Avec un ambitieux programme civique, Frères et sœurs d’armes dit être là pour rester
Le groupe de protestation fondé l'année dernière par des réservistes veut s'impliquer dans l'éducation, la communauté afin de renforcer les valeurs démocratiques du pays
Malgré l’heure tardive, les couturières sont encore occupées à recourdre les uniformes des soldats dans les locaux de l’organisation Frères et sœurs d’armes, dans le centre d’Israël.
Les enfants évacués de la ville de Kiryat Shmona, dans le nord du pays, ayant déménagé dans des logements temporaires entre Herzliya et Ramat Hasharon, la maternelle et l’école mises en place par l’organisation ont été vidées. L’une des salles est désormais remplie de matériel informatique nécessitant des réparations. Une autre salle contient des piles de trousses de premiers soins, dont 3 000 ont été distribuées aux kibboutzim des zones frontalières, y compris la Cisjordanie.
La porte d’une quatrième salle est marquée « Familles de réservistes ». Ce service tente de répondre aux besoins des familles dont les hommes (en général) ont été envoyés sous les drapeaux, en leur trouvant une baby-sitter, un promeneur de chiens, etc.
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L’organisation « Frères et sœurs d’armes » a été créée l’année dernière par des soldats de réserve pour protester contre les tentatives du gouvernement de réformer le système judiciaire en affaiblissant les tribunaux. Nombre de ses fondateurs sont des hauts gradés qui ont servi dans des unités d’élite et ont fait une carrière impressionnante après l’armée.
Les manifestations de rue qui, pendant des mois, ont fait grand bruit, l’année passée, ont été interrompues brusquement le 7 octobre, lorsque des milliers de terroristes du Hamas ont déferlé sur le sud d’Israël, depuis Gaza, massacrant près de 1 200 personnes dans des circonstances abominables, dont des viols, des mutilations et des personnes brûlées vives. Les terroristes ont également enlevé 253 personnes pour les emmener dans la bande de Gaza.
Dans les heures qui ont suivi les attaques du 7 octobre, les membres de Frères et Sœurs d’armes se sont précipités vers le sud pour combattre les terroristes, secourir les personnes sous le feu de l’ennemi et, par la suite, aider à l’évacuation de communautés entières.
Alors que le gouvernement, pris par surprise, était complètement paralysé sur le moment, l’organisation s’est instantanément métamorphosée en une infrastructure de soutien.
Durant ces premiers jours, des milliers de civils ont afflué au centre Expo de Tel Aviv pour participer à l’effort de guerre.
Avec une discipline militaire, Frères et Sœurs d’armes et une poignée d’autres organisations ont créé un réseau de volontaires – estimé à 15 000 au cours des premières semaines – pour identifier les morts et les disparus, trouver des moyens de transport et d’hébergement pour les survivants, et pour rassembler et distribuer tout ce qui pouvait l’être, depuis la nourriture, les vêtements et les jouets jusqu’aux fournitures médicales et même les meubles et les appareils électroménagers pour les tentes de deuil. Le hangar d’Expo Tel Aviv que l’organisation a loué pour recueillir les dons est resté ouvert jusqu’en février.
Ronen Koehler, l’un des fondateurs de l’organisation militante, a précisé que depuis le 7 octobre, l’organisation avait collecté environ 130 millions de shekels.
Au cours des cinq derniers mois, a-t-il expliqué, l’organisation s’est employée à aider les personnes évacuées du sud et du nord, qui ont été hébergées dans des hôtels et des maisons privées dans tout le pays.
Aujourd’hui, elle se concentre sur les habitants de la frontière de Gaza qui ont commencé à rentrer chez eux. Selon Koehler, entre 100 et 150 volontaires se présentent chaque jour dans les bureaux de Glilot visités par le Times of Israel.
À long terme, Frères d’armes espère étendre son influence et son engagement en faveur des valeurs démocratiques à l’éducation, à la communauté, à l’économie et à l’emploi, afin de renforcer ce qu’il appelle « l’infrastructure sociale » du pays.
« Nous sommes là pour rester », a déclaré M. Koehler.
Ayelet Yagur est dans l’une des autres pièces du complexe de Glilot, entourée de livres pour enfants, de jouets et de matériel de jeu. Ces articles ont été rapportés des hôtels où séjournaient les familles évacuées de la frontière de Gaza. Ils seront redistribués aux maternelles des communautés frontalières où les citoyens évacués retourneront, ou dans des logements temporaires où ils résideront jusqu’à ce que leurs maisons puissent être reconstruites.
« Nous nous rendons souvent sur le terrain et sommes en contact avec les équipes éducatives des jardins d’enfants », a expliqué Yagur, qui dirigeait auparavant Long School Day, un programme privé d’éducation après l’école dans les jardins d’enfants de Ramat Hasharon, dans le centre d’Israël.
« Nous avons élaboré un programme pour les jardins d’enfants qui correspond à l’approche éducative de l’équipe », a-t-elle ajouté.
En prévision des besoins des citoyens évacués de la frontière de Gaza, qui commencent à rentrer chez eux, Frères et Sœurs d’armes collaborent avec les départements locaux de l’Education pour aider à remettre en état les écoles et les maternelles, et même pour trouver des enseignants.
Les volontaires ont récemment équipé et meublé une école entière au kibboutz Gvulot, près de la frontière de Gaza, pour les enfants des kibboutzim de la région.
Aide aux personnes évacuées des hôtels
Ancien commandant de sous-marin, Koehler est devenu consultant en organisation et a travaillé dans plusieurs grandes entreprises israéliennes. