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Un ancien réfugié juif syrien enflamme Instagram, dénonçant les stéréotypes et la haine

Avocat spécialisé dans les questions d'immigration, Abraham Hamra a séduit plus de 59 000 abonnés en utilisant son hébreu et son arabe, qu'il parle couramment, pour rapprocher les populations et lutter contre la désinformation

Abraham Hamra affronte un manifestant pro-palestinien à New York. (Autorisation)
Abraham Hamra affronte un manifestant pro-palestinien à New York. (Autorisation)

NEW YORK — Dans l’un de ses récents posts Instagram, alors qu’il regarde dans la direction de la caméra, Abraham Hamra dit : « A vous, les Arabes : que la paix soit avec vous. Beaucoup d’entre vous m’envoient des messages sur Instagram. Si vous vous adressez à moi calmement, si vous voulez me parler comme on parle à un être humain, je suis prêt à vous offrir une tasse de café… Si vous m’insultez, je vous insulterai. Je ne suis pas un Juif américain poli ».

Le reste du message – dont la traduction contient des propos susceptibles de heurter la sensibilité des plus jeunes – est encore plus fort et encore plus direct. Parce que, comme cet ancien réfugié juif originaire de Syrie le revendique lui-même, Harma est quelqu’un de « bruyant et de franc ».

« Les Syriens sont bruyants de façon générale. Si vous venez dans ma famille pour Shabbat, vous aller penser qu’on va finir par s’assassiner les uns les autres. Genre, on va s’entretuer, carrément. Et on le fait en arabe alors ça peut paraître un peu effrayant. Mais c’est ainsi que nous nous exprimons », déclare Hamra, assis dans la salle de conférence de son cabinet d’avocats situé à deux pas de la Bourse de New York, au Times of Israel.

Hamra, qui avait fui Damas avec ses parents et ses frères et sœurs en 1994, est avocat. Il est associé gérant chez Cohen, Tucker & Ades, un cabinet qui est spécialisé dans les questions d’immigration à Wall Street. Son travail quotidien consiste à aider ceux qui ont besoin d’obtenir des visas, mais avec plus de 59 000 abonnés, il est également devenu une star des réseaux sociaux, œuvrant à combattre l’antisémitisme et à contrer la désinformation sur le Moyen-Orient.

C’est vrai que d’innombrables défenseurs de la cause juive sont apparus sur les réseaux sociaux depuis le pogrom qui avait été commis par le Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre 2023. Mais Hamra se distingue non seulement parce qu’il a une audace particulière, mais aussi parce qu’il parle couramment l’hébreu et l’arabe – en plus de l’anglais. S’il avait commencé à poster des publications en 2021 – nous reviendrons là-dessus dans un instant – il raconte qu’il n’avait jamais diffusé de vidéo en arabe avant le 7 octobre.

« J’ai toujours tout fait pour me fondre dans la masse, même au sein de la communauté juive. Je ne voulais pas être perçu comme un étranger et je n’ai donc pas parlé arabe pendant très longtemps », explique-t-il. « Lorsque j’ai fait mon tout premier post en arabe, beaucoup de gens ont été surpris. Des amis m’ont appelé, choqués, pour me dire : ‘Nous savions que tu venais de Syrie, mais nous n’avions pas réalisé que tu parlais vraiment l’arabe’. »

Abraham Hamra dans son bureau de New York, février 2025. (Crédit : Cathryn J. Prince)

Des parents éloignés de Hamra se sont récemment rendus à Damas, leur ville natale, dans le cadre d’une petite délégation qui a cherché à renouer avec ses racines après la chute du régime de Bashar el-Assad.

« C’était émouvant de les voir revenir dans les anciens quartiers juifs », s’exclame Hamra. « J’espère que nous connaîtrons un jour une véritable paix qui nous permettra d’y retourner, nous aussi, et de les revoir ».

Hamra avait 7 ans lorsque sa famille avait quitté la Syrie, posant ses valises à Brooklyn. À l’époque, il restait environ 4 500 Juifs dans le pays. Hamra ne se souvient guère du départ en lui-même – il se rappelle qu’il courait dans les couloirs dans l’avion, bouillant d’impatience à l’idée de retrouver sa « tante cool ».

En revanche, il se souvient très bien de son enfance à Damas. Il y avait la maison de ses grands-parents à Hashi Basha, le quartier juif de la ville. Il y avait aussi le réfrigérateur blanc de ses grands-parents, celui dans lequel sa grand-mère entreposait la viande.

« On me criait souvent dessus à cause de ce réfrigérateur parce que je laissais la porte d’entrée de la maison ouverte et que les chats errants entraient et qu’ils essayaient de voler la viande », se rappelle-t-il.

Abraham Hamra, au centre, lors de sa fête d’anniversaire à Damas, en Syrie, au début des années 1990. (Autorisation)

Il a également de bons souvenirs du Shabbat. Il se souvient avec plaisir qu’il allait à la synagogue avec sa famille, et qu’ils organisaient ensuite un pique-nique dans les montagnes.

