Un journal ultra-orthodoxe floute les femmes sur des photos d’Auschwitz
L'hebdomadaire anglophone Mishpacha, est accusé d'"effacer la mémoire" des femmes victimes de l'Holocauste. Il affirme qu'il s'agit d'une "erreur regrettable"
Un magazine populaire ultra-orthodoxe de langue anglaise a été critiqué pour avoir brouillé les visages des femmes sur une photo de la libération d’enfants d’un camp de la mort nazi. Le journal a dit que c’était une erreur, mais n’a pas remplacé la photo dans la version en ligne.
L’hebdomadaire Mishpacha, largement lu dans les communautés en Israël et aux États-Unis, a publié la semaine dernière un article sur les survivants des expériences horribles menées par le médecin d’Auschwitz Josef Mengele sur les jumeaux juifs. Mais dans une photo d’un jumeau survivant lors de la libération du camp en 1945, les têtes de deux femmes ont été pixelisées.
Les journaux ultra-orthodoxes en Israël, y compris la version hébraïque de Mishpacha, ont une politique controversée qui consiste à ne pas publier de photos de femmes. Cette politique a provoqué l’indignation internationale à plusieurs reprises, notamment lorsqu’un journal a retouché l’image d’Hillary Clinton à partir d’une photo du personnel de la Maison Blanche.
https://twitter.com/Daniel_Sugarman/status/957663130204758021?ref_src=twsrc%5Etfw&ref_url=https%3A%2F%2Fwww.timesofisrael.com%2Fultra-orthodox-paper-slammed-for-blurring-out-woman-in-auschwitz-photo%2F
Le floutage des femmes dans les camps nazis dans une publication anglaise a heurté, tout comme le fait que seule la photo du jumeau masculin a été publiée avec l’article (sa sœur a également survécu, et a été interviewée par Mishpacha).
Shoshanna Keats Jaskoll, résidente de Beit Shemesh et fondatrice de l’organisation religieuse de femmes, Chochmat Nashim, a publié dimanche sur Facebook que le journal la « dégoûte complètement » et que son personnel devrait avoir « honte ».
Pour Keats Jaskoll, la pixelisation des femmes équivalait à effacer leur mémoire.
« Si c’est une victime nazie, vous l’avez tuée une seconde fois, si c’est une survivante de l’Holocauste, vous avez fait ce que les nazis n’ont pas réussi à faire, et si c’est une libératrice, vous avez profané son nom », a-t-elle ajouté.
`@mishpacha you are BEYOND THE PALE. How dare you pixelate the face of a woman murdered in the Holocaust? How dare you erase her memory like her life was erased? You call this holy? Its desecration. You absolutely disgust me. You disgrace to their memory.
— Shoshanna Keats Jaskoll (@skjask) January 28, 2018
Un rédacteur en chef de Mishpacha a déclaré que l’incident était une erreur qui provenait du fait que l’article a été traduit de la version hébraïque.
« L’image n’a pas été pixelisée par nous : nous ne l’aurions pas fait – en fait, dans le même article sur la même page, on voit clairement une photo d’une jeune fille », a écrit Sruli Besser sur Facebook.
« L’article était une traduction de la version en hébreu de Mishpacha, qui suit différentes directives et normes : ils l’ont floutée, conformément à leurs politiques. Une des graphistes qui travaillait sur l’article l’a remarqué. Elle a expliqué que la pixelisation avait été faite pour une autre raison – non pas à cause du sexe, mais à cause d’une sensibilité différente, et qu’en tant que telle, elle pouvait être gardée dans la version anglaise ».
« Son erreur bien intentionnée était que l’image avait été « floutée » pour protéger la dignité du sujet. Ce n’était pas le cas. La blessure qui en résulte le prouve. Cela me révulse de voir une image avec le visage sacré d’un survivant retouché. »
Cependant, l’article, qui a été publié sur le site web du magazine le 24 janvier, contenait toujours la photo floutée cinq jours plus tard, après avoir provoqué l’indignation et après la déclaration de Besser.
Mishpacha a qualifié l’incident de « regrettable », mais a soutenu la politique générale de s’abstenir de publier des images de femmes.
« Le judaïsme ultra-orthodoxe commémore les six millions de martyrs assassinés durant l’Holocauste en gardant une grande tradition de croyance dans le Créateur et en menant une vie de Torah et de bonnes actions », a déclaré le journal, selon le site d’information en hébreu Ynet.
« Comme tous les médias ultra-orthodoxes, nous respectons les règles établies par les leaders rabbiniques il y a 70 ans de ne pas publier des photos de femmes, mais nous le faisons d’une manière respectueuse et normalement, nous ne floutons pas les visages. Publier ladite photo en floutant les visages qui y apparaissent est une erreur regrettable », a ajouté Mishpacha.
Mais le rabbin Shmuel Pappenheim, ancien rédacteur en chef de HaEdah, un journal interne Haredi, a affirmé en 2014 que le retrait des photos de femmes et même de leurs noms était un phénomène récent, quelque chose qui n’a commencé « que ces dernières années ».