Israël en guerre - Jour 341

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Interview

Quand de « gentils Juifs » américains prennent fait et cause pour les Palestiniens

Dans Our Palestine Question, l'historien Geoffrey Levin dit que les dissensions autour de la politique israélienne existaient avant que les Juifs américains n'embrassent le sionisme

Geoffrey Levin, auteur de "Notre question palestinienne : Israël et la dissidence juive américaine, 1948-1978". (Crédit : Yale University Press/JTA)
Geoffrey Levin, auteur de "Notre question palestinienne : Israël et la dissidence juive américaine, 1948-1978". (Crédit : Yale University Press/JTA)

JTA — Depuis le massacre de près de 1 200 personnes par le groupe terroriste palestinien du Hamas, dans le sud d’Israël, qui a déclenché la guerre à Gaza, des manifestants juifs se sont joints à des protestations dans les rues de New York, San Francisco et d’ailleurs, aux États-Unis, pour condamner Israël et exiger un cessez-le-feu sans délai.

Les plaidoyers juifs en faveur du cessez-le-feu ne viennent pas seulement des organisations juives d’extrême-gauche que l’on voit souvent en tête des cortèges. En décembre dernier, des centaines de membres de 140 organisations, principalement juives progressistes, ont signé une lettre pressant le président américain Joe Biden de convaincre Israël d’accepter une trêve. D’autres dirigeants juifs, parmi lesquels des centaines de rabbins, ont réagi en signant une autre lettre disant à son tour : « Il n’existe pas de consensus au sein de la communauté juive en faveur d’un cessez-le-feu. Pas pour le moment. »

Ce genre d’affrontements intracommunautaires est en quelque sorte la signature de cette guerre entre Israël et le Hamas, qui a donné lieu à des articles parlant de dissensions sans précédent au sein de la communauté juive et d’une génération de jeunes Juifs qui rejettent ce qu’ils disent être « une position pro-Israël réflexive de la part du courant juif dominant oublieuse de la vie des Palestiniens ».

Ces clivages sont, certes, particulièrement marqués, commente l’historien Geoffrey Levin, mais ils sont loin d’être nouveaux. Dans son nouvel ouvrage, Our Palestine Question: Israel and American Jewish Dissent, 1948-1978 (« Notre question palestinienne : Israël et la dissidence juive américaine, 1948-1978 »), il évoque cette époque, précoce et formatrice, avant que les institutions juives américaines ne s’engagent résolument en faveur du sionisme, lorsque les dirigeants juifs américains étaient en désaccord avec le gouvernement israélien sur le sort des 750 000 Palestiniens déplacés par la Guerre d’Indépendance d’Israël.

Nombreuses sont les voix dissidentes à avoir sombré dans l’oubli car, pendant des dizaines d’années, les principales organisations juives se sont montrées réticentes à donner le sentiment d’un décalage entre leur vision et celle d’Israël, en particulier sur les questions de sécurité.

C’est dans les archives de l’American Jewish Committee (AJC) et d’autres organisations que Levin en a retrouvé la trace. Documents et entretiens ont permis de retrouver des histoires inédites ou mal interprétées de groupes et d’individus profondément préoccupés par les Palestiniens déplacés et qui souhaitaient que soient trouvées des solutions, que ce soit celle d’un État binational, de deux États ou du « droit au retour », toutes rejetées par Israël.

Il explique également comment ces dissidents ont été mis à l’écart, que ce soit par un establishment juif américain venu à considérer ses priorités et celles d’Israël comme une seule et même chose, par le jeu du terrorisme palestinien touchant la Diaspora en son cœur, ou encore par la « gestion » de la dissidence juive américaine par Israël.

« Cette génération n’est pas la première génération juive américaine à penser aux Palestiniens », assure Levin. « Cela existe depuis qu’il y a des réfugiés. Des Juifs sont allés là-bas et y ont vu des choses qui ne cadraient pas avec leur vision juive libérale ou de gauche américaine. »

Des militants des groupes pro-palestiniens et anti-Israël Jewish Voice for Peace et IfNotNow lors d’un rassemblement pour exiger un cessez-le-feu à Gaza, dans la rotonde de l’immeuble de bureaux de Cannon House, à Washington, le 18 octobre 2023. (Crédit : Chip Somodevilla/Getty Images/AFP)

Levin est professeur adjoint d’études juives et du Moyen-Orient à l’Université Emory. Il a grandi dans une famille juive « réformée typique » des environs de Chicago, a été président du Hillel à l’Université d’État du Michigan et a obtenu son doctorat en études hébraïques et judaïques/histoire de l’Université de New York en 2019.

