Israël en guerre - Jour 370

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Reportage

Un Robin des Bois moderne aide les évacués en Israël à prendre un nouveau départ

Durant la guerre, Social Delivery collecte les excédents non désirés auprès des détaillants et des start-up et distribue les biens aux localités bordant Gaza

Sharon Wrobel est journaliste spécialisée dans les technologies pour le Times of Israel.

Les bénévoles et les coordinateurs de l'entrepôt de Social Delivery aidant à déballer et à trier les biens commerciaux excédentaires collectés auprès d'entreprises et d'organisations,à Beit Shemesh. (Crédit : Autorisation)
Les bénévoles et les coordinateurs de l'entrepôt de Social Delivery aidant à déballer et à trier les biens commerciaux excédentaires collectés auprès d'entreprises et d'organisations,à Beit Shemesh. (Crédit : Autorisation)

Micah Elimelech et Emanuel Norman, deux guides touristiques expérimentés qui se sont retrouvés au chômage depuis le début de la guerre contre le groupe terroriste palestinien du Hamas il y a plus de huit mois, se portent aujourd’hui volontaires pour aider à reconstruire une nouvelle réalité pour les personnes évacuées qui rentrent chez elles dans leurs communautés situées le long de la frontière de Gaza.

Au volant d’un camion, ils déposent tôt le matin des meubles de cuisine offerts par un bureau local du géant américain de la technologie IBM pour les habitants du kibboutz Kfar Aza, où les terroristes du Hamas ont assassiné près de 80 personnes – un habitant sur dix – et en ont enlevé 18 autres le 7 octobre dernier. La prochaine étape pour les chauffeurs bénévoles est Yakhini, un moshav situé à un peu moins de 6,5 km de la frontière avec Gaza.

Le 7 octobre, lorsque des milliers de terroristes du Hamas ont envahi le sud d’Israël, assassinant près de 1 200 civils et enlevant 251 personnes dans la bande de Gaza, des éléments armés du Hamas à pied ont également parcouru Yakhini, tirant sur les personnes dans les rues et autour de leurs maisons.

Huit mois plus tard, alors qu’ils arrivent en voiture à Yakhini, Elimelech et Norman entendent les bruits de guerre en provenance de Gaza et voient les nuages de fumée s’élever au-dessus de la ligne d’horizon de la bande de Gaza. Ils font partie d’un groupe de volontaires qui ont un permis de conduire des bus et ont été recrutés par une organisation non gouvernementale qui collecte des biens de consommation neufs, allant des vêtements aux meubles, qui seraient autrement mis au rebut, et les livre directement aux communautés et aux organisations à but non lucratif destinées aux populations vulnérables.

Avec l’éclatement de la guerre, Social Delivery, une ONG spécialisée dans la logistique et le respect de l’environnement, a rapidement changé de vitesse et est passée en mode d’urgence en mobilisant les meilleurs détaillants, les entreprises high-tech et les bénévoles avec pour mission de devenir le principal fournisseur de biens excédentaires pour les personnes touchées par l’assaut barbare du Hamas qui a contraint des centaines de milliers de personnes à abandonner leurs foyers.

Depuis le 8 octobre et pendant les trois premiers mois de la guerre, Social Delivery a travaillé six jours par semaine avec les communautés et les coordinateurs des évacués pour livrer des camions remplis de produits de base tels que des couches, des sous-vêtements, des chaussettes, des serviettes, des vêtements de grande taille et des produits d’hygiène personnelle, dont le besoin était criant, directement aux hôtels de la mer Morte, d’Eilat et de Tibériade qui accueillent les familles déplacées, ainsi qu’aux centres de bénévolat dans les communautés du sud, à proximité de la frontière de Gaza.

Micah Elimelech (à gauche) et Emanuel Norman, chauffeurs bénévoles d’un camion expédiant du mobilier de bureau collecté par Social Delivery aux résidents de retour de la communauté de moshav Yakhini, à la frontière de Gaza. (Crédit : Sharon Wrobel/Times of Israel)

Au cours des derniers mois, le mandat de l’initiative sociale a été de distribuer des biens excédentaires collectés auprès d’entreprises dans la région de Shaar HaNegev, alors que les communautés touchées par la guerre dans la région reconstruisent et réhabilitent leurs espaces publics et communautaires avec le retour des personnes évacuées.

« Nous sommes une sorte de Robin des Bois moderne, nous prenons aux entreprises, aux détaillants et aux sociétés de haute technologie les surplus pour les transférer là où il y a pénurie ou besoin – mais nous ne sommes pas une organisation de tzedakah [acte de charité] », a déclaré Tomer Shemesh, fondateur et PDG, au Times of Israel, alors qu’il se rendait à Yakhini pour aider à l’acheminement de la cargaison de marchandises. « Lorsque nous avons demandé des conseils psychologiques sur ce dont les personnes évacuées auront besoin lorsqu’elles rentreront chez elles, on nous a répondu : un changement par rapport à cette journée ou période noire, qu’il s’agisse de l’aspect de leur maison ou de leur communauté ou simplement d’un changement de vêtements. »

Le camion qui arrive à Yakhini livre des meubles récupérés dans des bureaux high-tech qui changent généralement d’intérieur et de matériel électrique tous les deux ou trois ans, ou qui sont en train de refaire leurs espaces. Parmi les articles nécessaires qui ont été coordonnés directement avec le moshav, on trouve des tables et des chaises pliables blanches, des fauteuils confortables rouges et jaunes, des écrans d’ordinateur, des commodes, un lave-vaisselle et un réfrigérateur.

