Israël en guerre - Jour 346

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Reportage

Retraite d’une semaine dans un ranch du Montana pour soigner les vétérans de Tsahal

Une ONG israélienne, créée après le 7 octobre, emmène les militaires dans une propriété où des chercheurs de Tel Aviv et de Harvard proposent des techniques pour favoriser leur réinsertion

Des mains en cercle, au K Bar L Ranch, dans le Montana. (Crédit : Healing in Nature)
Des mains en cercle, au K Bar L Ranch, dans le Montana. (Crédit : Healing in Nature)

Pas de téléphone, pas de télévision et par de réseau internet au ranch K BAR L, un ranch isolé du Montana – et pour un groupe de 15 anciens soldats du 809e Bataillon de la Brigade des parachutistes qui se sont battus à Gaza, c’est une escapade bienvenue après l’horreur.

En pleine nature, sans moyen de communication à leur disposition, installés dans une zone sauvage qui est située à environ 200 kilomètres de la frontière canadienne, les soldats participent à une retraite de sept jours. Objectif : aider ces militaires qui viennent de quitter les combats et leurs atrocités à se munir des outils qui leur permettront de faire face à d’éventuelles difficultés psychiques – comme le développement d’un trouble de stress post-traumatique (TSPT). Cette retraite est organisée par Healing in Nature (HIN), une ONG qui collabore avec des équipes scientifiques des universités de Cambridge et de Tel Aviv, rassemblant des données physiques et émotionnelles sur les militaires dans le but d’aider à guérir les cicatrices invisibles qui résultent des combats.

C’est Omri Barkin, ancien soldat de Tsahal, qui a eu l’idée de lancer l’organisation à but non-lucratif Healing in Nature en soutien aux militaires – « Mes frères d’armes », dit-il au Times of Israel – après le 7 octobre.

Après être allé sur le front pendant l’Opération Bordure protectrice en 2014, Barkin s’était rendu dans ce ranch du Montana qui appartient à Emily et à Adam Wallis, des amis de sa famille. Cette expérience de nature sauvage « a réellement guéri mon âme », s’exclame Barkin, qui ajoute avoir alors rêvé de partager ce qu’il avait vécu là-bas avec d’autres vétérans.

Barkin s’est d’abord tourné vers un vieil ami, Nimrod Hertz, actuellement en train de passer un doctorat au Royaume-Uni, à l’université de Cambridge, où il étudie les interventions à pratiquer dans le cadre du TPST en s’appuyant sur des données qui ont fait leurs preuves. Les deux amis ont ensuite élargi leur réseau en mettant en place l’équipe de recherche de Healing In Nature. Barkin a ensuite établi officiellement son ONG et il collecte des fonds pour son programme en faisant appel à des donateurs privés.

Des soldats à la fois patients et cobayes

Omri Barkin, PDG et co-fondateur de Healing in Nature. (Crédit : Autorisation)

Dans le cadre de cette retraite, des chercheurs comme le docteur Roi Sar-el, un psychiatre de l’université de Tel Aviv qui a aussi intégré aujourd’hui l’université de Harvard, procède à des mesures de biofeedback, suivant les mouvements oculaires des soldats, leur sommeil, leur fréquence cardiaque et leur niveau de stress avant le voyage au ranch, pendant leur séjour et après leur retour en Israël.

L’équipe veut pouvoir examiner la manière dont les expériences de combat ont un impact sur le niveau de stress des soldats, sur une éventuelle dépression, sur un état d’hyper-vigilance ou sur leur bien-être de manière plus générale, confie Sar-El au Times of Israel. Les chercheurs utilisent également les données pour étudier comment l’expérience vécue par les anciens militaires au ranch peut venir en aide à ces derniers.

« Nous avons déjà obtenu des résultats prometteurs et nous prévoyons de publier nos conclusions dans un journal à comité de lecture », indique-t-il.

Adi, qui demande à ce que son nom de famille ne soit pas révélé, confie que son épouse a été initialement sceptique au sujet de cette retraite, lui demandant s’il « avait réellement besoin d’aller jusqu’au Montana ».

Un participant de Healing in Nature pêche, à Bear Creek. (Crédit : Healing in Nature)

Il ajoute avoir réalisé, après le voyage, que la réponse à cette question était « Oui ».

