Israël en guerre - Jour 367

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Opinion

Que l’AP retourne à Gaza ? Elle ne parvient déjà pas à gérer la Cisjordanie

L'Autorité palestinienne d'Abbas perd son emprise à Jénine, Naplouse et Tulkarem. Vingt ans après avoir été chassée par le Hamas, elle est loin d'être capable de s'imposer à nouveau à Gaza

Nurit Yohanan est journaliste spécialisée dans les affaires palestiniennes à Kan (le radiodiffuseur public israélien).

Le chefde l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, à droite, et le Premier ministre de l'Autorité palestinienne de l'époque, Ismail Haniyeh, du Hamas, à Gaza, le 18 mars 2007. (AP Photo/Khalil Hamra)
Le chefde l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, à droite, et le Premier ministre de l'Autorité palestinienne de l'époque, Ismail Haniyeh, du Hamas, à Gaza, le 18 mars 2007. (AP Photo/Khalil Hamra)

La semaine dernière, j’ai discuté avec un Palestinien qui réside dans le village de Haris, dans le nord de la Cisjordanie. Notre conversation portait principalement sur les affrontements qui opposent les villageois aux forces israéliennes et aux résidents d’implantations dans la région, mais à un moment donné, il a fait référence à quelque chose que « le chef de l’État » avait dit dernièrement.

« Votre chef d’État ? » ai-je demandé.

« Le Premier ministre israélien », a-t-il répondu en riant. « Notre chef d’État dort. »

Cette réponse, et la dérision avec laquelle elle a été prononcée, donnent un aperçu de l’opinion généralisée des Palestiniens sur Mahmoud Abbas, 88 ans, qui en est à sa 19e année à la tête de l’Autorité palestinienne (AP) et considéré par l’administration Biden et une grande partie du monde arabe comme la meilleure option pour gouverner Gaza au lendemain de la guerre.

Même en mettant de côté le mépris, voire la haine, que la plupart des Palestiniens éprouvent à l’égard de leur président (plusieurs enquêtes réalisées ces dernières années ont montré que les deux tiers d’entre eux souhaitaient son départ), et même en ignorant un instant l’hostilité du gouvernement israélien à l’égard de l’AP (notamment pour les allocations qu’il verse aux terroristes), l’idée de ramener l’AP à Gaza près de 20 ans après son expulsion brutale par le Hamas, qui a assassiné des dizaines de membres de la principale faction du Fatah d’Abbas, se heurte à de sérieuses difficultés.

Vingt ans après le retrait de l’Autorité palestinienne de Gaza, sa capacité de gouvernance décline rapidement dans le territoire qui n’a pas été pris par le Hamas – la Cisjordanie. La corruption, un déficit financier permanent et la stagnation politique ont exacerbé les défaillances inhérentes à ce qui n’était censé être qu’une institution temporaire.

Au cours des deux dernières années, des groupes armés affiliés au Hamas, au Jihad islamique et à d’autres organisations terroristes ont acquis un pouvoir croissant dans le nord de la Cisjordanie, en particulier à Jénine, Naplouse et Tulkarem. Les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne n’opèrent pas dans certaines parties de ces villes, qui sont contrôlées par les milices armées.

Ces groupes s’en prennent principalement aux Israéliens, mais ils se heurtent parfois aux forces de l’Autorité palestinienne, en particulier lorsque l’on tente d’arrêter leurs membres. Récemment, l’arrestation d’un membre du Hamas par les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne à Naplouse a provoqué 24 heures de chaos dans la ville, et des foules de Palestiniens ont obstrué les rues et jeté des pierres sur les forces de l’Autorité palestinienne.

Dans ces conditions, il est difficile d’imaginer comment ces mêmes forces de sécurité de l’Autorité palestinienne pourraient retourner dans la bande de Gaza et réaffirmer un véritable contrôle.

En huit mois de guerre, le Hamas a été décimé par l’armée israélienne mais il dispose encore de milliers d’hommes armés et n’a pas l’intention de se laisser facilement contraindre à abandonner Gaza.

Et contrairement à ce qui s’est passé en 2007, c’est maintenant le président sortant qui a l’immense avantage d’avoir contrôlé la population pendant les 17 dernières années.

Selon une rumeur qui a circulé dans les médias arabes en mars, et relayée à nouveau cette semaine dans The Telegraph, le Hamas aurait exécuté le chef du clan Doghmush de Gaza-City, qui avait apparemment été désigné par Israël pour jouer un rôle de gouvernance dans la bande de Gaza l’après-guerre et après-Hamas. Qui peut garantir que le Hamas ne fera pas la même chose à n’importe quel responsable de l’Autorité palestinienne qui reviendrait dans le territoire ?

On ne sait pas exactement comment et où l’AP pourrait tenter de recruter ses futurs représentants potentiels dans la bande de Gaza. Les forces de sécurité de l’AP manquent d’effectifs en Cisjordanie et n’ont certainement pas de ressources humaines à envoyer à Gaza.

L’Autorité palestinienne continue de verser les salaires de 40 000 habitants de Gaza, mais la plupart d’entre eux sont d’anciens fonctionnaires d’âge moyen, dont la loyauté, après de longues années passées sous le régime du Hamas, est douteuse.

En définitive, toute tentative de ramener l’AP à Gaza nécessiterait une réforme majeure des institutions de l’AP, axée sur l’intégrité, l’efficacité, la capacité de gouvernance et bien d’autres choses encore. Pour avoir une chance de réussir, cette réforme devrait être menée dans le cadre d’un processus crédible, assorti d’un calendrier, visant à remplacer l’Autorité palestinienne par un État palestinien.

Il s’agit non seulement d’un processus de plusieurs années, mais aussi d’un processus qui semble utopique dans la situation politique actuelle, compte tenu de l’état désastreux des relations israélo-palestiniennes et des dissensions palestiniennes internes.

Tant que ces défis n’auront pas été relevés, quiconque évoque vaguement un « retour de l’Autorité palestinienne à Gaza » est aussi déconnecté de la réalité que ceux qui, en Israël, parlent avec grandiloquence d’une « victoire totale ».

Nurit Yohanan est journaliste spécialisée dans les affaires palestiniennes à Kann, la chaîne publique israélienne.

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