Le mobilier et le matériel électrique serviront à un centre de jeunesse et d’apprentissage qui doit être rénové après avoir été transformé en base militaire du jour au lendemain, lorsque la guerre a éclaté.

Outre les champs, les cultures horticoles et les fermes laitières, Yakhini est également un village d’étudiants, puisque le moshav accueille des étudiants du collège académique Sapir, situé à proximité.

« Nous voulons revenir dans un endroit meilleur après ce que nous avons vécu depuis le 7 octobre », a déclaré Shiran Gad Saad, une habitante de Yakhini, au Times of Israel.

Éclatant en sanglots, cette infirmière de 40 ans a raconté comment, en ce Shabbat noir, les terroristes du Hamas se sont rendus directement au domicile de son frère, le coordinateur de la sécurité militaire du moshav – qui se trouvait à l’étranger à l’époque – et ont tué son neveu, l’une des sept personnes assassinées à Yakhini.

Yehonatan Hagbi, 18 ans, se trouvait sur le balcon de la maison de ses grands-parents le 7 octobre lorsqu’il a été abattu par des terroristes d’une balle dans la poitrine. Pendant au moins deux heures, sa famille a tenté de le sauver – aucune ambulance ou équipe de secours n’était en mesure d’arriver – jusqu’à ce qu’il succombe tragiquement à ses blessures en se vidant de son sang.

Shiran Gad Saad, coordinatrice de l’entrepreneuriat communautaire du moshav Yakhini. (Crédit : Sharon Wrobel/Times of Israel)

« Il est encore si difficile d’assimiler […] que pendant deux heures nous avons attendu, et que nous aurions pu lui sauver la vie pendant ce temps », a regretté Gad Saad. « Je ne cesse de me demander quand je pourrai raconter cette histoire sans fondre en larmes. »

Après avoir été confinée dans l’abri anti-atomique pendant plus de 30 heures, Gad Saad a dû abandonner sa maison et vivre dans une chambre d’hôtel à Jérusalem avec son époux et leurs quatre enfants âgés de 3 à 14 ans, alors que les combats faisaient rage à Gaza. La quasi-totalité de la communauté, qui compte environ 700 habitants, a été déplacée, la plupart séjournant avec leurs familles dans des hôtels à Jérusalem, à Kfar Maccabiah à Ramat Gan et à Eilat.

Gad Saad est rentrée chez elle au début du mois de mars, près de six mois après l’invasion de la communauté frontalière de Gaza par les terroristes du Hamas. Depuis lors, environ 95 % des habitants de la communauté sont retournés à Yakhini.

« Nous avons eu l’impression de passer six mois en prison sans avoir commis le moindre délit », a raconté Gad Saad. « Après avoir réintégré le moshav, nous rénovons de nombreux bâtiments pour la communauté et ses habitants. »

Gad Saad, qui a déclaré que jusqu’à présent, elle n’avait pas pu reprendre son travail d’infirmière aux urgences, a assumé le rôle de coordinatrice de l’entrepreneuriat communautaire pour le moshav.

« Ce qui est important maintenant, c’est de créer et de préserver une vie communautaire pour qu’ils se sentent à l’aise et qu’ils soient encouragés à sortir de chez eux et à se rencontrer, que ce soit dans des espaces communs, au terrain de jeu ou en améliorant les espaces verts », a souligné Gad Saad. « Grâce aux fonds que nous avons reçus, en partie des fédérations juives des États-Unis, nous élaborons des plans pour des projets dans les domaines de l’éducation, de la culture, de la jeunesse et des personnes âgées. »

L’un des projets est la rénovation du centre de jeunesse, qui sera dédié à feu Yehonatan, qui était également conseiller à Bnei Akiva pour des dizaines d’enfants.

Le gouvernement israélien a créé l’Autorité Tekuma pour reconstruire et développer les communautés le long de la frontière de Gaza, mais Shemesh et Gad Saad déplorent que la procédure bureaucratique et la lenteur du processus de réception de l’aide rendent difficile une réponse rapide aux besoins immédiats.

