Refonte : Gadi Eisenkot demande à Yoav Gallant de démissionner
L'ex-chef militaire a déclaré que le ministre de la Défense aurait dû se retirer avant le vote, et que les réservistes doivent "faire preuve de plus de responsabilité que la coalition"

Le député Gadi Eisenkot (HaMahane HaMamlahti) et ancien chef d’état-major de Tsahal, a appelé le ministre de la Défense Yoav Gallant à démissionner pour protester contre le fait que la coalition a légiféré sur le premier texte de loi issu de la vaste refonte judiciaire controversée entreprise par le gouvernement.
L’armée a été secouée par les menaces de dizaines de milliers de soldats de réserve – dont des pilotes – qui ont déclaré qu’ils ne continueraient pas à se porter volontaires pour le service après l’adoption cette semaine de la loi réduisant le contrôle judiciaire sur les décisions du gouvernement, ce qui soulève des inquiétudes quant à l’impact sur l’état de préparation au combat de l’armée israélienne.
S’adressant mardi à la Douzième chaîne, Eisenkot a déclaré que Gallant aurait dû démissionner avant que le projet de loi ne soit adopté.
« Je lui demande de démissionner », a déclaré Eisenkot, décrivant la loi comme causant « de sérieux dommages à Israël ».
Malgré d’importantes manifestations et une opposition publique massive et continue, la Knesset a ratifié lundi une loi qui empêche les tribunaux d’examiner la notion juridique du « caractère raisonnable » des décisions gouvernementales et ministérielles.
« Je me serais attendu à ce que le ministre de la Défense démissionne hier plutôt que de contribuer à l’adoption de ce projet de loi », a déclaré le député de l’opposition.
Il a fait remarquer que Gallant avait demandé une pause dans le processus de refonte judiciaire en mars, ce qui avait incité le Premier ministre Benjamin Netanyahu à le limoger, avant de revenir sur sa décision dix jours plus tard.

« Il y a quatre mois, il a eu un impact en faisant preuve de courage, ce que je n’ai pas vu hier. Je pense qu’il ne s’est pas opposé à cette loi qui causera de sérieux dommages à l’État d’Israël », a déclaré Eisenkot. Il a ajouté qu’il espérait que la Haute Cour de justice « aurait son mot à dire » et annulerait la loi.
Néanmoins, il a déclaré que le chef d’état-major de Tsahal, Herzi Halevi, devrait rester à son poste au nom de la sécurité et de l’unité militaire du pays, et ne pas démissionner, même si Netanyahu a décliné sa demande de rencontre juste avant le vote final du projet de loi et ne l’a rencontré que par la suite.
En ce qui concerne les réservistes qui menacent de ne pas se présenter à leur poste, il leur a demandé de « faire preuve de plus de responsabilité que le Premier ministre et les membres de la coalition ».
Après le vote sur la loi du « caractère raisonnable », les médias israéliens ont cité Gallant expliquant dans des conversations à huis clos pourquoi il a voté pour le projet de loi et n’a pas démissionné.
« Si j’étais parti, cela n’aurait rien changé. Il vaut mieux que je reste aux commandes dans une telle situation », aurait déclaré Gallant.
Gallant et Eisenkot sont des militaires de la même trempe. Gallant est également un ancien officier supérieur de l’armée israélienne, ayant été à la tête du Commandement du Sud à l’époque où Eisenkot dirigeait le Commandement du Nord.
Dans l’interview, Eisenkot a également commenté un projet de loi présenté mardi par le parti ultra-orthodoxe Yahadout HaTorah qui vise à inscrire la valeur de l’étude de la Torah dans une Loi fondamentale quasi-constitutionnelle, afin de renforcer les exemptions de service militaire pour les hommes haredim.
Les législateurs de part et d’autre du spectre politique ont réagi négativement. Le Likud a immédiatement minimisé l’ampleur de l’annonce, déclarant dans un communiqué que le projet de loi « n’est pas à l’ordre du jour et qu’il ne sera pas avancé ».
« Cette loi, si elle était adoptée en l’état, ne serait pas une Loi fondamentale sur l’étude de la Torah, ce serait une loi qui contourne le recrutement militaire. En réalité, il s’agit d’une blessure mortelle ou de la fin de Tsahal en tant qu’armée du peuple de mon État », a déclaré Eisenkot. Il a prédit que si le projet de loi était ratifié, il serait confronté à un mouvement de protestation encore plus fort que le plan de refonte.
Interrogé sur le fait de savoir si le parti HaMahane HaMamlahti se joindrait aux négociations parrainées par le président Isaac Herzog pendant les congés d’été de la Knesset afin de parvenir à un accord entre la coalition et l’opposition sur la refonte, Eisenkot a déclaré que ce ne serait pas le cas.
« La bonne chose à faire maintenant est de protéger les intérêts d’Israël et de redoubler d’efforts pour renverser ce gouvernement diabolique. J’espère qu’il y a des gens honnêtes dans la coalition qui se joindront à une telle initiative », a-t-il déclaré.

