Israël en guerre - Jour 527

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Un ex-otage évoque la faim extrême dont il a souffert et ses adieux déchirants à un autre otage

Eli Sharabi, dont la femme et les filles ont été tuées le 7 octobre, dit avoir "adopté" Alon Ohel, inconsolable avant sa libération ; il raconte que les sévices du Hamas empiraient au gré des déclarations israéliennes

Eli Sharabi donne une interview à l’émission "Uvda" sur la chaîne N12, diffusée le 27 février 2025. (Capture d’écran, utilisée conformément à l’article 27a de la loi sur les droits d’auteur)
Eli Sharabi donne une interview à l’émission "Uvda" sur la chaîne N12, diffusée le 27 février 2025. (Capture d’écran, utilisée conformément à l’article 27a de la loi sur les droits d’auteur)

L’otage récemment libéré Eli Sharabi a expliqué, dans une longue interview télévisée diffusée jeudi, avoir été enchaîné, battu et affamé par les terroristes du Hamas tout au long des 16 mois qu’il a passé captivité. Il a raconté que les sévices infligés par le groupe terroriste empiraient encore lorsque ses ravisseurs savaient qu’Israël dégradait les conditions de détention des membres du Hamas capturés.

Sharabi a dit qu’il n’était « pas en colère », à l’évocation de la mort de sa femme et de ses deux filles, assassinées lors de l’attaque terroriste du 7 octobre 2023, mais dont il n’a appris le sort qu’au moment de sa libération.

Agé de 53 ans, cet homme qui a perdu 40 % de son poids en captivité, a par ailleurs parlé de ses relations très fortes, en captivité, avec Or Levy et Eliya Cohen, avec lesquels il a été détenu pendant plus d’un an, et surtout avec Alon Ohel, toujours aux mains du Hamas, sans oublier les quelques jours passés avec Hersh Goldberg-Polin, Ori Danino et Almog Sarusi, qui ont été assassinés par leurs ravisseurs.

« On savait ce qui se passait rien qu’à travers le comportement [des ravisseurs] », a expliqué Sharabi dans l’émission « Uvda » de la chaîne N12. « La manière dont les autorités s’exprimaient dans les médias avait une très grande importance », a-t-il dit.

« A chaque fois que quelqu’un faisait une déclaration irresponsable, nous étions les premiers à en faire les frais », a-t-il poursuivi. « Ils venaient et nous disaient : ‘Ils ne donnent pas à manger à nos prisonniers, donc vous ne mangerez pas. Ils battent nos prisonniers – donc nous allons vous battre. Ils ne les laissent pas prendre une douche – alors vous ne prendrez pas de douche’. »

Les propos de Sharabi rejoignent ceux d’un autre otage récemment libéré – Eliya Cohen –, qui a lui aussi dit que les déclarations du ministre de la Sécurité intérieure de l’époque, Itamar Ben Gvir, concernant la dégradation délibérée des conditions de détention des prisonniers palestiniens en Israël, avaient eu pour conséquences le durcissement des conditions de vie des otages israéliens à Gaza.

Au cours de cette interview d’une heure, diffusée jeudi soir, Sharabi a expliqué avoir été détenu durant 52 jours dans une maison, avec un otage thaïlandais, avant d’être transféré dans un tunnel où il a vécu à l’étroit, dans des conditions très difficiles, avec deux autres Israéliens et Alon Ohel, 24 ans, compagnon d’infortune avec lequel il a noué une relation très forte.

« Je l’ai immédiatement adopté », a dit Sharabi à propos d’Ohel. « 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Je sais tout sur lui et sa famille. »

Alon Ohel, capturé par des terroristes du Hamas le 7 octobre 2023 lors du festival du désert Supernova. (Crédit : Autorisation)

Sharabi a expliqué qu’ils se renforçaient mutuellement. Ohel a très mal pris le fait que Sharabi et les deux autres otages – Or Levy et Eliya Cohen – soient libérés, a-t-il ajouté.

Le jour de la libération de Sharabi et de Levy, le 8 février dernier, Ohel s’est agrippé à Sharabi, refusant de le lâcher. Un garde les a séparés, se souvient-il, au milieu d’une « très grande agitation » et il lui a fallu une quinzaine de minutes pour se calmer.