Il s’est récemment entretenu avec la Jewish Telegraphic Agency sur la question de l’attitude des Juifs à l’égard du sionisme, les moments clés de la défense juive des droits des Palestiniens et la façon dont les luttes communautaires du passé proche éclairent le présent.

Cette interview a été éditée et condensée dans un souci de clarté et de concision.

JTA : Votre ouvrage paraît en même temps que d’autres livres traitant de l’histoire de la dissidence juive envers Israël et le sionisme, comme par exemple The Threshold of Dissent (« Le seuil de la dissidence ») de Marjorie N. Feld, American Jews and the Movement for Justice in Palestine (« Les Juifs américains et le mouvement pour la justice en Palestine »), d’Oren Kroll-Zeldin, et The Necessity of Exile (« La nécessité de l’exil »), de Shaul Magid. Il est évident qu’ils ont été recherchés et rédigés bien avant le 7 octobre. Avez-vous réfléchi aux raisons pour lesquelles ce sujet suscite autant d’intérêt ces dernières années ?

Geoffrey Levin : Nous avons tous des relations différentes avec ce sujet. J’ai commencé ma thèse, sur ce qui allait donner naissance à ce livre, en 2014. Je pense que cela est dû en grande partie à l’effondrement de la solution à deux États, qui, tant qu’elle était viable, permettait à ce qu’on appelle le sionisme libéral de rester uni. Je pense également que les études juives sont beaucoup plus disposées à réaliser ce type de travail qu’il y a 15 ans.

Le leader juif américain Jacob Blaustein (à gauche) s’entretenant avec le Premier ministre de l’époque, David Ben Gurion, sur une photo non datée. (Crédit :  Archives Ben Gurion)

S’agit-il d’une question de génération ?

En partie, mais pour beaucoup de gens, il y a un balancement entre la gauche et la droite dans la politique israélienne. Durant toute ma vie d’adulte – j’ai 34 ans – la droite a été au pouvoir en Israël. Et comme Israël s’oriente vers la droite et qu’une partie des Juifs américains ne le font pas, il y a une sorte de transformation qui fait partie de l’intérêt des défenseurs juifs des droits des Palestiniens.

Une grande partie de votre livre est centrée sur les luttes internes de l’AJC, dont vous écrivez qu’il était considéré par les Israéliens comme « le groupe juif le plus influent politiquement aux États-Unis dans les années 1950 ». Ce que les lecteurs ne réalisent peut-être pas, et qui est un thème clé du livre, c’est que l’AJC, comme la communauté juive américaine elle-même, n’a pas toujours été le groupe pro-Israël que nous connaissons désormais, mais qu’il a une relation beaucoup plus compliquée avec Israël. Cela n’est peut-être pas évident aujourd’hui, mais le courant juif dominant de l’époque était toujours en désaccord sur le soutien à un État juif, pour toute une série de raisons.

Cela n’a pas de sens pour beaucoup de gens aujourd’hui, mais en gros, l’AJC disait : « Nous voulons aider Israël parce qu’il y a des Juifs là-bas, mais nous n’adhérons pas à la vision plus doctrinaire du sionisme de l’époque, qui exige que les Juifs retournent en Israël ou qui considère les Juifs comme une nation. »

Votre ouvrage comprend des chapitres sur la grande variété de dissensions juives américaines à propos d’Israël, bien avant l’époque actuelle. Il y a des Juifs américains qui sont idéologiquement et religieusement opposés au sionisme, d’autres qui sont, disons, prématurément pro-palestiniens, mais qui étaient certainement attachés à l’idée d’un État juif, et des activistes qui disent que les Juifs ne méritent pas d’État et certainement pas en Palestine.

