Prenez un rugelach et découvrez les films israéliens à ne pas manquer cette année
Du 1er au 8 juin, le festival Israel Film Center de New York a présenté une sélection de films qui n'avait rien à envier à ceux de Cannes ou de Sundance
NEW YORK – Après 30 secondes d’amabilités, Isaac Zablocki et moi-même étions déjà en train de nous disputer.
« Attendez, vous pensez que ‘Concerned Citizen’ est une comédie ? », lui dis-je.
« Eh bien, c’est une satire, une satire sombre. C’est certainement un film très artistique, mais il y a de l’humour », a-t-il rétorqué.
Zablocki est le directeur principal des programmes cinématographiques au Marlene Meyerson JCC de Manhattan et le fondateur du festival Israel Film Center. Bien que nous ne soyons pas d’accord sur la manière de classer le nouveau film du scénariste et réalisateur Idan Haguel – l’un des neuf films projetés dans le cadre du programme de cette année – nous sommes tous les deux d’accord pour dire qu’il s’agit d’un film formidable. De plus, nous sommes d’accord sur le fait que le désaccord cordial sur les films est notre droit de naissance en tant que cinéphiles engagés. Le faire autour d’un rugelach – croissant au chocolat – comme on le fait au JCC, c’est encore mieux.
Depuis sa première édition en 2013, le festival annuel de l’Israel Film Center s’est imposé comme l’un des temps forts de mon calendrier cinématographique. Il sert d’instantané du cinéma israélien pour l’année, certains films terminant leur festival et leur parcours en salle, et d’autres commençant à peine. La sélection de cette année est la plus solide dont je me souvienne. Sur les neuf films, j’en recommanderais vivement huit. C’est un ratio élevé que j’ai rarement connu à Cannes ou à Sundance.
« Mon travail consiste à créer une communauté. Les films ne sont qu’un outil », m’a dit Zablocki lors d’une précédente interview. Lors de la soirée de clôture, à l’occasion de la projection de « The Good Person » d’Eitan Anner, cela s’est manifesté pendant le repas précédant la projection. J’ai abordé deux femmes d’âge mûr (dont j’ai appris plus tard qu’elles étaient Israéliennes et travaillaient comme éducatrices à New York), et elles m’ont dit que c’était leur troisième visite en une semaine.
Elles ont apprécié le film de la soirée d’ouverture, « Silent » de Shemi Zarhin, même si l’une d’elles a déploré « trop de symbolisme ». Toutes deux se sont en revanche extasiées devant « Karaoke » de Moshe Rosenthal, une comédie-mélodramatique sur un couple âgé dont la vie bascule lorsqu’un voisin rusé et charmant emménage dans leur immeuble.
Il est amusant de constater qu’au moment où je leur ai parlé, « Karaoke » était l’un des deux titres qu’il me restait à regarder. (Tous avaient été mis à ma disposition par le biais d’un lien.) « Vous devez le voir », m’ont-elles ordonné. Ce n’était pas négociable ! Pas seulement pour l’histoire et la beauté de la photographie, mais aussi pour les performances. »
Alors que je me promettais de le regarder dès mon retour à la maison (ce que j’ai fait), j’ai entendu un jeune homme derrière moi dire à sa compagne : « Ô mon Dieu, c’est mon professeur d’hébreu de Première », alors qu’il se dirigeait vers moi.
Il s’avère que ces femmes avaient raison. (Comment aurais-je pu en douter ?) « Karaoke » est une œuvre fascinante mettant en scène Sasson Gabay et Rita Shukrun dans le rôle de parents au foyer – vide d’enfant – qui ont laissé s’accumuler des rancœurs. Lior Ashkenazi est le riche et charismatique habitant du penthouse dont la simple présence crée un effet d’entraînement imprévisible. Gabay est particulièrement hypnotisant dans le rôle de cet homme à la voix douce qui transmet des histoires entières en un seul regard. C’est vraiment un grand film.