Les soldats, qui se connaissaient tous après avoir évolué dans la même unité, commençaient leur journée par une baignade « dans une rivière glacée », raconte Adi, une baignade suivie par deux sessions thérapeutiques quotidiennes en groupe et par une session individuelle avec un psychologue.

Au programme également, des parties de pêche, de l’équitation et une visite dans une source thermale voisine, la bien-nommée Medicine Springs.

La prise de conscience accrue d’un problème croissant

Danny Brom, directeur fondateur de Metiv, le centre israélien de psychotraumatologie. (Crédit : Autorisation)

Selon les recherches, entre 8% et 15% des soldats développent un trouble du stress post-traumatique, déclare le docteur Danny Brom, directeur et fondateur du Centre de psychotraumatisme d’Israël, qui est en lien avec l’organisation HIN.

Dans les cas les plus graves, le trouble de stress post-traumatique peut entraîner le suicide, comme cela avait été le cas du soldat Eliran Mizrahi qui avait été mobilisé dans la réserve peu de temps après l’attaque du Hamas, le 7 octobre, et qui avait alors aidé, dans le cadre de son service, à récupérer les corps sans vie des festivaliers qui avaient été assassinés par les terroristes palestiniens au festival de musique électronique Supernova. Il avait ensuite été envoyé à Gaza où il avait intégré une unité du génie de combat. Il a été blessé au mois d’avril.

Même s’il avait été reconnu vétéran handicapé et que les médecins avaient diagnostiqué, chez lui, un trouble du stress post-traumatique, Mizrahi avait reçu un ordre de mobilisation le sommant de rejoindre le front à Rafah au début du mois de juin. Il s’était suicidé deux jours plus tard.

La mort de Mizrahi avait amené le professeur Yair Bar-Haim, chef du dispensaire du Centre national pour le post-traumatisme et la résilience à l’université de Tel Aviv, à exhorter l’armée à ne plus recourir aux réservistes pris en charge pour un TPSP jusqu’à la fin de leur traitement.

Eliran Mizrahi s’est suicidé le 7 juin 2024, après avoir été rappelé à la guerre suite à deux blessures et au syndrome de stress post-traumatique. (Crédit : Capture d’écran X ; utilisée conformément à la clause 27a de la loi sur les droits d’auteur)

Un porte-parole de l’armée a indiqué que si les médecins militaires devaient diagnostiquer un TPST chez un soldat, ce dernier ne serait pas appelé à servir au combat.

La majorité des militaires ne développent pas de trouble du stress post-traumatique, selon Brom, qui ajoute toutefois qu’ils sont « en difficulté » parce qu’ils ont vu « les choses les plus horribles » à Gaza.

« C’est quelque chose de très bénéfique pour eux de pouvoir parler de tout ça et de l’intégrer », explique Brom au Times of Israel.

« Pendant de nombreuses années en Israël, quand les soldats rentraient de la guerre, ils allaient chez eux et c’était terminé », indique-t-il.

Des vétérans de l’armée israélienne montant à cheval, au K BAR L Ranch, dans le Montana. (Crédit : Healing in Nature)

Dorénavant, continue-t-il, Tsahal et le ministre de la Défense « ont conscience du fait qu’il est important d’accompagner les gens lors de leur réintégration dans la société, de les aider à intégrer au mieux ce qu’ils ont vécu. »

« C’est déjà assez difficile de devoir faire face à la détresse et à tout ce qui peut se passer après une guerre, même si on ne développe pas de trouble du stress post-traumatique », note Brom.

Trouver de nouveaux endroits sûrs

Les soldats peuvent ressentir de l’anxiété après la bataille, dit Sar-el. « Ils ont des difficultés à dormir, ils ont le sentiment que le monde dans lequel ils évoluent est un endroit moins sûr pour eux et qu’ils doivent rester sur leurs gardes en permanence ».

Dr. Roï Sar-el au Ranch K BAR L, dans le Montana. (Crédit : Healing in Nature)

Au ranch néanmoins, Adam Wallis, le propriétaire des lieux, dit avoir l’impression que les anciens militaires « se sentent réellement en sécurité parce que c’est un endroit reculé ; on ne voit pas les autres gens ; on n’entend pas les informations. On oublie quel jour de la semaine on est ».