Ce livre parle de personnes qui portent toutes ces étiquettes, qui sont juives, qui se soucient des Palestiniens de diverses manières et qui imaginent de nombreuses solutions. Dans les années 1940 et 1950, il y avait donc des Juifs anti-sionistes qui ne se souciaient pas nécessairement des Palestiniens, mais qui étaient anti-sionistes en raison du contexte américain et de l’idée qu’ils se faisaient de l’identité juive. Dans les années 1950 et 1960, je montre comment certaines personnes ont commencé à faire de la question des droits des Palestiniens l’une de leurs principales raisons de s’opposer au sionisme. Il y a des gens comme le rabbin Elmer Berger, directeur exécutif du Conseil américain pour le judaïsme [de 1942 à 1955], qui est issu de la tradition réformiste et d’une tradition juive d’anti-nationalisme pour les Juifs, et des gens comme Sharon Rose, qui se définit comme une « gentille fille juive de New York », qui va en Israël et qui rejette le sionisme à cause de la question des droits des Palestiniens, dans les années 1970, alors que le mouvement n’était pas encore très important.

Paul Newman et Eva Marie Saint dans « Exodus » en 1960 (Crédit : Capture d’écran)

Our Palestine Question couvre une période au cours de laquelle la discussion sur les droits des Palestiniens passe de pressante à presque interdite, et où l’idée d’une solution à deux États sera considérée en dehors du courant juif américain émergent, et n’émergera plus jusqu’à l’ère d’Oslo.

Oui, mon livre couvre la période allant de 1948 à 1977. Mais une grande partie se situe dans les années 1950. Il y a une période de deux ans, de 1956 à 1958, où l’AJC flirte avec l’idée d’avoir ses propres politiques et son propre discours sur Israël et les droits des Palestiniens [distincts de ceux d’Israël]. C’est avant que l’Amérique ne tombe réellement amoureuse d’Israël – avant que « Exodus », le livre et le film, ne soient sortis en 1958 et 1960 [respectivement]. C’est avant la Guerre des Six Jours. Avant cela, l’en-tête de l’AJC sur Israël se qualifie de non-sioniste, puis disparaît. C’est donc l’histoire de la façon dont des groupes comme eux, qui se concentrent vraiment sur les Juifs américains et l’Amérique en général, intègrent réellement la défense d’Israël dans leur mission, car jusqu’alors, il n’était pas évident qu’un groupe de défense des Juifs américains considère cela comme un élément essentiel de sa mission.

Pourquoi cette hésitation ?

Ils ont dû s’habituer à cette nouvelle idée. Ils devaient s’habituer à l’existence d’Israël. Ils ont dû se faire à l’idée que, pour la première fois, des Juifs régnaient sur des non-Juifs. C’est pourquoi, vous savez, il y a des conversations discrètes : Qu’est-ce que cela signifie pour nous ? Qu’est-ce que cela signifie pour ce qu’être juif signifie ? Qu’est-ce que cela signifie pour nos relations avec le gouvernement américain ?

Au milieu de tous ces vents contraires, l’AJC crée une sous-commission sur la question des réfugiés arabes. Parlez-moi de Don Peretz, le responsable de l’AJC qui s’est intéressé de près aux réfugiés palestiniens et qui a cherché des solutions dans les années 1950 dans l’espoir d’éviter ce qui allait devenir un conflit de plus en plus violent.

Il est né en 1922. Son père est un Juif séfarade de Jérusalem qui s’est réfugié aux États-Unis pendant la Première Guerre mondiale. Son père a épousé une juive américaine ashkénaze, et Don est né le jour de l’Halloween 1922. Il s’intéresse beaucoup au pacifisme et, alors qu’il vit dans le Queens, il participe à des actions de secours menées par les Quakers par l’intermédiaire de l’American Friends Service Committee. Il n’est pas un ardent sioniste, comme son père.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, Don ne veut pas tenir un fusil. Il suit donc une formation d’interprète et sert à Okinawa. Je ne savais pas que l’on pouvait faire cela, mais grâce à son GI Bill, il s’inscrit à l’Université hébraïque pour obtenir une maîtrise et renouer avec la terre de la famille de son père.

L’autre chose qui l’attire à l’Université hébraïque est son président, le rabbin réformé Judah Magnes, un partisan de la création d’un État mixte.

