Tel Aviv révoque l’autorisation d’une organisation orthodoxe
Pour la ville, l'utilisation par Rosh Yehudi de mechitzot est une violation "grave" de son autorisation, qui a pu donner lieu à d'importants troubles à l'ordre public
La municipalité de Tel Aviv a révoqué, jeudi, les autorisations délivrées à une organisation religieuse orthodoxe pour l’organisation d’événements publics pour les fêtes de Souccot.
Lors d’un office de prière organisé pour Yom Kippour sur la place Dizengoff, l’organisation Rosh Yehudi avait mis en place des cloisons [mechitzot] improvisées servant à séparer les hommes et les femmes en dépit de plusieurs décisions judiciaires – ce qui a donné lieu à d’âpres confrontations dans la ville lors du jour le plus solennel du calendrier juif.
La municipalité affirme que Rosh Yehudi, qui tente de promouvoir l’orthodoxie dans une ville majoritairement laïque, a enfreint les conditions de délivrance de son autorisation en érigeant une barrière de bambou flanquée de drapeaux israéliens lors de l’office de Yom Kippour.
Des explications houleuses ont eu lieu, dimanche et lundi, au sujet de ces prières. Les fidèles ont été chassés par des manifestants en colère, rappelant que la ségrégation sexuelle – traditionnelle dans les prières juives orthodoxes – ne devait pas avoir cours dans les espaces publics.
Le mois dernier, Rosh Yehudi avait reçu l’autorisation d’installer une Souccah, ou cabane, rue Zamenhof pour la fête de Souccot, qui commence ce 30 septembre. L’organisation a par ailleurs été autorisée à organiser ce que l’on appelle les deuxièmes Hakafot, le 7 octobre prochain, place Dizengoff. Il s’agit d’une célébration traditionnelle qui a lieu dans la foulée de Sim’hat Torah, pour témoigner de la solidarité avec les Juifs de la Diaspora, qui célèbrent cette fête un jour après Israël.
Simhat Torah marque la fin du cycle de lectures bibliques de l’année précédente et le début d’un nouveau cycle. Elle est célébrée par les Juifs orthodoxes par des danses folkloriques non mixtes, accompagnées de l’exhibition de rouleaux de la Torah.
Jeudi, ces deux autorisations ont été révoquées.
Dans un courrier adressé à Rosh Yehudi suite à la tenue d’une audience sur la question, la municipalité a déclaré que la mehitzah improvisée à Yom Kippour constituait une violation « grave » des termes de l’autorisation, à l’origine de « troubles importants à l’ordre public ».
« L’événement organisé par Rosh Yehudi pour Yom Kippour, place Dizengoff, a fait d’une prière un moment humiliant (…). Il s’en est fallu de peu pour que cela donne lieu à une bagarre généralisée », peut-on lire dans la lettre.
La municipalité, qui reproche à l’organisation d’avoir prétendu que cette séparation n’avait rien de physique, a fait savoir que les agissements de Rosh Yehudi étaient susceptibles de « donner lieu à d’autres troubles à l’ordre public ».
Par voie de communiqué, le maire de Tel Aviv, Ron Huldaï, a déclaré que la ville avait pris cette décision avec le « cœur lourd ».
« Tout le monde est le bienvenu dans les lieux publics : il y a des lieux pour les prières publiques, tant qu’elles se déroulent conformément à la loi et sans ségrégation entre les genres », a-t-il déclaré.
Rosh Yehudi est une ONG qui promeut un mode de vie religieux et organise à cette fin des prières publiques pour la fin de Yom Kippour depuis 2020. C’est la première fois que la ville interdit les mechitzot.
עיריית תל אביב יפו קיבלה היום בלב כבד, החלטה שמבטלת את ההיתרים לעמותת "ראש יהודי" לקיים אירועים במרחב הציבורי.
ההחלטה התקבלה לאחר שהארגון לא קיבל אחריות על האירוע בהפרדה שהתקיים בכיכר דיזינגוף ביום כיפור, ולא כיבד את ההיתר, את הנחיות העירייה ואת פסיקת בית המשפט בנושא.
כולם… pic.twitter.com/pbLWt8VojM
— רון חולדאי (@Ron_Huldai) September 28, 2023
Mercredi, le ministre d’extrême droite de la Sécurité intérieure, Itamar Ben Gvir, avait annoncé son intention d’annuler son projet – très critiqué – de prières séparées par genre à Tel Aviv, jeudi.
Des centaines de personnes ont assisté à des prières place Habima, à Tel Aviv, jeudi soir. Ces prières, que ses organisateurs ont présenté comme des formes de soutien à la démocratie et à l’État d’Israël, ont été organisées dans la foulée de l’annulation annoncée par Ben Gvir.
« Nous sommes là pour montrer qu’il existe un autre judaïsme, inclusif et tolérant », a déclaré Galia Sadan, rabbin réformée de la congrégation Beit Daniel de Tel Aviv, lors des prières.
« Nous avons récupéré le drapeau israélien et la Déclaration d’indépendance », a déclaré à la foule massée place Habima Yaya Fink, ex-militant du parti Avoda et chef du groupe de pression de gauche Darkenu, évoquant les symboles du mouvement de protestation contre le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu.
Ces événements sont vus par certains comme une extension du conflit déclenché par la refonte judiciaire avancée par l’actuel gouvernement, qui s’étend désormais à de nombreux secteurs et suscite des visions très clivées sur l’avenir du pays et sa nature profonde.
Canaan Lidor a contribué à cet article.