Regev fustige la présentation aux Oscars du film israélien sur le tueur de Rabin
"Incitement" a remporté les Ophir ; La ministre de la Culture, qui ne l'a pas vu, fustige le film qui insinue que Netanyahu a contribué à la haine avant le meurtre en 1995

« Incitement », un film sur l’assassinat du Premier ministre Yitzhak Rabin vu à travers les yeux de son assassin, a remporté le prix du meilleur film aux Ophir 2019 dimanche soir, soulevant immédiatement les critiques de la ministre de la Culture populiste d’Israël, qui l’a dénigré en estimant qu’il calomniait le Premier ministre Benjamin Netanyahu.
Le film qui remporte l’Ophir du Meilleur film est traditionnellement en compétition comme candidat israélien aux Oscars pour le Meilleur film étranger.
La ministre de la Culture Miri Regev a relancé sa longue querelle avec l’Académie du cinéma et de la télévision et a critiqué le choix du terme « Incitement » [Incitation à la haine], en disant qu’il n’y avait « aucune place » en Israël pour un tel film et accusant le film de dénigrer Netanyahu, qui a été accusé d’incitation dans la période qui a conduit au meurtre, le 4 novembre 1995.
« Yigal Amir est un meurtrier qui a tiré une balle dans le cœur de la nation et a fait la pire chose possible, tuer un Premier ministre dans une démocratie », a déclaré Regev. « Il n’y a pas de place pour un film qui essaie de le comprendre ou de comprendre ses motivations, ou d’accuser les autres d’être derrière son acte odieux. »

« Les auteurs n’ont pas manqué l’occasion de faire participer le Premier ministre Benjamin Netanyahu à la campagne d’incitation », a-t-elle déclaré, qualifiant ce portrait de « complètement détaché de la réalité, de distorsion et de tentative visant à induire le public en erreur ».
Netanyahu a été accusé à maintes reprises d’incitation à la haine dans la période qui a précédé l’assassinat.
Rabin a été assassiné par Amir, un juif extrémiste et ultra-nationaliste qui s’opposait aux accords d’Oslo et au transfert du contrôle de certaines parties de la Cisjordanie et de Gaza aux Palestiniens dans le cadre de cet accord de paix historique.
Dans les semaines précédant l’assassinat, Netanyahu, alors chef de l’opposition, et d’autres hauts responsables du Likud ont assisté à un rassemblement politique de droite à Jérusalem où les manifestants ont qualifié Rabin de « traître », « meurtrier » et « nazi » pour avoir signé un accord de paix avec les Palestiniens plus tôt cette année-là.
Netanyahu a toujours réfuté les allégations selon lesquelles il aurait ignoré les conséquences d’une telle rhétorique incendiaire qui a inévitablement incité au meurtre de Rabin, et qualifié ces accusations d’“assassinat politique”.
Regev a reconnu dans ses commentaires qu’elle n’avait en fait pas visionné le film et a accusé les Ophir de « légitimer à nouveau les groupes qui cherchent à élargir les clivages dans la société israélienne ».

Regev a un long et âpre passé avec la cérémonie de remise des prix.
Elle a quitté la cérémonie de remise des prix en 2016 pour protester contre la récitation d’un poème du poète palestinien Mahmoud Darwish et n’a pas été invitée à revenir l’année suivante.
Cela ne l’a pas empêchée de critiquer le vainqueur de 2017, « Foxtrot », pour avoir donné, selon elle, une image injuste et « déformée » des soldats de l’armée israélienne. Elle a dit qu’elle n’avait pas vu ce film non plus.
Regev a également fait observer que « Incitement » n’a pas reçu de financement de l’État.
« Incitement », réalisé par Yaron Zilberman, a également remporté le prix du casting. Il avait été nominé pour 10 prix.
En recevant son prix, Zilberman a semblé vouloir s’attaquer à Netanyahu, qui se bat actuellement pour son avenir politique après les élections peu concluantes de la semaine dernière.
Rendant hommage à Rabin, le qualifiant de « géant assassiné dans la lutte pour la paix », Zilberman a exprimé l’espoir qu’après les élections, Israël serait au début d’“une nouvelle ère où les dirigeants, au lieu d’inciter et de diviser, nous uniront et nous feront nous aimer les uns les autres”.
Le film met en vedette Yehuda Nahari dans le rôle d’Amir et le suit pendant les quelque deux années qui ont conduit au meurtre de Rabin lors d’une manifestation pour la paix à Tel Aviv.
Nahari a déclaré qu’il avait été tellement traumatisé par le fait de se plonger dans l’esprit du tueur qu’il a dû suivre une thérapie.

Amir, aujourd’hui âgé de 49 ans, purge une peine à perpétuité pour l’assassinat de Rabin, à l’isolement.
Le mois dernier, il a entamé une brève grève de la faim, protestant contre la confiscation de son téléphone pendant deux mois après l’avoir utilisé à des fins politiques en violation des règles de la prison.
Le film, qui est sorti en Israël jeudi dernier, a été bien accueilli au niveau international.
Le Hollywood Reporter a dit qu’il « provoque et dérange ».