Une autre performance exceptionnelle se trouve dans « The Other Widow » de Maayan Rypp. Il met en scène l’omniprésente Dana Ivgy, qui incarne une costumière peu glorieuse et maladroite. Le principal créateur d’une compagnie théâtrale pour laquelle elle travaille, avec qui elle avait une liaison, meurt dans un accident, et elle se retrouve à revenir sans cesse à la semaine de shiva. Bien que ses rencontres avec la veuve de son amant puissent prendre n’importe quelle tournure de feuilleton à l’eau de rose, le récit vous tient en haleine. Il ne s’agit pas d’un film à grand spectacle ; au contraire, il ressemble probablement beaucoup plus à la vie réelle. C’est un travail remarquable.
Le film « America » d’Ofir Raul Grazier penche cependant un peu plus vers le mélodrame. La suite de « The Cakemaker » (2018), qui a connu un certain succès aux États-Unis, est ce que l’on pourrait appeler un film à pleurer. Un résumé rapide le rendrait absurde, alors je dirai simplement qu’il implique une romance interdite, des gens qui tombent dans le coma et en sortent, un fleuriste éthiopien et des photographies de lieux absolument magnifiques. (J’aimerais beaucoup visiter la cascade blanche de Nahal El Al du plateau du Golan ; le columbarium Horvat Midras dans le parc des grottes d’Adullam, que j’ai eu la chance de voir moi-même, est également présenté à l’écran).
Le film est captivant, mais peut-être un peu ridicule. J’ai dit à ma femme à la fin du film : « C’est le meilleur épisode de deux heures des Feux de l’amour que j’aie jamais vu ». Elle m’a dit que j’étais méchant en attrapant un Kleenex, puis a admis plus tard : « Bon c’est vrai, c’était un peu exagéré par moments ».
Plus subtile est le film « Concerned Citizen », mentionné plus haut, qui fustige la culpabilité des libéraux. Le film suit un couple homosexuel en pleine ascension qui emménage dans un quartier de Tel Aviv en voie d’embourgeoisement. Alors que l’un des deux est prêt à recourir aux services d’une mère porteuse pour avoir un enfant, l’autre a un épisode passager du type « Karen » avec un migrant africain qui pourrait ou non entraîner la mort de quelqu’un. Beaucoup de choses dans ce film sont ouvertes à l’interprétation, ce qui, je pense, fait partie de ce qui le rend spécial.
La « plus grosse » production de la sélection de cette année est « June Zero », un film en hébreu réalisé par Jake Paltrow. Il s’agit d’une méditation sur l’exécution d’Adolf Eichmann, racontée de trois points de vue très particuliers : celui d’un de ses gardiens en prison, celui d’une personne qui a témoigné contre lui et celui d’un jeune garçon qui a participé à la construction du four dans lequel son corps a été incinéré.
Pour le meilleur ou pour le pire, le procès Eichmann est l’un des événements les plus importants de l’État d’Israël, et ce qui est brillant dans « June Zero », c’est sa façon de l’aborder sous ces angles étranges et spécifiques. Si l’on cherche un film historique typique, c’est une déception. Mais en tant que récit étrange, basé sur des faits réels, il est captivant et troublant. Avec un peu de chance, il trouvera un public plus large et plus grand public lorsqu’il sortira aux États-Unis dans le courant de l’année.
S’il y avait un fil conducteur dans l’ensemble du programme – même dans la comédie romantique « Quand Harry rencontre Sally » de Tel Aviv, « Elik et Jimmy » (également connu dans certains pays sous le titre « Le gros ») – je dirais que c’est celui d’une profonde mélancolie. Peut-être est-ce dû au fait que tous ces films ont été écrits ou produits pendant la pandémie de coronavirus. Nous aurons une idée de l’évolution de l’ambiance du cinéma national l’année prochaine.