Alors que la précédente série de négociations n’avait rien donné, la Douzième chaîne a rapporté de nouveaux détails sur les efforts de dernière minute déployés par Isaac Herzog avant le vote de lundi.
Immédiatement après son retour de sa visite officielle aux États-Unis dimanche, Herzog s’est rendu à l’hôpital Sheba pour s’entretenir avec Netanyahu, qui se remettait après la pose d’un pacemaker.
Le reportage non-sourcé indique que Herzog est reparti avec l’impression qu’il était possible pour la coalition et l’opposition de parvenir à un accord sur les termes du projet de loi du « caractère raisonnable », mais qu’il n’y aurait pas d’accord sur le gel du processus législatif des autres aspects de la refonte judiciaire.
Herzog a déclaré lors de conversations privées que Netanyahu n’accepterait qu’un gel de cinq ou six mois, jusqu’à la fin de l’année, mais pas plus.
Herzog a déclaré que le chef de l’opposition, Yaïr Lapid, l’avait « surpris » se montrant disposé à conclure un accord au cours des 48 heures précédentes. En revanche, le chef du parti HaMahane HaMamlahti , Benny Gantz, s’est montré moins enclin à conclure un accord, mais Herzog ne l’a pas critiqué pour autant.
Après avoir rencontré Netanyahu, le président s’est entretenu dans la nuit avec le président de l’organisation syndicale de la Histadrout, Arnon Bar-David, et des représentants de grandes entreprises. Les discussions avec la Histadrout, qui a subi des pressions pour appeler à une grève générale, se sont poursuivies lundi dans un climat de chaos à l’extérieur de la Knesset, où les opposants à la refonte se sont affrontés avec la police et ont bloqué les routes, et alors que certaines des plus grandes entreprises du pays avaient organisé une journée de grève.
Des représentants de la Histadrout auraient exhorté Herzog à prendre des mesures avant le vote final sur le projet de loi, mais ce dernier a refusé.
« Il n’y a rien d’autre à faire que de prononcer des discours ou de démissionner. Et quelle différence cela fera-t-il si quelqu’un d’autre prend ma place ? », a-t-il déclaré selon le reportage de la Douzième chaîne.
La chaîne a précisé que Herzog n’avait fait aucune remarque publique accusant la coalition ou l’opposition de ne pas être parvenue à un accord, car il souhaitait laisser la porte ouverte à de futures négociations.

Par ailleurs, des hauts fonctionnaires de la coalition, dont les noms n’ont pas été divulgués, ont déclaré à la chaîne qu’au cours de la journée écoulée, ils avaient reçu des messages d’au moins quatre députés de la coalition qui souhaitaient poursuivre l’examen de la législation relative à la réforme du système judiciaire uniquement s’il y avait un accord avec l’opposition.
Des indications que les membres de la coalition sont intéressés par un accord sont également apparues dans un éditorial publié dans le journal Haderech, considéré comme un porte-parole du parti ultra-orthodoxe le Shas dirigé par Aryeh Deri, l’allié de Netanyahu.
Publié mercredi, l’article d’opinion, intitulé « La responsabilité est obligatoire », critique ceux qui, dans son camp, adoptent une attitude « frivole » à l’égard des manifestations contre la refonte et des potentiels dommages causés à la sécurité nationale par les menaces de protestation des réservistes.
Il s’agit d’un « stupide enfantillage » qui consiste à « surfer sur les vagues du populisme, à lancer des slogans sans fondement, à récolter des profits faciles et rapides, puis, lorsque tout s’effondre, à disparaître et à fuir ses responsabilités ».
Tout en estimant que « la refonte du système judiciaire est une chose nécessaire », il a déclaré que « fermer les yeux ou enfouir la tête dans le sable ne fera pas disparaître les problèmes ».
« La capacité à dialoguer est une condition fondamentale et nécessaire dans le monde. »