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Un néo-nazi français jugé à Paris pour avoir rédigé un manifeste terroriste

Dans son texte diffusé en ligne, Dominique Dayma, 47 ans, fait l’apologie du racisme, de l’antisémitisme, de la violence et incite ses lecteurs à "commencer la guérilla"

Le tribunal correctionnel de Paris, en janvier 2011. (Crédit : Loïc Venance/AFP)
Le tribunal correctionnel de Paris, en janvier 2011. (Crédit : Loïc Venance/AFP)

Lors des récents coups de filet menés dans les milieux de l’ultradroite française, un profil a émergé, celui « d’accélérationnistes », une nébuleuse transnationale qui prône la violence et la suprématie blanche.

Dominique Dayma, 47 ans, un jardinier de la ville de Montauban (sud-ouest), est l’un d’eux.

Le quadragénaire comparaît ce jeudi et vendredi devant le tribunal correctionnel de Paris pour avoir prôné sur la messagerie cryptée Telegram la guérilla et l’élimination de différentes populations.

Dominique D., « c’est ‘Monsieur tout le monde’, un peureux, isolé socialement et angoissé par l’actualité », décrit son avocate Séverine Lheureux. « Ce survivaliste s’est construit un personnage en ligne », assure-t-elle. « Et il ne s’est rendu compte qu’à la lumière crue des néons de la DGSI (Direction générale de la Sécurité intérieure) de la portée de ses publications » qui appelaient à la violence pour provoquer l’effondrement de la société.

« Ce qui me préoccupe maintenant, c’est que j’espère que personne ne va être inspiré par ce que j’ai écrit », dit aujourd’hui l’homme, écroué depuis novembre 2021 à la prison de la Santé à Paris, qui a rédigé un manifeste terroriste d’extrême droite qu’il a diffusé en ligne.

Dans celui-ci, il fait l’apologie du racisme, de l’antisémitisme, de la violence et incite ses lecteurs à « commencer la guérilla » et à se procurer des armes pour perpétrer « des assassinats ciblés ». Il donne aussi des conseils de dissimulation, expliquent les enquêteurs, précisant notamment que « les réseaux sociaux peuvent être utiles afin de présenter une vie lisse et sans histoire » – comme celle de Dominique Dayma avant son interpellation, lui qui avait fait l’objet d’un portrait du journal La Dépêche en 2016, en tant que jardinier municipal. Ses rares proches assurent n’avoir rien constaté dans sa radicalisation.

Le portrait du journal « La Dépêche » consacré à Dominique Dayma en 2016. (Crédit : Capture d’écran La Dépêche)

Dans ses nombreux posts sur Telegram, outre prôner le meurtre des « nègres », des « Arabes », des « communistes » et des « Juifs » et glorifie les terroristes d’extrême droite Brenton Tarrant et Anders Breivik, qualifiés de « saints ».

Une cinquantaine d’armes – revolvers, fusils à pompe et autres – ont été retrouvées chez lui, certaines envoyées par la Poste par un homme, Didier B., adhérent RN vivotant du RSA et de son trafic, qui se retrouve aussi sur le banc des prévenus, pour vente illégale d’armes.

« Mon client avait développé une sorte de ‘syndrome de Diogène’ des armes », a expliqué à Libération Me Séverine Lheureux, qui défend le principal accusé, M. Dayma. « Il les accumulait plus qu’il ne les collectionnait. » Selon elle, son client avait ainsi amassé un tel stock car il vivait dans « une crainte perpétuelle des attentats islamistes » et « le fantasme d’une guerre civile à venir ». Ses publications relèveraient elles d’une « fascination pour la violence extrême », « d’une passion pour le survivalisme » et d’un engouement lié au fait qu’il avait développé autour de lui une petite communauté, comptant une centaine de fidèles.

Accusé de « provocation à l’action terroriste, apologie publique d’actes terroristes et détention illégale d’armes et de ‘matériel de guerre’ en relation avec une entreprise terroriste », Dominique D. encourt jusqu’à sept ans de prison et 100 000 euros d’amende.