Tomer Shemesh, fondateur de l’ONG Social Delivery, aide à décharger un lave-vaisselle livré à la communauté de Moshav Yakhini. (Crédit : Sharon Wrobel/Times of Israel)

« Le gouvernement ne sait pas comment parler à un entrepreneur comme nous le faisons et nous ne travaillons pas à la même vitesse », a déclaré Shemesh. « Le temps que le gouvernement fasse des recherches sur les besoins des sinistrés, nous avons déjà apporté une solution ou répondu aux besoins. »

L’entrepreneur social a fièrement raconté que dans les 24 heures suivant la réception d’une demande du ministère de l’Éducation, l’ONG a transporté du mobilier et des fournitures scolaires depuis des écoles désertées dans des communautés de la région proche de Gaza vers des écoles temporaires à Eilat et dans la région de la mer Morte pour les élèves évacués.

Fondée en 2018 par Shemesh, 45 ans, et le président Raanan Dinur, qui était le directeur-général du bureau du Premier ministre pendant la Seconde Guerre du Liban, Social Delivery est soutenue par Taavura, un groupe israélien de transport routier et de logistique, qui fournit une flotte de six camions pour ramasser les biens excédentaires non désirés de plus de 220 détaillants et entreprises high-tech à travers le pays et les livrer à la demande.

Ancien directeur des opérations de Leket Israël, la banque alimentaire nationale qui récupère les denrées alimentaires qui seraient autrement gaspillées pour les distribuer aux personnes dans le besoin, Shemesh a appliqué le concept de redistribution à n’importe quel bien de consommation.

« Les entreprises israéliennes veulent faire des dons, il y a beaucoup de bonne volonté, mais elles ne savent pas comment s’y prendre », a expliqué Shemesh. « Je n’ai jamais terminé mes études secondaires, je ne lis pas de livres, mais je sais comment relier les points de manière ingénieuse, trouver des solutions et résoudre les problèmes sans abandonner. »

« Nous sommes une chaîne logistique à guichet unique, depuis les commandes que nous recevons jusqu’à la mise en place d’un processus transparent pour les entreprises, qui sont heureuses de savoir que leurs excédents sont pris en charge et qu’ils ne sont pas jetés à la poubelle ou ne finissent pas dans des décharges », a-t-il fait remarquer.

En collaboration avec des entreprises et des organisations, Social Delivery récupère souvent des surplus de marchandises neuves des saisons précédentes ou des articles qui sont retournés et ne peuvent pas être revendus. Parmi les principaux détaillants qui font don de leurs surplus, citons Sano, Delta, Panda Matelas, Strauss et Golf Group. De nombreuses entreprises technologiques, telles que Wix, etoro, Cyberark, Hewlett Packard, Nice Systems, Meta et Microsoft, fournissent à l’initiative sociale des fournitures de bureau, des ordinateurs et des appareils électroniques, ainsi que des appareils électriques.

Depuis le 8 octobre, Social Delivery a distribué pour environ 13 millions de dollars de marchandises, dont 15 conteneurs envoyés par les communautés juives de la diaspora aux personnes évacuées et aux communautés touchées par la guerre, ainsi que plusieurs livraisons, notamment de matelas aux soldats. Au total, l’initiative sociale a déclaré avoir sauvé plus de 30 millions de dollars de biens des décharges et les avoir distribués aux populations vulnérables.

Social Delivery achète des chaises et du matériel de bureau au géant américain de la technologie IBM. (Crédit : Autorisation)

Parmi ses partenaires philanthropiques figurent Big Shopping Center, Yad HaNadiv, la Fondation Rashi, la Fondation Schusterman et les Fédérations juives d’Amérique du Nord.

Dans les premiers jours et les premières semaines de la guerre, des milliers de civils et de volontaires se sont rapidement mobilisés à un niveau sans précédent et se sont organisés en une infrastructure de soutien pour contribuer à l’effort de guerre. De nombreuses initiatives locales ont permis de collecter et de distribuer de la nourriture, des vêtements, des jouets, des fournitures médicales, des meubles et des appareils électroménagers.

Cependant, l’élan de volontariat local et international, qui prévalait au cours des premiers mois de la guerre, s’est atténué au cours des dernières semaines, car de plus en plus de réservistes ont été démobilisés, les gens sont retournés au travail et certains centres de volontariat ont fermé leurs portes.

« Une fois que les réservistes sont rentrés chez eux et que les opérations militaires à Gaza ont été moins intenses, nous avons reçu une nouvelle vague de commandes car les petites organisations locales ont ralenti leurs activités et le gouvernement n’a pas joué de rôle ou n’est pas intervenu pour aider », a souligné Shemesh. « Nous devons nous occuper du vide, car les personnes évacuées rentrent chez elles et les communautés veulent reconstruire, mais elles sont devenues des personnes différentes avec des besoins différents – physiquement, émotionnellement et mentalement. »

Pour ce père de quatre enfants âgés de 4 à 13 ans, le plus grand rêve est que Social Delivery se développe et devienne une organisation internationale qui ferait d’Israël un pays qui sait comment fournir une aide humanitaire à l’échelle mondiale, afin d’aider le pays à retrouver sa bonne réputation et à contrer l’antisémitisme dans le monde.

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