« Ce fut un moment très difficile », confie-t-il. « Il m’a dit qu’il était heureux pour moi. Je lui ai promis que je ne le laisserais pas tomber. Que je me battrais pour lui. Cohen a été libéré deux semaines plus tard, mais pas Ohel. »

« Je ne veux pas imaginer ce qu’il a vécu », a glissé Sharabi à propos du départ de Cohen. « Je ne veux pas l’imaginer. »

Il a expliqué donner cette longue interview au profit des derniers otages, de façon à s’assurer qu’ils reviennent – notamment Ohel. « Nous ne pouvons abandonner personne », a-t-il ajouté.

Sharabi a perdu 40 % de son poids

Sharabi a dit qu’un gardien particulièrement cruel, que les otages appelaient « l’ordure » – ils donnaient des surnoms à leurs différents ravisseurs pour pouvoir parler d’eux sans être compris – avait un jour appris que sa maison avait été détruite par une frappe aérienne israélienne.

« Je dormais le plus près de la porte et j’ai été le premier à prendre. Coups de pied et coups de poing dans les côte », se rappelle-t-il en précisant qu’Ohel, avec son corps, l’avait protégé de certains coups.

Sharabi, qui a perdu plus de 30 kilos en captivité – soit 40 % de son poids – et ne pesait plus que 44 kg à sa libération, a expliqué que les terroristes les détenaient tous les quatre enchaînés et les battaient ou les humiliaient, et que des mois durant, ils n’ont mangé qu’une assiette de pâtes par jour.

« Tant que ça dure un jour ou deux, ça va. Mais pendant six mois, c’est ce que nous avons mangé tous les jours. »

Il a dit que la douleur de la faim était insupportable et que le simple fait d’obtenir de leurs ravisseurs une datte sèche ou un petit morceau de pain était considéré comme une grande victoire.

« Les gens devraient penser à la chance qu’ils ont de pouvoir ouvrir leur réfrigérateur, chez eux. C’est une chance de pouvoir ouvrir un frigo », a-t-il déclaré.

« On en rêvait tous les jours. On ne pensait même plus aux coups, alors qu’ils nous battaient. Mais ils pouvaient bien me casser les côtes, je m’en fichais, tout ce que je voulais, c’était une autre moitié de pita. »

Sharabi a expliqué ce qu’ils faisaient quand ils avaient une pita : ils la coupaient en parts égales, n’y touchaient pas avant 22 heures, puis la mangeaient, bouchée après bouchée, en faisant durer chaque bouchée de 10 à 15 minutes, « pour que cela dure toute la nuit ».

Yossi Sharabi (à gauche) sur une photo non datée et (à droite) lors de sa libération par le Hamas dans la bande de Gaza le 8 février 2025 (Autorisation ; Eyad Baba / AFP)

Les opérations de sauvetage dans les tunnels sont « impossibles »

Lorsqu’on lui a demandé s’il avait espéré que quelqu’un vienne le sauver, Sharabi a répondu que « les premiers temps, les 52 premiers jours, quand j’étais dans une maison, j’aurais pu le faire moi-même », expliquant qu’il aurait pu prendre l’arme de son ravisseur, la nuit, et lui tirer dessus –mais qu’ensuite les chances de se mettre en sécurité étaient proches de zéro.

Il a ajouté que, durant cette période, il pensait constamment que l’on pourrait le sauver, mais qu’une fois « arrivé dans un tunnel, ils priaient pour que cela n’arrive pas ».

« Vous savez qu’avant même qu’ils arrivent, on vous aura mis une balle dans la tête. Il ne faut pas s’imaginer des sauvetages héroïques à l’intérieur des tunnels – la chance de sortir des gens vivants est nulle. C’est la raison pour laquelle on nous entrave les jambes », a-t-il expliqué.

« Pendant un an et quatre mois, j’ai eu les jambes entravées par des chaînes avec des verrous très, très lourds qui te rentrent dans la chair », a déclaré Sharabi..

Le 27 novembre 2023, on l’a donc conduit dans un tunnel dont il ne ressortira qu’à sa libération, a-t-il expliqué.

