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Un dissident juif russe emprisonné rappelle à Natan Sharansky son calvaire

L'ancien prisonnier de Sion, qui a écrit un livre sur son expérience de prisonnier du KGB dans l'ex-Union soviétique, dit craindre pour la vie de Vladimir Kara-Murza

L'activiste d'opposition russe Vladimir Kara-Murza sur le banc des accusés lors d'une audience au tribunal de Basmanny à Moscou, le 10 octobre 2022. (Crédit :  NATALIA KOLESNIKOVA / AFP)
L'activiste d'opposition russe Vladimir Kara-Murza sur le banc des accusés lors d'une audience au tribunal de Basmanny à Moscou, le 10 octobre 2022. (Crédit : NATALIA KOLESNIKOVA / AFP)

En attendant la prochaine audience de la Cour consacrée à son procès pour trahison, l’opposant russe Vladimir Kara-Murza a décidé de s’inspirer de l’esprit d’un homme qui avait vécu dans sa chair la même situation que celle qu’il connaît actuellement : Natan Sharansky.

Kara-Murza, 41 ans et père de trois enfants, qui risque aujourd’hui une condamnation à 25 années d’emprisonnement, est pourtant dans l’incapacité absolue de rencontrer ou de s’entretenir avec Sharansky, ancien politicien qui vit en Israël et qui figure parmi les prisonniers politiques de l’ex-Union soviétique les plus connus dans le monde.

Mais Kara-Murza, a dit son avocat, a eu droit à une compensation : les autorités carcérales l’ont autorisé à préserver une copie des mémoires de Sharansky, écrites en 1988, un livre où il narre son propre calvaire.

Sharansky, de son côté, reconnaît des similarités entre leurs histoires. L’ancien prisonnier de Sion, qui a passé neuf ans dans une prison russe parce qu’il était, de manière mensongère, accusé de trahison et d’espionnage, considère que le procès de Kara-Murza, qui a eu le malheur de critiquer l’offensive russe en Ukraine, « est la preuve que la Russie est revenue à l’ère de Staline ».

Dans les années 1970 et 1980, quand Sharansky avait été emprisonné pour avoir tenté d’immigrer au sein de l’État hébreu et, plus tard, pour sa défense des droits de l’Homme en général, les peines étaient déjà plus légères que les emprisonnements sous Staline, qui pouvaient durer des décennies, et « où on pouvait vous jeter au rebus pour l’éternité pour avoir osé exprimer une opinion impopulaire », a dit Sharansky au Times of Israel, lundi.

Le parquet russe accuse Kara-Murza, dont la mère est juive, d’avoir discrédité l’armée russe et il l’accuse aussi de trahison pour avoir critiqué la guerre en Ukraine, la répression du Kremlin à l’encontre des dissidents et pour avoir aussi critiqué Poutine. La police avait arrêté Kara-Murza le mois dernier – l’homme a aussi la citoyenneté britannique – peu après son retour d’un voyage en Europe où il avait participé à plusieurs débats fustigeant l’offensive de la Russie en Ukraine, lancée il y a un peu plus d’un an.

La peine réclamée par le parquet – 25 ans de prison – est inhabituelle même dans la Russie de Poutine, où le régime est accusé d’utiliser le système judiciaire pour réduire au silence ses opposants.

Les deux hommes s’étaient rencontrés en Israël il y a plusieurs années, quand Kara-Murza avait interviewé Sharansky, né en Ukraine, pour un article qui parlait de l’Histoire des droits de l’Homme en Russie. « J’avais constaté que c’était quelqu’un d’intelligent, de motivé, de capable », avait commenté Sharanksy à l’issue de leur rencontre. « Je constate maintenant que c’est également quelqu’un de très courageux ».

Le président de l’Agence juive de l’époque, Natan Sharansky, lors d’une réunion portant sur le renforcement des liens avec le monde juif à la Knesset, le 27 juin 2017. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90/File)

Kara-Murza et ses partisans racontent que l’activiste a survécu à deux tentatives d’empoisonnement – les autorités russes niant toute implication dans ces initiatives présumées. Des pétitions exigent sa libération, notamment une pétition qui a été rédigée par des dizaines de journalistes arabophones, certains d’entre eux vivant en Russie.

Les journalistes ont écrit dans leur pétition : « Nous considérons que les accusations lancées contre Vladimir Kara-Murza sont de nature politique. L’accusation de trahison dont il fait l’objet est particulièrement cynique. C’est grâce à Kara-Murza que les leaders politiques occidentaux ont réalisé que les politiques agressives menées par l’État russe relèvent de la responsabilité d’individus spécifiques et non de la responsabilité de tout le pays ou de toute sa population ».

Même avant la guerre, qui a amené les autorités de Poutine à restreindre encore davantage une liberté d’expression déjà limitée, Kara-Murza avait compris les risques qu’il prenait en s’exprimant contre le régime.

Kara-Murza avait fait ses premiers pas en politique en tant que protégé de Boris Nemtsov, ancien Premier ministre-adjoint devenu leader de l’opposition et qui, en 2015, avait été abattu à Moscou, quelques heures après avoir exhorté ses concitoyens à se rendre à un rassemblement contre l’implication de la Russie lors d’une invasion précédente de l’Ukraine. Avec son assassinat, le nom de Nemtsov – qui était Juif, lui aussi – était alors venu s’ajouter à la liste croissante de critiques de Poutine qui, ces dernières années, sont morts de cause non-naturelle ou ont été condamnés à de longues peines de prison, habituellement pour corruption, à l’issue de procès que les observateurs considèrent largement comme des simulacres de justice.

Comme le nom de ses mémoires de prisonnier, « Fear No Evil, » le suggère, Sharansky s’était focalisé sur la nécessité de se battre contre ses angoisses pour ne pas céder aux tentatives du KGB de le faire plier en tant qu’activiste des droits de l’Homme et ultérieurement en tant que prisonnier de Sion.

Mais il dit craindre le pire pour Kara-Murza, dont la santé s’est détériorée depuis les tentatives d’empoisonnement présumées dont il a été victime. « Ils veulent lui donner 25 ans mais, dans sa situation, même une année serait une condamnation à mort dans les faits, j’en ai bien peur », a confié Sharansky.

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