Plus de soldats haredi et de sanctions en cas de refus de servir, annonce un haut gradé
A la Knesset, le général de brigade Shay Tayeb a annoncé une forte hausse du nombre d'orthodoxes sous les drapeaux et appelé à durcir les sanctions en cas de refus de servir
Les capacités de Tsahal à donner leur place aux recrues ultra-orthodoxes devrait considérablement augmenter dans les années à venir, a déclaré aux députés le général de brigade Shay Tayeb, chef de la division de la planification et de la gestion du personnel de la Direction du personnel de Tsahal.
Tayeb a expliqué devant la commission de contrôle de l’État de la Knesset qu’au titre de cette année, l’armée israélienne pourrait admettre 4 800 recrues haredim, et 20 % de plus en 2026, pour un total de 5 700 conscrits.
A supposer que l’armée israélienne dispose des ressources nécessaires, elle sera prochainement en mesure d’accueillir les haredim « sans aucune restriction ».
Tous les Israéliens éligibles de plus de 16 ans, issus de la cohorte actuelle, recevront leur ordre d’incorporation. Cette année, plus de 10 000 ordres d’incorporation encore en suspens seront émis, a-t-il ajouté.
Ce chiffre semble s’ajouter aux 3 000 ordres d’incorporation déjà envoyés aux hommes haredim âgés de 18 à 26 ans l’été dernier, sachant par ailleurs que 7 000 ordres de plus ont été approuvées par le ministre de la Défense, Israel Katz, en novembre dernier.
L’armée israélienne a expliqué avoir procédé à l’envoi de ces 7 000 ordres.
Ces ordres sont la première étape du processus de sélection et d’évaluation de l’armée avant l’incorporation effective dans ses rangs pour l’année suivante.
A la Knesset toujours, Tayeb a indiqué que la semaine passée, 338 membres de la communauté ultra-orthodoxe s’étaient enrôlés en vue d’effectuer leur service obligatoire, 211 d’entre eux en tant que soldats de combat et 127, de soldats de soutien. Les soldats de combat se répartissent entre le bataillon Netzah Yehuda de la brigade Kfir (70 conscrits), la compagnie Tomer du bataillon Rotem de la brigade Givati (19), la compagnie Hetz du 202e bataillon de la brigade des parachutistes (19), l’unité de défense terrestre de la base aérienne de Nevatim (11), la police des frontières (35) et la Brigade hasmonéenne, la toute nouvelle brigade haredi de Tsahal (57).
À l’avenir, « des dizaines de milliers de membres de la communauté ultra-orthodoxe seront sous les drapeaux », a-t-il affirmé.
Tayeb a ajouté que l’armée avait besoin de près de 12 000 soldats de plus – 7 000 pour le combat – mais qu’elle ne pourrait accueillir que 3 000 soldats ultra-orthodoxes de plus cette année, en raison de leurs besoins religieux. Cet effectif complémentaire viendrait en plus des 1 800 soldats haredim mobilisés chaque année.
Toutefois, la plupart des hommes convoqués depuis l’été ne se sont pas enrôlés et, en novembre, l’armée israélienne avait émis 1 126 « mandats d’arrêt » à l’encontre de ceux qui ne se sont pas présentés aux centres d’intégration.
Selon Tayeb, 400 personnes sur les 10 000 ayant reçu un ordre d’incorporation se sont présentées aux centres d’intégration et plus de 70 sont désormais dans les rangs de l’armée israélienne.
Etre réfractaire à la conscription expose à la réception d’une « interdiction de sortie » – l’interdiction de quitter le pays – et, en cas de contact avec la police, à une interpellation.
Tayeb a fait valoir que les sanctions en cas de non-respect des ordres d’incorporation n’étaient « pas assez sévères » et devaient être durcies.
« En pratique, ceux qui enfreignent la loi ne font l’objet de sanctions que s’ils tentent de quitter le pays ou s’ils sont arrêtés par la police. Pour rendre ces sanctions plus efficaces, il faut qu’elles aient un effet sur la vie quotidienne des gens », a-t-il poursuivi.