Don Peretz (deuxième à partir de la gauche) qui deviendra plus tard un responsable de l’American Jewish Committee chargé d’étudier les questions relatives aux réfugiés arabes, alors qu’il se porte volontaire pour aider les Arabes déplacés, , à Akko, en février 1949. (Crédit : Deborah Peretz/via JTA)

Peretz se trouvait dans ce qui est devenu Israël pendant la Guerre d’Indépendance, mais n’a pas participé aux combats.

Il devient journaliste et se fait enlever ou arrêter par une milice arabe palestinienne à Jérusalem. Ils finissent par découvrir qu’il aime Magnes et le relâchent, bien qu’il soit juif.

Mais la guerre a entaché une grande partie de ses opinions sur Israël et le sionisme. Ce nationalisme extrême le dégoûte en quelque sorte. Il part, mais revient lorsqu’il découvre que le Quaker American Friends Service Committee se consacre à aider les Arabes palestiniens déplacés, qui n’ont pas été autorisés à retourner dans leurs villages par le nouveau gouvernement israélien, même s’ils sont restés dans le nouvel État d’Israël. Il vit à Haïfa et aide les habitants de la Galilée en fournissant de la nourriture et des vêtements à quelque 40 000 personnes. Les gens veulent qu’il reste et les Arabes veulent qu’il continue à aider, mais il part pour obtenir un doctorat à l’Université de Columbia. En 1955, il termine ce qui, à ma connaissance, est la première thèse sur la question d’Israël et des Arabes palestiniens. Le but n’est pas de pousser dans un sens ou dans l’autre, mais de comprendre cette question en profondeur. Il impressionne l’AJC.

Et ils l’engagent.

Il est engagé en 1956 pour travailler sur une initiative d’aide aux réfugiés arabes palestiniens qui se trouvent en dehors d’Israël ou dans les pays arabes. Les groupes chrétiens américains parlent de la question des réfugiés palestiniens. Des diplomates arabes en parlent. Un groupe soutenu par la CIA en parle et ils [l’AJC] estiment qu’ils ne peuvent pas l’ignorer.

Le chef du comité avec lequel il travaille est Harold Riegelman, ancien candidat républicain à la mairie de New York, ancien directeur-général des postes. Ce sont des gens qui ont de l’influence. Le dirigeant de l’AJC, Irving Engel, est fier de cette idée et l’annonce dans des journaux comme ceux pour lesquels vous écrivez. Personne ne s’en offusque. Je n’ai trouvé personne qui l’ait attaquée publiquement.

Mais qui s’en offusque ? Les diplomates israéliens. J’ai consulté les sources primaires, des lettres entre diplomates en hébreu, et j’ai découvert qu’ils ne voulaient pas que les Juifs américains aient une voix indépendante sur ces questions. Ils pensaient que le problème disparaîtrait si on n’en parlait pas. Et c’est souvent la dynamique qui a prévalu : il ne faut pas discuter de ces questions liées à la Palestine, parce qu’en en parlant, on pourrait faire pression en faveur d’une sorte de solution qui déplairait à Israël.

Un camp de réfugiés palestiniens, sur une colline surplombant Amman, en Jordanie, en 1953. (Crédit : AP Photo)

L’AJC a publié une brochure sur le problème des réfugiés qui n’excluait pas le retour de nombreux réfugiés dans leurs anciens villages, à une époque où ce n’était certainement pas la politique des groupes sionistes et d’Israël. Les Israéliens ont-ils fait connaître leur mécontentement ?

Ils ont essayé de ruiner la carrière de Don Peretz. Ils voulaient que l’AJC le renvoie. Mais la [crise de Suez] éclate et les gens sont distraits. L’AJC ne l’a pas renvoyé, mais ils ont dit : « Ecoutez, nous allons demander à des diplomates israéliens d’examiner tout ce qu’il écrit. » Il sort un livre qui sera la première tentative scientifique d’examiner objectivement les politiques d’Israël à l’égard des Palestiniens, et l’AJC lui dit : « Don, nous n’avons pas le budget pour vous, mais vous pouvez travailler à temps partiel », et il dit : « Je pense que je vais partir. »

Plus tard, il s’engage dans de nombreux efforts en tant qu’universitaire et écrivain. Et lorsque des gauchistes comme Noam Chomsky s’emparent de cette question après 1967, il s’engage à leurs côtés. Lorsque Breira, la première tentative juive américaine de promouvoir ce que nous appelons la solution à deux États, émerge, il joue un rôle de premier plan, leur conférant une crédibilité académique.

Parlons de Breira, la première organisation juive américaine à défendre un État palestinien, et de la façon dont elle a été dissoute en 1977 par un courant juif dominant qui l’accusait d’être une « façade » pour l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Votre livre m’a fait réfléchir à la différence entre ces militants et les activistes juifs d’aujourd’hui qui sont soit anti-sionistes, soit non sionistes. Les activistes de Breira faisaient partie de certaines organisations et institutions sionistes qui les rejetaient.

Ils ont essayé de se positionner comme de gentils garçons et filles juifs, et certains ont intégré l’establishment, comme John Ruskay [qui allait ensuite diriger l’UJA-Federation of New York], et beaucoup d’entre eux ont été échaudés par cette expérience. Beaucoup d’entre eux avaient passé du temps en Israël. Comme je le montre dans mon livre, ils essaient de dire : « Écoutez, nous ne faisons que répéter ce que les Israéliens de gauche disent à propos de l’autodétermination palestinienne et, comme eux, nous rencontrons les modérés de l’OLP. » Mais cela ne suffit pas à les protéger. Ils sont qualifiés de traîtres et de toutes les pires choses que l’on puisse imaginer pour blesser un jeune Juif américain. Et l’organisation s’effondre.

C’était à l’époque où il était illégal en Israël de parler à l’OLP.

Non, ce n’était pas le cas à l’époque. C’est devenu illégal à cause de ce genre de réunions.

Bill Clinton regardant Yitzhak Rabin et Yasser Arafat se serrer la main, lors de la signature des Accords d’Oslo, le 13 septembre 1993. (Crédit : GPO)

Je me souviens qu’à partir du moment où le gouvernement israélien a commencé à discuter avec l’OLP – au début des années 1990 – et à soutenir une certaine forme d’autonomie pour les Palestiniens, l’idée d’une solution à deux États s’est imposée. Parlez-moi un peu plus de la façon dont le discours autour d’Israël a changé avec l’affaiblissement de la solution à deux États.

Lorsque j’ai commencé à m’intéresser à Israël sur le campus, Ehud Olmert était Premier ministre, mais depuis, il y a eu Benjamin Netanyahu, qui s’est opposé à la solution à deux États depuis que les gens de mon âge ou plus jeunes s’intéressent à ce sujet. Je suis assez âgé pour me souvenir de la Seconde Intifada, du statut de victime d’Israël et du terrorisme qui en a découlé, mais les gens plus jeunes que moi ne pensent pas que c’est important.

Vous parlez de la désillusion de nombreux jeunes Juifs aujourd’hui, peut-être surtout parmi les personnes qui visitent Israël et qui ont grandi dans des foyers sionistes. Vous écrivez que « la surprise et la désillusion émergent souvent d’une exposition réelle et significative ».

Ma génération, les milléniaux et la génération Z, étaient beaucoup plus susceptibles d’être allés en Israël que la génération des baby-boomers, en raison de tous les voyages sponsorisés, comme le programme populaire Taglit-Birthright. Nous étions beaucoup plus susceptibles de lire des sites web d’informations israéliennes que les boomers. J’ai plus de chances de connaître des Israéliens parce qu’il y avait un programme pour les envoyer dans nos camps d’été et centres Hillel. Je suis également plus susceptible de connaître des Palestiniens parce qu’il y en a beaucoup plus aux États-Unis ou parce que j’y suis allé. J’ai plus de chances de m’intéresser à la culture israélienne parce qu’il y a beaucoup de programmes sur Netflix. Je pense que cela fait partie de l’inconfort de cette génération, qui conduit en partie à l’activisme. Elle comprend mieux que la direction prise par Israël ne correspond pas vraiment à la mentalité juive américaine typique, libérale et orientée à gauche.

Ce que l’on voit dans les manifestations de rue contre la guerre à Gaza, qui sont souvent menées par des groupes juifs anti-sionistes et non-sionistes.

