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Un amendement pour interdire la diffusion d’enregistrements sans consentement

Boaz Bismuth, nouvel élu du Likud et ex-rédacteur en chef d'Israel Hayom, est critiqué pour son idée qui empêcherait de démasquer les escrocs et les mensonges des politiciens

Le député du Likud, Boaz Bismuth, prenant la parole lors d'une réunion d'une commission de la Knesset à Jérusalem, le 17 janvier 2023. (Crédit : Olivier Fitoussi/Flash90)
Le député du Likud, Boaz Bismuth, prenant la parole lors d'une réunion d'une commission de la Knesset à Jérusalem, le 17 janvier 2023. (Crédit : Olivier Fitoussi/Flash90)

Un nouveau député du parti du Premier ministre Benjamin Netanyahu, le Likud, a lancé dimanche une initiative visant à interdire aux journalistes de diffuser des enregistrements de personnes sans avoir reçu leur consentement au préalable, suscitant une condamnation générale de la part des professionnels des médias qui craignent que leur travail ne soit entravé.

Les critiques, exprimées par la gauche et la droite, ont été exacerbées par le fait que l’auteur de la proposition, le député Boaz Bismuth, soit un ancien journaliste qui était, il y a un an encore, rédacteur en chef du quotidien Israel Hayom, très favorable à Netanyahu.

Le premier projet de loi de Bismuth en tant que législateur, officiellement déposé il y a deux semaines et rendu public dimanche, est un amendement à la loi sur la vie privée mettant à jour la liste des actions définies comme des violations de la vie privée. Sa proposition ajoute à la liste la publication d’un enregistrement qui comprend des « informations sensibles » sur une personne sans son consentement.

Les « informations sensibles » sont définies par la loi comme des informations sur la personnalité d’un individu, son état de santé, sa situation financière, ses opinions et ses croyances.

Le projet de loi de Bismuth prévoit que la publication de tels enregistrements – qui constituent généralement la base des reportages journalistiques sur les criminels et les hommes politiques – constitue un délit passible d’une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement.

« Dans l’ère technologique dans laquelle nous vivons, n’importe qui peut enregistrer une conversation au contenu sensible et la publier. L’amendement de la loi fera en sorte que la publication d’un tel enregistrement soit considéré comme une violation grave de la vie privée », a écrit Bismuth sur Twitter au sujet de sa proposition.

Dans l’explication écrite accompagnant son projet de loi, Bismuth a déclaré que la loi actuelle posait problème car « la capacité technologique d’enregistrer des conversations devrait être principalement utilisée pour préserver des informations à des fins privées, et non pour les publier d’une manière qui pourrait porter atteinte à la vie privée d’un individu ».

Les journalistes et les experts de l’ensemble du spectre politique, y compris les partisans inconditionnels du bloc de Netanyahu (droite, religieux et extrême-droite), ont condamné la proposition.

« M. Bismuth doit donner une explication à la pauvre femme âgée dont le technicien en génie climatique est venu chez elle et l’a escroquée d’une somme importante juste parce qu’elle ne comprend pas, ce qui a été exposé uniquement parce que nous sommes encore autorisés à faire notre travail », a tweeté Yossi Eli, journaliste de la Treizième chaîne. « Bismuth devrait regarder dans les yeux les parents qui viennent confronter l’enseignant de maternelle de leurs enfants qui est soupçonné d’avoir abusé de bambins. Un projet de loi honteux. »

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le rédacteur en chef d’Israel Hayom, Boaz Bismuth, s’exprimant lors du forum d’Israel Hayom, à Jérusalem, le 27 juin 2019. (Crédit : Gideon Markovitz)

Haïm Etgar, qui anime l’émission de télévision « Yatzata tzadik » ayant pour but de révéler aux consommateurs israéliens les escrocs qui sévissent en Israël, a déclaré que le projet de loi aurait empêché de découvrir de nombreux criminels qui ont été condamnés en raison d’actions révélées dans son programme.

Avraham Bloch, journaliste pour le site d’information de droite Srugim, a qualifié le projet de loi « d’anti-démocratique » et de « véritable honte ». « Comment allez-vous entendre parler des mensonges des politiciens, des méfaits des fraudeurs, de la découverte de pédophiles ou de personnes sans cœur qui volent les personnes âgées ? », a-t-elle ajouté.

L’Union des journalistes en Israël a déclaré qu’elle « rejette » le projet de loi, « qui limite la liberté journalistique et nuit au grand public ».

« Une partie de notre travail consiste à publier des enregistrements qui révèlent souvent ce que certaines parties préféreraient garder caché – des affaires louches de corruption, des crimes commis contre les faibles : enfants, personnes âgées et autres groupes marginalisés », a écrit le syndicat dans une déclaration.

« Donner à la personne enregistrée le droit d’approuver ou de rejeter un enregistrement est une récompense pour les personnes corrompues et les escrocs. Il est choquant et incroyable que ce soit le premier projet de loi déposé par quelqu’un qui a été pendant de nombreuses années un journaliste expérimenté et le rédacteur en chef d’un journal à fort tirage. »

Bismuth était journaliste depuis les années 1980, d’abord pour le quotidien Maariv puis pour Yedioth Aharonoth, voyageant dans des zones de guerre et dans des pays avec lesquels Israël n’avait pas de relations diplomatiques. De 2008 à 2017, il a été le journaliste des affaires étrangères d’Israel Hayom, puis il a occupé le poste de rédacteur en chef du quotidien gratuit pro-Netanyahu, surnommé « bibiton » (un mot composé du surnom de Netanyahu « bibi » et du mot « journal » en hébreu, « ïton ») jusqu’au début de 2022. Il était expert pour les informations de la Douzième chaîne et présentateur à la radio de l’armée jusqu’à ce qu’il décide d’entrer en politique en juillet dernier.

Netanyahu s’en prend depuis très longtemps à de nombreux organes de presse israéliens traditionnels, qu’il accuse de pencher à gauche et des griefs personnels à son encontre. En revanche, il a activement encouragé les médias qui mettent en avant ses opinions et qui le critiquent rarement.

Deux des trois chefs d’accusation de corruption portées contre le Premier ministre dans le cadre de son procès pour en cours concernent des accords de contrepartie présumés visant à intervenir dans la couverture médiatique pour la rendre plus positive à son égard.

A LIRE – Etat d’Israël vs. Netanyahu : détails de l’acte d’accusation du Premier ministre

Au fil des ans, les hommes politiques et les personnalités qui lui sont associées ont été la cible de nombreux enregistrements révélés par la presse, bien que des enregistrements aient également été utilisés contre des hommes politiques de tous bords.

Le ministre des Communications, Shlomo Karhi, assistant à une conférence sur le journalisme numérique, à l’université Reichman, à Herzliya, le 9 janvier 2023. (Crédit : Avshalom Sassoni/Flash90)

Dans un autre développement dimanche, le ministre des Communications, Shlomo Karhi, a lancé sa dernière mesure contre la chaîne publique israélienne Kan, qu’il vise à fermer ou du moins à affaiblir considérablement.

Karhi a envoyé une lettre aux dirigeants de Kan, demandant que la chaîne cesse d’exiger des paiements de la part des câblo-opérateurs en échange de l’utilisation de ses programmes et de son contenu d’archives, y compris dans les bibliothèques VOD.

« Les citoyens israéliens n’ont pas besoin de payer une seconde fois des contenus financés par le contribuable en frais d’abonnement », a tweeté Karhi.

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