Sortie de l’oubli pour 13 mineurs juifs raflés à Salsigne en 1944
Ces mineurs, venus de Roumanie, de Hongrie, d'Allemagne et de Pologne pour fuir le nazisme, avaient été arrêtés le 31 janvier 1944 et douze d'entre eux mourront au camp d'Auschwitz
La litanie du kaddish retentit face aux flancs pelés de l’ancienne mine d’or de Salsigne. Cette prière de deuil rend enfin hommage aux treize ouvriers juifs raflés par les Allemands dans ce village de l’Aude il y a 80 ans, puis tombés dans l’oubli.
Ces mineurs, venus de Roumanie, de Hongrie, d’Allemagne et de Pologne pour fuir le nazisme, avaient été arrêtés le 31 janvier 1944 par des soldats allemands guidés par un interprète français.
Douze d’entre eux mourront au camp d’Auschwitz, où ils sont déportés quelques jours plus tard. Puis, plus rien. Le silence pendant des décennies. Jusqu’à septembre 2016, lorsque Martial Andrieu raconte leur histoire sur son blog.
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Après un décret ordonnant l’ouverture d’archives, ce chanteur lyrique et historien amateur de 52 ans s’intéresse au procès en juillet 1945 de René Bach, un Alsacien accusé de collaboration. C’est lui qui, travaillant avec la Gestapo, se trouve avec les militaires allemands lors de la rafle de Salsigne.
Martial Andrieu, né à Carcassonne, à une quinzaine de kilomètres de la mine d’or, déniche dans ces archives plusieurs témoignages, dont ceux du seul survivant et d’un autre mineur juif ayant réussi à se cacher, qui lui permettent de reconstituer le drame.
Roses jaunes
Mais il faut attendre encore deux ans pour que son récit attire l’attention d’un habitant des environs, Frédéric Ogé, 72 ans, ancien chercheur au CNRS, qui alerte l’un de ses amis ayant travaillé à la mine, la plus grande d’Europe, jusqu’à sa fermeture en 2004.
Ce dernier, Robert Montané, 70 ans, n’est pas juif, mais veut rendre hommage à ces camarades ouvriers dont il ignorait l’existence. Il dépose un bouquet de roses – jaunes comme l’étoile de David – devant le monument « à la mémoire des mineurs et métallos de la montagne Noire » le 4 décembre 2018, jour de la Sainte-Barbe, patronne des mineurs, puis chaque année après ça.
Ce 31 janvier 2024, il n’est plus seul à se tenir là. Il remercie, ému, une petite foule d’habitants, d’élus et de membres de communautés juives des alentours, avant de donner la parole à Yossi Alves, secrétaire général de l’association Culture et patrimoine juifs de Narbonne.
C’est cette association qui, sous l’impulsion de MM. Ogé et Montané, a organisé la commémoration de la rafle de Salsigne, 80 ans jour pour jour après le drame.
Les deux septuagénaires et Martial Andrieu – absent pour cause de concert à Limoges – « ont lutté contre l’oubli du temps et de la honte », salue Yossi Alves.
« Shayt iz toyt », dit-il encore. « Le silence, c’est la mort, en yiddish. »
« Frères en humanité »
« On le leur devait », déclare à l’AFP M. Montané. « Ils sont morts par la barbarie et la connerie humaine de ceux qui les ont dénoncés. »
« Le malheur, c’est que certains ont été envoyés à la mort parce que c’étaient des êtres humains de confession israélite, et ils ont été oubliés », regrette quant à lui M. Ogé.
Derrière un champ de panneaux solaires, on aperçoit au loin le chevalement rouillé du puits Castan, vestige de l’époque où les hommes fouillaient encore les profondeurs en quête d’or.
« Robert, Frédéric, Martial, je me permets de vous appeler par vos prénoms car pour moi, aujourd’hui, vous êtes des frères de mémoire », lance la rabbin Ann-Gaëlle Attias, avant de prononcer le kaddish.
« Rien ne vous obligeait à honorer (…) la mémoire de ces treize ouvriers qui n’étaient ni de votre religion, ni de la même nationalité que vous. Vous avez su voir en eux vos frères en humanité. »
A la fin de la cérémonie, la foule s’avance pour déposer, une à une, les roses jaunes distribuées par Frédéric Ogé.
Robert Montané n’en est pas. Rejoint dans le devoir de mémoire par ces dizaines de personnes, il se tient fièrement sur le côté, parmi les quatre porte-drapeaux.
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