L’historien et professeur Derek Penslar est l’auteur de « Theodor Herzl : The Charismatic Leader ». (Crédit : University of Toronto Faculty of Arts and Sciences)

En ce moment, ces grandes manifestations [juives pro-palestiniennes] attirent beaucoup l’attention, et elles sont remarquables. On n’a jamais rien vu d’aussi conséquent auparavant. Mais il y a beaucoup de Juifs qui ne sont pas à l’aise avec la politique d’Israël ou qui parlent d’Israël et qui sont totalement déformés. L’une des critiques de mon livre est celle de Derek Penslar, historien à Harvard et lauréat du Lifetime Achievement Award de l’Association for Israel Studies, mais il est maintenant dépeint comme quelqu’un de très radical. Je pense donc que, d’une certaine manière, les Juifs qui rejettent tout aspect du sionisme sont plus nombreux que jamais, mais il y a aussi des gens qui essaient d’être nuancés et de soulever les choses d’une manière qui, en fin de compte, vise à être bonne pour Israël et le sionisme.

Outre l’enrichissement des connaissances sur cette période de l’histoire juive américaine, quel impact espérez-vous que votre livre aura ?

J’ai terminé cet ouvrage un an avant le 7 octobre. Ce que je veux, c’est que les gens comprennent comment avoir plus d’empathie les uns pour les autres et qu’ils comprennent pourquoi les gens voient les choses comme ils les voient. Je veux que les gens comprennent le dilemme palestinien et comment les Palestiniens défendent leurs intérêts et ceux des autres d’une manière qui ne soit pas antisémite. Je veux que les Juifs américains fassent preuve d’une plus grande tolérance à l’égard de la diversité des points de vue au sein de la communauté. Beaucoup des personnes qui figurent dans mon livre sont ce que nous appelons des experts qui ont passé beaucoup de temps dans la région et qui parviennent à ces conclusions non pas parce qu’ils détestent Israël, le judaïsme ou eux-mêmes, mais parce qu’ils s’intéressent au judaïsme ou au sionisme.

Je ne voulais pas terminer sans vous demander comment s’étaient déroulés ces derniers mois pour vous, vos étudiants et vos collègues sur le campus. La communauté juive d’Emory est assez importante. Qu’est-ce qui a changé pour vous et pour eux après que les terroristes du Hamas ont assassiné près de 1 200 personnes en Israël et en ont enlevé 253 autres le 7 octobre ?

La période qui a suivi le 7 octobre a été difficile pour tous ceux qui sont liés à la région. Je suis professeur d’études juives et d’études sur le Moyen-Orient. Depuis que l’affaire a éclaté, j’essaie d’être le plus attentif possible aux besoins de mes étudiants, qu’ils soient musulmans, israéliens ou juifs, et de tous ceux qui se sentent très émotifs en ce moment. J’ai passé tout le mois d’octobre et de novembre à essayer de rencontrer les étudiants, d’être une ressource pour eux, de parler à mes collègues de la faculté. Les étudiants juifs ont été très perturbés par les messages publiés sur les médias sociaux par des personnes qu’ils connaissaient et par l’absence de personnes qui leur ont tendu la main.

Lorsque je suis revenu en classe le 10 octobre, j’ai parlé des personnes que je connaissais et qui étaient touchées. Je connais quelqu’un qui a été tué, et son fils qui a perdu sa fille. Je connais quelqu’un qui a de la famille à Gaza. Et j’ai demandé : « Comment allez-vous ? Comment pouvons-nous faire de ce campus un endroit pour tout le monde ? » Et j’essaie de faire comprendre à l’université que nous devons donner la priorité aux besoins de tous nos étudiants qui sont profondément touchés par cette situation. Mais il est parfois difficile de faire comprendre à l’université qu’il faut donner la priorité à tous les étudiants. Mettez de côté les donateurs, mettez de côté les informations, rencontrez simplement les étudiants et parlez-leur. Vos étudiants juifs ne vont pas bien. Vos étudiants musulmans ne vont pas bien.

Les points de vue et opinions exprimés dans cet article sont ceux de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement les points de vue de la JTA ou de sa société mère, 70 Faces Media.

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