Sa famille accueille des invités du mois de juin au mois de novembre – les vacanciers se livrent à des parties de chasse, des parties de pêche ou ils font des randonnées. Au cours des trois dernières années, ils ont réservé une semaine, dans leur planning, à l’accueil des soldats américains. Quand Wallis a entendu parler de l’initiative prise par Barkin, « on a sauté sur l’occasion qui nous était donnée d’apporter notre aide ».

La famille prévoit d’héberger trois groupes supplémentaires de soldats israéliens, l’année prochaine.

La majorité des soldats n’ont jamais rencontré de psychologue, déclare Sar-el, et « c’est difficile de les faire entrer dans le monde de la thérapie, des sessions de groupe avec cette dynamique particulière de groupe ».

Des soldats de l’unité Lotar pleurant à la vue de la maison du kibboutz Kfar Aza qui avait encore le challah du repas familial de Shabbat de la veille sur la table lorsqu’elle a été attaquée par des terroristes du Hamas le 7 octobre, le 10 octobre 2023. (Crédit : Ziv Koren/Polaris)

Lui et les autres membres de l’équipe de HIN veulent que les soldats aient le sentiment qu’ils « sont entourés par des gens qui leur veulent du bien », précise Sar-el.

« Les soldats ont une réputation de rudesse, d’être des Israéliens durs à cuire et pourtant, ils savent se montrer très ouverts », commente Adi. « Tout le monde a reconnu combien c’était difficile à la maison », même avec « des tâches très simples à accomplir avec les enfants ».

« Nous tentons de leur transmettre un message : Soyez résilients. Reprenez votre vie. Revenez à vos familles, à vos aspirations professionnelles tout en vous efforçant d’intégrer les événements complexes que vous avez traversés, en vous efforçant de les intégrer dans vos vies, ce qui est un travail très difficile », dit Sar-el.

Sar-el ajoute qu’il est conscient qu’une semaine « ne règlera pas tout » mais qu’il a pu constater que les militaires essayaient d’intégrer ce qu’ils ont appris dans leur quotidien.

Il raconte qu’un soldat, par exemple, a appris que lorsqu’il était en colère, il pouvait tout arrêter pendant une minute pour tenter de prendre conscience de son corps et de ce qui était en train de se passer à l’intérieur de lui-même.

Il a pu s’interroger : « Est-ce que je suis en colère à l’encontre de mon enfant, de mon épouse, de mon patron ou est-ce qu’il se passe quelque chose qui est à l’intérieur de moi, que je peux transférer sur eux et est-ce que je peux m’accorder ne serait-ce qu’une minute avant d’éclater ? »

Adi note que les soldats forment une communauté qui s’est dotée d’un groupe actif sur WhatsApp ; c’est un réseau d’anciens « qui sont là les uns pour les autres ». Sar-el estime que les participants ont pris davantage conscience de l’éventuelle nécessité, pour eux, de consulter un psychologue ou un psychiatre.

« Nous n’avons eu qu’une semaine pour faire ce que nous avons à faire et nous avons encore besoin d’assurer leur suivi, de les soutenir quand ils en ont besoin », indique Barkin.

Les membres d’un groupe de paix de l’esprit parrainé par Metiv, le Centre israélien de psychotraumatologie, se réunissant pour se soutenir mutuellement. (Crédit : Metiv)

Une autre initiative pour apporter la tranquillité d’esprit

Metiv propose un programme de neuf mois à destination des soldats vétérans, Tranquillité d’esprit, un programme qui est co-financé par le ministère de la Défense, dit Brom.

Dans ce cadre, les soldats partent dans des communautés juives en Angleterre, aux États-Unis et au Canada pour des retraites d’une semaine. Ils prennent alors part à 40 ou 50 heures de sessions thérapeutiques avec des personnes qualifiées.

« Les sessions font remonter les expériences les plus difficiles », selon Brom. « La majorité des participants les trouvent extrêmement utiles. Ils en parlent beaucoup et ils disent que ça a changé leur vie ».

Des programmes comme ceux-là sont très nécessaires pour les soldats, note Brom, « et nous devons les renforcer. Il y a très certainement encore beaucoup de choses à faire ».

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