Shiloh : la police achève son opération de déracinement des arbres
Aux lendemain des confrontations entre policiers et militants, les résidents d'implantations affirment que les forces de sécurité sont revenues dans la nuit pour achever l'opération
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.
L’Administration civile du ministère de la Défense et les agents de la police des frontières ont achevé l’ordre de déraciner les arbres plantés par un résident d’implantations en Cisjordanie sans autorisation, dans un contexte de colère croissante des ministres d’extrême-droite et des militants qui s’opposent à cette mesure, et malgré les instructions du Premier ministre Benjamin Netanyahu de mettre rapidement fin à l’opération, qui a débuté mercredi.
Le déracinement des arbres a donné lieu à de violentes confrontations entre les agents et les résidents d’implantations – dont deux députés ultra-nationalistes – qui se sont précipités sur le site pour tenter d’empêcher le déracinement de quelque 1 100 arbres du terrain en se plaçant devant les bulldozers ou en s’attachant aux arbres. Des images partagées sur les réseaux sociaux montrent des agents de la police des frontières faisant usage de la force pour arrêter les militants, ce qui a conduit à la suspension de trois agents.
L’incident a également suscité la colère du ministre des Finances, Bezalel Smotrich, du parti d’extrême-droite HaTzionout HaDatit, et a de nouveau mis en lumière les tensions au sein de la coalition quant à l’autorité de l’Administration civile.
Le différend oppose Smotrich, qui est également ministre délégué au sein du ministère de la Défense, au ministre de la Défense Yoav Gallant. Aux termes d’un accord de coalition entre le parti de Netanyahu, le Likud et HaTzionout HaDatit, Smotrich s’est vu confier l’autorité sur l’Administration civile, qui est chargée des affaires civiles en Cisjordanie, y compris de l’application de la loi contre les constructions illégales.
Les résidents ont déclaré que les officiers sont apparus au milieu de la nuit pour achever le déracinement des arbres de la parcelle. Mais des sources au sein du ministère de la Défense ont déclaré à la Douzième chaîne que l’opération avait repris mercredi soir, après les affrontements avec les résidents d’implantations, et que le reste des arbres avaient été déracinés à ce moment-là.
Amit Ben Eliyahu, qui revendique la propriété du terrain, a déclaré que quelques arbres avaient été laissés sur le terrain après que Netanyahu a ordonné de mettre fin à l’opération.
« Mais », a-t-elle dit jeudi dans un communiqué, « à mon grand étonnement, je me suis réveillée ce matin et j’ai vu que même les quelques arbres restants avaient été déracinés par les forces de l’Administration civile qui sont arrivées sous le couvert de la nuit ».
« On ne traite pas la terre comme ça. Ce qui a été fait ici est de la pure destruction juste pour le plaisir de détruire », a déclaré Ben Eliyahu.
Les arbres ont été déracinés sur la base d’un ordre d’utilisation perturbatrice des terres émis par l’Administration civile à l’encontre de Ben Eliyahu, résident d’implantations qui a planté les arbres sur une parcelle de terrain contestée près de l’implantation de Shiloh, dans le nord de la Cisjordanie, au début des années 2000.
La propriété du terrain en question n’a jamais été formellement établie, mais jusqu’en 2005, il n’était pas officiellement enregistré comme terrain privé appartenant à qui que ce soit. Les héritiers d’une famille palestinienne ont revendiqué la propriété de la parcelle, tandis que la famille Ben Eliyahu affirme avoir acheté le terrain légitimement en 2002.
L’Administration civile a cherché à enlever les arbres plantés par Ben Eliyahu après qu’il a commencé à travailler sur le terrain, affirmant qu’il n’avait pas le droit d’utiliser un terrain non étatique – un terrain qui n’appartient ni à l’État ni à un propriétaire privé de façon claire. En 2021, la Haute Cour de justice a jugé que l’ordre de l’organe du ministère de la Défense de déraciner les arbres était valide et pouvait être exécuté.
Smotrich a dénoncé l’opération initiale comme « une injustice criante » et a exigé que Netanyahu lui transfère immédiatement l’autorité sur l’Administration civile, conformément aux accords de coalition qui, selon lui, sont « la base de l’existence de la coalition ».
Il a accusé Netanyahu de « traîner les pieds » sur cette question et a déclaré que son parti, HaTzionout HaDatit, tiendrait une réunion de faction « d’urgence » mercredi pour discuter des prochaines étapes. Plus tard, le média Walla a rapporté que Netanyahu a contacté Smotrich mercredi et l’a rassuré que l’accord serait honoré et que ses pouvoirs lui seraient accordés « dès que possible ».
Alors que l’opération initiale était en cours mercredi, Smotrich a envoyé une lettre à Netanyahu, accusant Gallant de saper son autorité et exigeant que le Premier ministre ordonne immédiatement l’arrêt de l’opération.
Alors que l’opération de déracinement des arbres se déroulait, l’organisation de droite de défense juridique, Honenu, a partagé des vidéos sur les réseaux sociaux montrant des résidents d’implantations résistant à leur arrestation et des agents de la police des frontières ayant recours à la violence à leur encontre. L’un d’eux a asséné un coup de pied à la tête d’un militant plaqué au sol par d’autres agents, tandis qu’un autre officier l’a frappé à plusieurs reprises.
Le chef de la police des frontières, Amir Cohen, a déclaré que l’incident ferait l’objet d’une enquête, suite à la suspension des trois officiers impliqués.
À la suite de l’incident, la députée Limor Son Har Melech (Otzma Yehudit), a affirmé dans une interview accordée à la radio Kan qu’elle avait été agressée sexuellement par l’un des agents de la police des frontières qui l’avaient encerclée lors de l’opération de déracinement des arbres.
En réponse aux allégations de Son Har Melech, la police a fait une déclaration. « Le commandant de la police des frontières a été tenu informé tout au long de l’incident. Il est important de souligner qu’en plus de l’immunité et de la liberté de mouvement dont bénéficie la députée, les forces ont agi avec beaucoup de sensibilité et de détermination tout en menant un dialogue respectueux et en faisant preuve d’une conduite professionnelle durant l’incident. »
Smotrich a ensuite fustigé le comportement de la police des frontières lors de l’incident, déclarant que la « violence policière brutale » contre les résidents d’implantations et le « préjudice causé à la députée Son Har Melech et la violation de son immunité parlementaire sont inacceptables ».
Le chef du parti d’extrême-droite, Otzma Yehudit, le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, a également pris position sur l’opération. Il a publié une déclaration à la presse disant qu’il avait exigé mardi soir que Gallant annule l’opération, ce que le ministre de la Défense a refusé.
Comme Smotrich, Ben Gvir a demandé à Netanyahu d’arrêter l’opération, l’accusant de violer les accords de coalition sur lesquels le nouveau gouvernement a été établi. Il a exigé que la division cisjordanienne de la police des frontières soit transférée sous son contrôle en tant que ministre de la Sécurité nationale lors de la prochaine réunion du cabinet.
Le leader d’extrême-droite a également apporté son soutien à la députée de son parti, Son Har Melech, qui a tenté d’empêcher le personnel de sécurité de déraciner les arbres, en déclarant que l’Administration civile et la police des frontières avaient violé son immunité parlementaire, et l’avaient agressée sexuellement.