L’intérieur d’un tunnel à Khan Younès, dans le sud de Gaza, où le Hamas aurait détenu les otages, une image diffusée le 20 janvier 2024. (Crédit : Armée israélienne )

Des souvenirs de jeunes otages assassinés

Les premiers temps dans le tunnel, il a passé trois jours avec Hersh Goldberg-Polin, Ori Danino et Almog Sarusi, qui ont été assassinés par leurs ravisseurs en août 2024, quand l’armée israélienne opérait à proximité.

« Hersh nous avait dit quelque chose qui est resté, qui nous a donné de la force, et qui nous a permis de ne pas perdre l’espoir – cela faisait deux jours que je le connaissais quand il m’a dit cette phrase qui m’est restée : ‘Quand il y a un pourquoi, il faut toujours trouver le comment’. »

Lorsque les trois jeunes otages ont été emmenés ailleurs, a expliqué Sharabi, ses compagnons d’infortune et lui ont pensé qu’ils allaient être libérés sous peu.

« Je leur ai dit, vous êtes sur le chemin du retour. Je me souviens qu’Ori Danino m’a dit : Rendez-vous en Israël. Nous ne savions pas qu’ils les emmenaient en fait dans un autre tunnel. »

Sharabi a été enlevé le 7 octobre 2023 à son domicile du kibboutz Beeri. Il a expliqué qu’il n’avait aucun accès aux informations et qu’il n’avait appris la mort de sa femme et de ses deux filles, tuées par le Hamas lors du pogrom du 7 octobre 2023, qu’au moment de sa libération.

Eli Sharabi, à gauche, avec ses filles Yahel et Noiya Sharabi, tuées avec leur mère, Lianne Sharabi, le 7 octobre 2023, alors que leur père était pris en otage (Autorisation)

Son frère, Yossi Sharabi, a été enlevé puis tué en captivité, probablement victime collatérale d’une frappe aérienne.

Malgré la douleur, Eli a déclaré qu’il avait de la chance d’être en vie et d’avoir pu vivre avec sa femme Liane et leurs filles, Noiya et Yahel, ressortissantes israélo-britanniques.

« Je ne suis pas en colère », a-t-il dit. « J’ai eu de la chance d’avoir Lianne pendant 30 ans et j’ai eu de la chance d’avoir eu ces filles extraordinaires pendant des années. »

L’Israélo-Américain Keith Siegel, 65 ans, libéré le 1er février après 484 jours de captivité, a lui aussi tenu à faire entendre sa voix. Il a pris part à des réunions, cette semaine, avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le ministre du Logement Yitzchak Goldknopf, auxquels il a raconté sa captivité et demandé la libération des derniers otages de Gaza.

« En ce qui me concerne, l’histoire n’est pas terminée », a déclaré Siegel à Netanyahu, a indiqué le cabinet du Premier ministre au sujet de la rencontre de l’ex-otage libéré, de sa femme et de sa fille avec le Premier ministre et son épouse.

« Je suis revenu, mais j’ai la responsabilité, tout comme vous, de faire en sorte que tout le monde revienne. Nos amis sont là-bas et mon retour est difficile, sachant qu’ils sont toujours là. Je sais que vous faites beaucoup et que vous continuez à faire preuve de courage et de force », a déclaré Siegel.

« Je travaille sans cesse en faveur de la libération des derniers otages », a répondu Netanyahu. « Je n’ai l’intention de laisser personne. »

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu rencontre dans son bureau de Jérusalem l’ex-otage Keith Siegel le 27 février 2025. (Crédit : Maayan Toaf/GPO)

Face à Goldknopf, Siegel a expliqué avoir été déplacé d’un endroit à un autre à 33 reprises au moins au cours de ses presque 15 mois de captivité, y compris entre deux tunnels et deux écoles.

Le jour du 7 octobre 2023 – lorsque des milliers de terroristes dirigés par le Hamas ont envahi le sud d’Israël pour y tuer 1 200 personnes et faire 251 otages, ce qui a déclenché la guerre –, Siegel a été kidnappé chez lui, dans le kibboutz Kfar Aza, et conduit à bord de son propre véhicule jusqu’à la frontière avant d’être transféré dans un véhicule palestinien, une fois plus deux, au bout de quelque temps. Tout ce temps-là, ses yeux étaient couverts, a-t-il précisé.