Pendant son audition, parlant de « guerre civile » ou « ethnique » qu’il attend et de « grand remplacement », l’homme a assumé son adhésion à la doctrine nationale-socialiste et au négationnisme. Il se serait mis à créer du contenu haineux suite aux recommandations diffusées sur Internet par le rappeur et YouTubeur d’extrême droite Kroc Blanc.

Si de nombreux contenus racistes et violents ont été retrouvés lors de la fouille de son matériel informatique, l’instruction n’a néanmoins pas identifié de préparatif d’attentat pas plus que de complices. Elle a tout au plus établi des achats auprès du site « Bibliothèque Dissidente » qui serait animé par Lucas S., lui-même mis en examen en décembre 2021 pour apologie du terrorisme.

Mais la présence d’une certaine littérature atteste selon l’accusation d’une adhésion à l’accélérationnisme, mouvance structurée aux États-Unis et dont l’audience sur des plateformes transnationales est croissante.

En France, selon une source sécuritaire, « le noyau dur comporte environ 200 personnes », dont « quelques dizaines » pourraient passer à l’acte.

En Allemagne depuis 2018, il y a eu au moins cinq groupes et plusieurs individus prêts à commettre des attentats imputables à l’accélérationnisme, selon le Centre de recherche CeMAS. Le chiffre est anecdotique au regard des plus de 13 500 personnes du spectre de l’extrême droite allemande potentiellement violentes, selon l’Agence fédérale du renseignement intérieur.

Mais « on assiste à une banalisation de ces idées, qui circulaient avant à travers des brochures dans des cercles d’initiés, et sont diffusées aujourd’hui sur Internet », dit Stéphane François, politologue spécialiste des droites radicales.

Des ouvrages servent de socle. Ceux notamment de William Pierce, qualifiés de « Bible des suprémacistes blancs » par le FBI (Bureau fédéral d’enquête américain), ou Siège du néo-nazi américain James Mason.

Des policiers devant une propriété à Francfort fouillée lors d’un raid contre une cellule d’extrême droite à Francfort, en Allemagne, le 7 décembre 2022. (Crédit : Boris Roessler/dpa via AP)

Catalyseurs

« L’idée de l’accélérationnisme est de pousser les citoyens à réagir, de pousser les immigrés à basculer dans la violence » et provoquer « une guerre civile », explique Stéphane François.

Cette stratégie de la tension n’est pas nouvelle, relève-t-il. On la retrouve lors des « années de plombs » en Italie (1960-1980) ou lors de la Guerre froide dans les réseaux « stay-behind », ces structures clandestines anti-soviétiques de l’OTAN prétendument alliées à des groupes terroristes.

L’accélérationnisme a d’abord été popularisé par la gauche radicale.

En 2013 dans un manifeste, deux doctorants britanniques, Alex Williams et Nick Srnicek, invitent à « accélérer » le rythme du capitalisme pour le mener à sa perte, mais sans violence et dans une optique de justice sociale.

Puis des penseurs tel que le néolibéral britannique Nick Land – partisan d’un démantèlement de toute forme de contrôle de l’État pour instaurer une société fasciste –, ont tiré le concept vers la droite et fait de la violence un moyen d’action.

Des évènements ont aussi servi de catalyseurs, tels les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis et ceux de 2012 et 2015 en France. La pandémie de COVID-19 a amplifié leur recrutement sur Internet qui était déjà un « incubateur pour militants accélérationnistes », selon Tech Against Terrorism, projet soutenu par les Nations unies.

Selon cette source, le forum Iron March, opérationnel de 2011 à 2017, a « facilité le développement d’un groupe d’entités militantes néofascistes qui sont devenues l’épine dorsale du réseau accélérationniste transnational contemporain ».

« La grande majorité de ces entités ont eu une courte durée de vie du fait des suspensions de chaînes par les modérateurs de Telegram », relève Tech Against Terrorism.

Certaines restent actives, à l’instar du groupe américain héritier de l’Atomwaffen Division dont le cofondateur a été arrêté le 6 février, soupçonné d’avoir voulu attaquer des transformateurs électriques.

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