à une conférence sur l’antisémitisme en Israël a provoqué l’annulation par de nombreuses personnalités, dont le philosophe Bernard-Henri Levy, de leur participation à cet événement. Un choix qu’assume parfaitement Amichaï Chikli, ministre israélien de la Diaspora, qui estime qu’il s’agit des « personnes qui nous soutiennent le plus ».
Dans un entretien accordé au Figaro, Jean-Yves Camus, chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) spécialiste de l’extrême-droite, estime que « l’invitation du RN est une marque de dédiabolisation auprès de la droite israélienne ».
« Cette droite [israélienne] compte ses amis et, depuis le 7 octobre, fait le constat qu’Israël est seul », poursuit-il. « Elle doit dès lors composer avec les amis qu’elle a, partageant une croyance selon laquelle l’Occident perd son âme et est travaillé par la double subversion islamiste et gauchiste. »
Le chercheur fait référence aux nombreuses accusations qui pèsent sur La France insoumise (LFI), le parti d’extrême-gauche de Jean-Luc Mélenchon, qui, depuis le pogrom du 7 octobre 2023 perpétré par le Hamas, a systématiquement exprimé des positions pro-palestiniennes et anti-israéliennes, jugées quelquefois antisémites.
Pour le RN, avec lequel l’État d’Israël avait pour tradition de ne pas traiter en raison de son passé nazi et des nombreuses déclarations antisémites et négationnistes de son fondateur Jean-Marie Le Pen, cette invitation est entendue comme une validation de son discours de parti « rempart contre l’antisémitisme ».
« Qu’il existe une évolution du parti sur l’antisémitisme est exact au sommet : il ne le manie plus comme une arme politique », reconnaît Camus, qui nuance son propos en estimant qu’il « reste une inconnue : la base militante ».

« En novembre 2024, l’Ipsos montrait que 52 % de ceux du RN adhèrent à au moins six préjugés antisémites. C’est plus que la moyenne (46 %), […] mais moins qu’à LFI (55 %) », ajoute-t-il, évoquant les résultats d’un sondage commandé par le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif).
Au cours des élections législatives anticipées de juin 2024, plusieurs candidats RN avaient créé la polémique en tenant des propos à caractère antisémite, négationniste, raciste, voire complotiste. Un embarras pour le parti, que Bardella avait tenté de mettre sous le tapis en dénonçant quelques « brebis galeuses » de la campagne.
« Des profils radicaux subsistent », estime de son côté Jean-Yves Camus. « Mais qu’est-ce que cela pèse, surtout quand le RN réagit sur ces cas-là, face à la tactique de LFI consistant à se focaliser sur le conflit israélo-palestinien, interrogeant le caractère terroriste tant du 7 octobre que du Hamas ? »

À Jérusalem, le jeune leader du parti, qui a rencontré Chikli le mois dernier en marge de la CPAC, une conférence annuelle organisée par la droite américaine à Washington, insistera sur les dangers de l’islamisme. « Le soutien du RN à Israël nous ramène à 1967, alors que [Jean-Louis] Tixier-Vignancour et le colonel [Jean-Robert] Thomazo manifestaient en faveur de l’État hébreu parce qu’il incarnait, dans la guerre des Six-Jours, l’avant-garde de l’Occident assiégé par le communisme allié aux pays arabes », explique Camus.
« Transposez cela en 2025, et vous avez Israël comme fer de lance de la lutte contre l’islamo-gauchisme. »