Rothman dénonce la demande de Hayut de geler les projets de réforme judiciaire
Le président de la commission estime que cette exigence est une "violation grave de la séparation des pouvoirs" ; les avocats du gouvernement menacent de faire grève
Le député Simcha Rothman, président de la commission de la Constitution, du Droit et de la Justice de la Knesset, a adressé mercredi de sévères critiques à la juge de la Cour suprême Esther Hayut, qui aurait demandé que soient suspendus tous les efforts législatifs relatifs à la réforme judiciaire du gouvernement et que soit entamé un processus de médiation sur les réformes proposées.
« Le débat au sein des commissions est le moteur de la démocratie israélienne et ceux qui tentent de l’empêcher comme condition préalable au dialogue ne veulent pas vraiment qu’un dialogue soit ouvert », a déclaré Rothman lors de l’audition de la commission.
Le président Isaac Herzog a récemment demandé à Hayut de participer à une table ronde réunissant des juristes des deux côtés du l’échiquier politique afin de parvenir à un compromis sur les projets du gouvernement, qui font face à une opposition déterminée – des changements qui préconisent des réformes radicales dans les systèmes juridique et judiciaire.
D’après un reportage de la Treizième chaîne qui a été diffusé mardi, Hayut aurait exigé que la commission de Rothman cesse de tenir des audiences sur le projet de loi proposé – qui modifierait radicalement le contrôle et l’indépendance de la justice – comme condition préalable à sa participation à une telle réunion.
Dans un geste très inhabituel pour un juge de la Cour suprême en exercice, Hayut s’est exprimée de manière très ferme contre les propositions de réforme radicales du gouvernement le mois dernier, les décrivant comme portant un « coup fatal » à la démocratie.
En réponse au reportage de mardi, Rothman a riposté en déclarant : « Si je disais que j’acceptais d’arrêter les réformes à condition que la Haute Cour arrête ses audiences, qu’elle n’annule pas de lois ou de nominations, qu’elle ne tienne pas d’audience [pour les requêtes] sur des questions de politique, et que la situation reste gelée jusqu’à ce que nous puissions en discuter, beaucoup diraient à juste titre que j’interfère avec l’indépendance judiciaire et que je porte atteinte à la séparation des pouvoirs ».
« La tentative de la présidente de la Cour suprême d’interférer dans les procédures législatives à la Knesset est une grave violation de la séparation des pouvoirs, et toute la Knesset, coalition et opposition, se doit de dénoncer cette situation et de dire qu’elle est inacceptable. »
Il a ajouté que la Haute Cour avait refusé toutes les propositions de réforme du système juridique et judiciaire suggérées dans le passé tant bien par les ministres que par les législateurs.
S’exprimant mardi dans le podcast « My Israel », le ministre de la Justice Yariv Levin, architecte des plans controversés, a déclaré qu’il s’attendait à voir les juges de la Cour suprême démissionner de leurs fonctions si les réformes se concrétisaient, ouvrant ainsi la voie à la commission chargée de la sélection des juges de « diversifier » la Cour.
Levin a également déclaré qu’il était ouvert à toute discussion concernant les « nuances » du plan, mais qu’il ne ferait aucun compromis sur les principes fondamentaux des réformes judiciaires proposées.
« Je suis certes disposé à entendre les opinions des autres, je pense qu’un accord global a une certaine valeur. Mais nous devons mettre de côté les prises de bec, les intimidations et les discours non pertinents. On peut discuter de telle ou telle majorité sur le dépassement d’une loi, mais les principes de base ne peuvent pas être et ne seront pas compromis parce qu’ils sont nécessaires et requis. »
Evoquant la possibilité que, si le paquet de réformes était adopté sous forme de lois fondamentales, leur conférant un statut quasi constitutionnel, la Cour suprême puisse utiliser son « arme fatale » et déclarer les réformes inconstitutionnelles, Levin a insisté sur le fait que « dès que les réformes seront adoptées, la barrière de la peur sera brisée et de nombreuses autres voix s’élèveront dans le système judiciaire pour dire d’une voix claire qu’il s’agit d’une mesure illégale qui ne s’est jamais produite dans l’histoire des nations. »
Levin a également accusé les juges de la Cour suprême de « prendre le contrôle de l’État » et il a balayé d’un revers de main les craintes que les réformes ne sonnent « la fin de la démocratie ». »
« Vous ne pouvez pas accepter une telle chose – ils ont pris l’autorité et se sont placés au-dessus de la Knesset, » s’est-il exclamé.
Rothman, du parti HaTzionout HaDatit, a invité Hayut à s’adresser elle-même à la commission, en disant qu’il lui « accorderait tout le temps nécessaire » et que « nous écouterons avec attention ce qu’elle a à dire. »
Plus tard au cours de l’audience, Rothman a été interrogé par la députée de Yesh Atid, Karine Elharrar, sur l’un des aspects clés de sa législation selon lequel le gouvernement aurait une majorité automatique au sein de la commission de sélection des juges.
Elharar a contesté l’affirmation de Rothman qui affirmait que donner aux politiciens le contrôle total de la commission de sélection des juges était une méthode fiable pour sélectionner les juges, méthode qui, selon Rothman, est légitime car un tel système est utilisé par d’autres démocraties occidentales.
Le conseiller juridique de la commission, l’avocat Gur Bligh, a cherché à contextualiser la question en notant que ces autres pays ont des contrôles institutionnels sur le pouvoir exécutif dans les pays, mais il a été interrompu par Rothman.
« Si vous voulez ajouter du contexte à ce que je dis, vous devez attendre votre tour », a affirmé Rothman, qui, lors d’audiences précédentes, s’est disputé avec Bligh.
Une commission représentant les avocats qui travaillent pour l’État a menacé de se mettre en grève pour protester contre la refonte du système judiciaire prévue par le gouvernement, selon le site d’information Walla.
La commission a déclaré un conflit de travail aujourd’hui, première étape avant une grève, affirmant que les réformes prévues auront « un impact significatif sur le travail des avocats et devraient causer de graves dommages à l’organisation. »