Tsahal scelle la chambre d’un meurtrier palestinien présumé
Les juges se sont opposés au projet de démolition du logement entier où vit la famille du Palestinien tenu responsable du meurtre d'Yigal Ben-Amit
Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.

L’armée israélienne a condamné jeudi la pièce dans laquelle vivait le Palestinien suspecté d’avoir tué il y a quelques mois Yigal Ben-Amit, un soldat israélien.
L’armée avait initialement l’intention de détruire l’ensemble du bâtiment, mais elle a été bloquée à deux reprises par la Haute Cour de justice, qui a invoqué le fait que le reste de la famille n’était pas au courant du crime présumé de Nazmi Abu Bakr et n’était pas impliqué dans celui-ci, et ne devrait donc pas voir sa maison détruite.
Mercredi dernier, l’armée a informé la famille qu’elle avait l’intention de sceller la pièce et de la remplir de béton et de fils barbelés.
« Le scellage a été effectué conformément à la décision de la Cour suprême qui a annulé l’ordre de démolition du domicile du terroriste », a indiqué l’armée dans un communiqué.

Abu Bakr est soupçonné d’avoir lancé depuis le toit de la maison de sa famille une brique qui a mortellement heurté la tête du soldat de 21 ans, alors que celui-ci participait à un raid dans le village de Yabed, en Cisjordanie, le 12 mai dernier.
Les forces de sécurité israéliennes ont arrêté Abu Bakr quelques semaines plus tard. En juin, les militaires ont dit à sa famille qu’ils prévoyaient de démolir la maison.
Le service de sécurité du Shin Bet a déclaré en mai qu’Abu Bakr avait avoué avoir jeté la brique qui a tué Ben-Ygal. Il a été arrêté en même temps que plusieurs autres personnes qui se seraient trouvées dans le bâtiment à ce moment-là, et a avoué plusieurs semaines plus tard, selon l’agence de sécurité.
La famille d’Abu Bakr a porté l’affaire devant la Haute Cour cet été. En août, la cour a décidé – dans un jugement à deux voix contre une – que les militaires ne pouvaient pas raser toute la maison.
Les juges Menachem Mazuz et George Karra avaient décidé d’annuler la démolition, estimant que la femme d’Abu Bakr et ses huit enfants, qui n’ont pas participé à l’attaque, y vivent toujours.
La juge Yael Willner s’était, pour sa part, prononcée en faveur de l’application de cette destruction afin qu’elle serve de dissuasion contre de futures attaques contre les forces israéliennes opérant en Cisjordanie.
Menachem Mazuz avait écrit que « le grave préjudice causé à des membres innocents de la famille ne peut être ignoré – ceux à qui aucune implication dans l’attaque n’est attribuée ».
George Kara, en accord avec Mazuz, avait noté que « la justice sera rendue lorsque l’agresseur écopera de sa peine », mais que les conséquences de ses actes « ne doivent pas être rejetées sur ceux qui n’ont pas fauté ».
Yael Willner, quant à elle, avait cité « la gravité de l’acte… sa conséquence fatale et grave » ainsi que « l’utilisation faite de la structure où l’attaque a été menée » pour soutenir l’idée que l’ordre de démolir la maison était proportionnel au crime commis.
La décision avait été sévèrement condamnée par des responsables politiques et la famille de la victime, et avait relancé le débat sur les démolitions de maisons. L’armée soutient que cette pratique contribue à dissuader de futures attaques terroristes. Au fil des ans, un certain nombre de responsables de la défense israélienne ont mis en doute son efficacité et les militants des droits humains dénoncent une punition collective injuste. Elles sont généralement appliquées avant la condamnation.
La mère du soldat avait déploré la décision.
« Mon fils a encore été tué aujourd’hui », avait déclaré Nava Revivo à la Douzième chaîne. « Amit ne reviendra pas, mais que Dieu empêche que la même chose arrive aux prochains soldats. »
Dix jours après le verdict, le procureur général Avichai Mandelblit avait donné pour instruction aux procureurs de déposer une requête pour une nouvelle audience de la Cour suprême.
La semaine dernière, la présidente de la Cour suprême Esther Hayut, a rejeté la demande, avançant que, même en supposant qu’il y ait eu dans la décision originale une erreur d’interprétation du droit, une nouvelle audience ne pourrait avoir lieu qu’en cas d’adoption d’une nouvelle loi qui viendrait changer la situation législative.
Dans la mesure où aucune loi n’a été approuvée dans l’intervalle au sujet des démolitions des maisons des terroristes, Esther Hayut a noté le bien-fondé de la décision initiale prise par son panel de juges.
La requête, qui avait été officiellement déposée par le ministre de la Défense Benny Gantz et le commandant de l’armée israélienne en charge de la Cisjordanie, avançait que la Cour suprême avait émis une décision qui établissait un précédent juridique déraisonnable, non ancré dans la loi, laissant entendre que les démolitions pourraient être évitées si la famille de l’attaquant impliqué n’avait pas eu connaissance des agissements de ce dernier.
Mais la magistrate a rappelé que, depuis longtemps, les tribunaux évoquaient dans leurs jugements le degré d’implication des familles comme un élément à prendre en compte pour déterminer si une démolition ferait plus de mal que de bien. Elle a expliqué que ce jugement n’avait pas établi de précédent et qu’il était conforme aux décisions antérieures qui avaient pu être prises.
Esther Hayut a conclu en faisant part de sa compassion à la famille et aux amis d’Amit Ben Yigal.
Michael Bachner et l’équipe du Times of Israël ont contribué à cet article.