Shabtaï: Ben Gvir a tenté d’empêcher la police d’escorter les convois d’aide pour Gaza
Le chef de la police a dit que le ministre l'avait menacé des « conséquences » de son insistance à protéger les convois, allant jusqu'à contacter directement ses services
Le chef sortant de la police, Kobi Shabtai, a révélé des détails sur les tentatives répétées d’ingérence du ministre de la Sécurité intérieure, Itamar Ben Gvir, ces derniers mois, et dernièrement de ses tentatives d’empêcher la police d’escorter les convois d’aide humanitaire destinés à Gaza.
Dans un courrier du 27 mai adressé à la procureure générale Gali Baharav Miara, publié hier jeudi, Shabtai écrit que Ben Gvir a dit à de hauts responsables de la police, sans lui en parler, qu’il ne voulait pas que la police assure la protection des convois d’aide humanitaire traversant Israël, au motif que la tâche relevait, selon lui, de la compétence de l’armée.
Ces derniers mois, des militants d’extrême droite s’en sont pris à plusieurs reprises aux camions d’aide humanitaire destinés à Gaza, estimant que les Gazaouis ne devait pas recevoir d’aide tant que les otages étaient encore entre les mains du Hamas. Il est arrivé que les véhicules pris en chasse ne transportent pas de l’aide, mais des marchandises commerciales.
Ben Gvir a critiqué ces attaques tout en faiant savoir qu’il était d’accord avec les militants sur le fait que les Palestiniens de la bande de Gaza ne devraient pas bénéficier d’aide humanitaire.
Selon la lettre de Shabtai adressée à la procureure générale, Ben Gvir a, en janvier dernier, tenu une conférence téléphonique avec le chef adjoint de la police et le commandant de police du district sud après une réunion du chef d’Etat-major de Tsahal et de Shabtai au sujet de la protection policière des convois.
« Le ministre de la Sécurité intérieure a donné des instructions, à savoir que [la police] ne devait pas participer à la protection des convois d’aide puisque c’était la compétence de Tsahal », indique Shabtai, qui en aurait été informé par le chef du district sud de la police.
Shabtai dit avoir rappelé à Ben Gvir qu’il s’agissait d’une compétence policière, ce à quoi ce dernier aurait réagi en lui disant qu’il y aurait des « conséquences ».
En mai dernier, Shabtai a affirmé que Ben Gvir s’était de nouveau adressé à lui pour protester contre l’escorte de convois par les services de police.
« J’ai clairement expliqué au ministre que la police faisait et continuerait de faire son travail », a indiqué Shabtai à la procureure générale.
Toujours dans cette lettre, Shabtai écrit que Ben Gvir est intervenu auprès de hauts responsables de la police pour faire suspendre les policiers impliqués dans des violences sur le mont Meron, le 26 mai dernier.
En janvier, la procureure générale avait déclaré à la Cour Suprême que le ministre de la Sécurité intérieure avait certes compétence pour définir les grandes lignes de la politique, mais pas pour donner des instructions à la police, suite à la demande de groupes d’activistes d’empêcher Ben Gvir de donner des instructions en matière de maintien de l’ordre lors des manifestations. La Cour Suprême avait statué que le ministre avait violé une précédente décision de la Cour de 2023 lui interdisant déjà de donner de tels ordres.
S’agissant de l’ingérence de Ben Gvir dans les questions disciplinaires concernant les agents de la police des frontières suite aux incidents du mont Meron, Shabtai a expliqué avoir su, après les événements, que « le ministre avait parlé au commandant du district nord et au chef de la police des frontières et, avec ce dernier, pris des décisions pour suspendre certains agents ».
« Ni le ministre ni le commandant de la police des frontières n’ont la compétence pour suspendre des policiers, et encore moins sans enquête », a-t-il écrit.
Les relations de Ben Gvir et Shabtai ne sont pas un long fleuve tranquille. En 2023, le ministre avait menacé le chef de la police de ne pas proroger ses fonctions à la tête de la police, ce qui avait donné lieu à une altercation verbale avec le chef de Kakhol lavan, Benny Gantz, avant que la question se règle par un accord avec le Likud.
Shabtai aurait dû quitter ses fonctions en janvier dernier et avait indiqué qu’il ne solliciterait pas de prorogation, mais l’attaque du Hamas contre Israël, le 7 octobre dernier, et la guerre qui a suivi à Gaza l’ont fait changer d’avis.
Ces dernières semaines, Ben Gvir a tenté d’obtenir le départ anticipé de Shabtai – prévu le mois prochain – en dénonçant un dysfonctionnement général imputé au chef de la police. Selon la procureure générale, la demande du ministre d’extrême droite motivée par des « arrière-pensées ».
C’est le chef-adjoint de la police – Avshalom Peled -, choisi par le ministre de la Sécurité intérieure, qui lui succèdera le 17 juillet.