« Pourquoi ? Visages de la Shoah » : un docu-témoignage bouleversant des derniers rescapés
Ceux qui parlent dans ce documentaire - qui sort le 30 janvier au cinéma pour les 80 ans de la libération du camp d'Auschwitz - savent qu’ils livrent là un dernier témoignage

Bientôt ce sera le silence.
Tous les rescapés de la Shoah auront disparu.
Et ceux qui parlent dans ce magnifique documentaire – « Pourquoi ? Visages de la Shoah » qui sort le 30 janvier au cinéma pour les 80 ans de la libération du camp d’Auschwitz – savent qu’ils livrent là un dernier témoignage.
Avant le silence, avant l’oubli qui gagne déjà, avant l’indifférence qui avance. Ils racontent une dernière fois « l’avant », car ils étaient des enfants comme les autres.
Cet avant très banal, de parents, d’amis, d’école…Puis le basculement. Une étoile sur le cœur, comme une cible. « Devenir un insecte que l’on peut écraser à n’importe quel moment » dira l’un.
Des voisins qui vous dénoncent. Des camions, des wagons où l’on entasse les familles, et le camp. Tous ceux qui parlent ici, ont été déportés. Léon est même entré dans les chambres à gaz, en attendant la mort comme une libération.
« Je pensais que j’allais enfin rejoindre ma mère », raconte-t-il à 94 ans. Mais ce jour-là, les sonderkommandos qui ramassaient les corps pour les brûler dans les fours se révoltent, dans un acte héroïque, et sauvent la vie de milliers de juifs en bloquant la machine à tuer… Léon ressort comme un mort vivant. On est en octobre 1944…Il faut encore tenir.
La faim, la peur, la mort permanente rendent les déportés, « indifférents, sinon on n’aurait pas pu tenir le coup », raconte Esther. Avant de mourir, sa sœur l’implore de « raconter » si elle survit…
Pourtant, beaucoup se sont d’abord tus. Personne ne voulait entendre leurs récits insupportables.
Car la Shoah n’a été possible que par la collaboration et l’indifférence de millions d’Européens. Les rescapés ont embrassé la vie, sans rien oublier. Mais tous les souvenirs sont intacts et d’un récit à l’autre, ils décrivent la mort industrialisée, l’engloutissement de leurs familles, le hasard de vivre ou mourir ce jour-là…la cruauté de tous et l’humanité de quelques-uns.
Il y a la voix de Charlotte Rampling qui raconte et dit SS en séparant les deux SS, comme deux coups de cravache. Il y a la quête des auteurs, le journaliste et écrivain Jean-Marie Montali et le réalisateur Stéphane Krausz qui cherchent à comprendre pourquoi, mais échouent sans cesse. Car il n’y a pas de pourquoi.
« Si j’ai survécu, ce n’est pas grâce à dieu, mais grâce à moi », dit Suzanne. « Je me suis agrippée ». Et ce qui frappe dans les mots et les visages de ces rescapés de toute l’Europe, c’est leur incroyable vitalité, leur humour aussi, comme une élégance du désespoir. C’est l’espiègle Esther qui raconte qu’en 1942, elle se rend avec une cousine à l’exposition antisémite sur les Juifs à Paris et que de braves gens la « félicitent d’y aller jeune pour apprendre à reconnaitre les Juifs ». Elle a 15 ans. Elle esquisse un sourire. Elle va être déportée juste après. Presque 6 millions d’anges passent…