« Nous sommes arrivés dans une maison qui donnait accès à un tunnel. Ils nous ont détenus dans ce tunnel pendant trois jours. Après, nous sommes ressortis pendant deux ou trois semaines avant d’être à nouveau emmenés dans un tunnel », se souvient-il à propos de ses premières semaines de captivité.

Le deuxième tunnel « était particulièrement profond – ils nous ont dit qu’il était à 40 mètres sous terre », a-t-il expliqué. « Il fallait faire 15 pas pour aller aux toilettes, sans air. On était constamment essoufflé, avec des douleurs et une sensation de pression au niveau de la poitrine. »

L’otage libéré Keith Siegel retrouvant ses trois filles, à l’hôpital Ichilov, le 1er février 2025. (Crédit : Armée israélienne)

« Ils nous laissaient seuls après 17 heures environ jusqu’au lendemain, 8 heures du matin. S’il nous était arrivé quelque chose là-bas, nous n’aurions eu personne à qui parler », se souvient Siegel. « Les ravisseurs nous disaient : ‘S’il y a un problème, venez dans les escaliers et appelez-nous.’ »

« Une nuit, alors que ma femme était encore détenue avec moi » – Aviva Siegel a été libérée en novembre 2023 à la faveur d’un précédent accord « cessez-le-feu contre otages » –, « d’autres otages qui se trouvaient avec nous se sont sentis mal, ils avaient besoin de médicaments », a-t-il déclaré.

« Nous sommes allés là-bas, nous les avons appelés, mais personne n’est venu, et nous avons laissé tomber. Le lendemain matin, les terroristes sont arrivés. Pour sortir de ce tunnel, ce fut toute une histoire, un mélange d’escaliers de fortune et d’escalade. »

« Nous sommes sortis du tunnel par miracle, tous les trois épuisés et déshydratés. On nous donnait très peu d’eau ou de nourriture », a-t-il dit.

Des terroristes armés du Hamas escortant l’otage israélo-américain Keith Siegel avant de le remettre à une équipe de la Croix-Rouge, dans la ville de Gaza, le 1er février 2025. (Crédit : Omar aL-Qattaa/AFP)

La première phase du cessez-le-feu, qui en compte trois, se termine normalement samedi, alors que 59 otages – dont au moins 35 morts confirmés par l’armée – se trouvent toujours dans la bande de Gaza. L’issue de cet accord est incertain et les responsables israéliens se sont, à plusieurs reprises, dits prêts à reprendre les combats si nécessaire pour chasser le Hamas du pouvoir.

Gadi Mozes a dit au Premier ministre : « Chaque jour compte »

Gadi Mozes, 80 ans, libéré le 30 janvier dernier au bout de 482 jours de captivité, a lui aussi demandé des mesures pour obtenir la libération des derniers otages à Gaza, dans une vidéo publiée par le Forum Haim sur les familles d’otages.

Gadi Mozes, 80 ans, entouré de terroristes armés au moment de sa libération, à Khan Younès, à Gaza, le 30 janvier 2025. (Crédit : Réseaux sociaux)

« Je suis revenu vivant ; mais pour ceux qui sont encore là-bas, chaque jour de plus augmente le risque qu’ils ne reviennent pas, qu’ils meurent », a-t-il déclaré.

« J’ai beaucoup souffert là-bas. J’ai subi des épreuves de toutes sortes, des mauvais traitements aussi bien psychiques que physiques. »

« Je me tourne vers vous, Monsieur le Premier ministre, chaque jour compte ici », a déclaré Mozes. Il a poursuivi en remerciant les soldats israéliens, à la fois ceux qui sont morts au combat – auxquels il a rendu hommage et dit à leurs proches qu’ils « partageaient leur douleur » – et les blessés, « qui ont également risqué leur vie pour me sauver, moi et mes compagnons, et le pays tout entier ».

Mozes a dit sa détermination à faire campagne pour la libération des derniers otages et mettre en oeuvre la reconstruction du kibboutz Nir Oz.

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