En juin dernier, la Cour Suprême a pris à l’unanimité une décision sans précédent en obligeant le gouvernement à enrôler les étudiants ultra-orthodoxes des yeshivas, faute d’avoir reconduit dans les temps le cadre juridique leur octroyant depuis des dizaines d’années des exemptions générales du service militaire.
On estime actuellement à 67 000 le nombre d’hommes haredim éligibles au service : au sein de la coalition, les partis ultra-orthodoxes souhaitent la reconduction de la loi qui leur a, depuis toujours ou presque, accordé des exemptions générales, que ce soit du service militaire ou d’autres formes de service national.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, dont la majorité gouvernementale repose sur le soutien des partis Yahadout HaTorah et Shas, fait en sorte de répondre à leurs préoccupations tout en tentant de ménager une opposition politique et publique acharnée.
Le projet de loi relatif à l’enrôlement est actuellement bloqué au niveau de la commission des Affaires étrangères et de la défense de la Knesset dont le président, le député du Likud Yuli Edelstein, a indiqué que les besoins de Tsahal l’emportaient sur toute autre considération et que la commission reprendrait ses travaux législatifs sous réserve que les députés parviennent à un « large consensus » sur la question.
Dans un courrier adressé à Katz la semaine dernière, la procureure générale Gali Baharav-Miara a indiqué que tout projet de loi réglementant l’enrôlement des ultra-orthodoxes devrait comprendre un chapitre relatif aux sanctions personnelles encourues par les réfractaires.
Le principe de telles sanctions est violemment rejeté par les dirigeants politiques et religieux haredim, qui s’opposent à ce que les membres de leur communauté fassent l’armée, de crainte que cela ne les sécularise.
Selon le rapport du service du budget du ministère des Finances sur l’impact économique de ce projet de loi, un rapport que s’est procuré le Times of Israel, il est peu probable que le projet, en l’état actuel, entraîne une augmentation significative de l’enrôlement des ultra-orthodoxes.
Appelant à « l’application immédiate de sanctions économiques », le rapport du ministère explique que le moyen le plus sûr d’encourager la conscription des haredim consiste à la lier aux allocations perçues par ceux qui étudient à plein temps dans les yeshivas, aux subventions pour frais de garderie de leurs enfants, aux prestations de l’assurance nationale, aux avantages liés à l’achat d’un bien immobilier ou encore aux taxes municipales, sans oublier l’interdiction de passer son permis de conduire ou de voyager à l’étranger.
Le fait de tarder à prendre – voire de renoncer – au principe même de telles sanctions « nuirait considérablement » aux initiatives d’enrôlement, estime le ministère, deux mois après le retrait de l’ordre du jour de la Knesset d’un projet de loi destiné à contourner une décision de la Cour Suprême interdisant de verser des aides pour les frais de garderie des enfants d’hommes ultra-orthodoxes réfractaires à la conscription.
L’une des principales difficultés que posent les ultra-orthodoxes est leur besoin d’un environnement strictement religieux, sans compter leur fréquent refus de servir aux côtés de femmes.
L’armée israélienne a fait en sorte de mettre en place les infrastructures nécessaires à l’accueil de soldats au mode de vie ultra-orthodoxe et a annoncé dimanche que les 50 premiers soldats ultra-orthodoxes avaient rejoint le service régulier au sein de la toute nouvelle brigade haredi israélienne, connue sous le nom de Brigade hasmonéenne.
Opposés, dans leur grande majorité, à la conscription de membres de leur communauté qui bénéficiaient jusqu’alors d’exemptions, une majorité de Juifs ultra-orthodoxes, en Israël, estiment que la création d’unités militaires adaptées à leur sensibilité religieuse pourrait favoriser l’enrôlement.
Interrogé sur l’intérêt des partis ultra-orthodoxes envers la création d’autres unités haredi, un député de Yahadout HaTorah expliquait au Times of Israel, l’été dernier, que la mise en place d’environnements appropriés aux soldats haredi était une « question secondaire » à traiter une fois assuré le principe des exemptions pour les étudiants à temps plein des yeshivas.
Emanuel Fabian a contribué à cet article.