« On était là, assis – on vivait tout simplement, vous savez », dit-il.

Il a également des souvenirs moins agréables – il ne pouvait pas, par exemple, porter sa kippa en public parce que ses voisins palestiniens l’auraient harcelé, verbalement et physiquement. Et c’est en grande partie cet antisémitisme – couplé aux persécutions systématiques de la part du régime d’Assad – qui avaient poussé sa famille à partir aux États-Unis.

Il est temps de se positionner

Des souvenirs de persécutions qui ont refait surface en 2021, alors qu’il se promenait à Times Square.

Hamra venait de voir un groupe de trois hommes pro-palestiniens passant à tabac un homme juif. Ce dernier, Joey Borgen, se rendait à un rassemblement pro-israélien tandis que ses agresseurs s’apprêtaient à rejoindre une manifestation pro-palestinienne.

Les trois hommes avaient écopé d’une peine de prison pour cette attaque.

L’incident avait rappelé à Abraham Hamra son enfance en Syrie. A l’époque, il était âgé d’environ 4 ans et il se promenait avec sa mère.

« Un Palestinien, un gamin, a ramassé une pierre et il me l’a lancée à la tête. Ma mère s’est précipitée au commissariat de police. Ils sont venus, ils m’ont vu, ils ont vu le petit garçon qui m’avait agressé et ils ont vu sa mère. Tout ce qu’ils lui ont dit, c’est : ‘Ne recommence pas. Ce n’est pas gentil’, » se rappelle Hamra.

« Et voilà que la même chose arrive aujourd’hui aux États-Unis, le pays où ma famille a trouvé refuge », ajoute-t-il. « Je me suis dit que si je ne parlais pas, si je ne m’opposais pas, alors j’aidais, par mon silence, à la mise en place de la même situation que celle qui avait entraîné le départ de ma famille. Et j’ai donc pris la décision d’écrire des posts là-dessus ».

Depuis lors, Hamra a diffusé plus de 760 publications sur des sujets aussi variés que l’antisémitisme, les manifestations anti-Israël et antisémites sur les campus ou ses récents voyages en Israël, où il s’est rendu dans le village musulman de Ghajar, un village alaouite. Il partage aussi ses réflexions sur la solution à deux États – à laquelle il s’oppose.

« On aurait une sécurité et des services partagés – par exemple, l’éducation », indique-t-il, évoquant sa vision de la coexistence israélo-palestinienne. « Les choses seraient décentralisées. Par exemple, Gaza serait divisée en différentes zones, comme les Émirats, et chaque secteur aurait ses propres lois, jouissant d’une semi-autonomie. Mais il n’y aurait qu’un seul État – Israël ».

Il déclare que son opposition à la solution à deux États a amené certaines personnes à dire qu’il haïssait les Arabes.

« Je ne hais pas les Arabes. Avant tout, c’est la moitié de mon identité. La raison pour laquelle je me bats sur Instagram, la raison pour laquelle je peux sembler bruyant, vif et conflictuel, c’est parce que c’est quelque chose qui me préoccupe. Je me soucie de créer un environnement dans lequel nous pourrons coexister et vivre en paix », explique Hamra.

Abraham Hamra sur la place des Otages en Israël lors d’un voyage organisé par le ministère israélien des Affaires étrangères. (Autorisation)

Néanmoins, le fait qu’il soit « bruyant et direct » lui a coûté au niveau professionnel – lui offrant également des gratifications.

« Au mois de novembre, j’ai présenté mes excuses à ma conjointe après avoir réalisé que mes propos avaient fait perdre à notre entreprise environ 70 % de son chiffre d’affaires », dit Hamra. « Je voulais savoir ce qu’elle voulait faire et tout ce qu’elle m’a dit, c’est : ‘Hé, va donc voir notre site internet’. Elle avait pris l’initiative de mettre le drapeau israélien sur la page d’accueil de notre site avec la mention : ‘Nous sommes aux côtés d’Israël dans sa lutte contre le terrorisme’. »

Ce qui l’a le plus surpris au cours de ses quatre années de présence sur les réseaux sociaux, c’est que certains des échanges les plus virulents se sont parfois transformés en discussions courtoises.

« Les pro-Palestiniens s’en prennent à moi dans ma messagerie instantanée et un grand nombre d’entre eux arborent les pires symboles dans leur bio – comme des triangles rouges inversés. L’un d’entre eux était originaire de Syrie et je lui ai dit en arabe : ‘Tu crois que tu as le droit de contester ce que je suis en train de dire ? Regarde ce qui vous est arrivé en Syrie après avoir chassé les Juifs’. Je suis parti », raconte Hamra.

« Il m’a insulté, je l’ai insulté. Puis nous nous sommes calmés et nous avons commencé à parler de manière plus rationnelle. Je me suis rendu compte que je pouvais me lier à quelqu’un – même s’il m’insultait, même si je l’insultais – et qu’avec le temps, avec des rires, des plaisanteries, nous allions pouvoir peut-être faire la paix et vivre côte à côte », note-t-il.

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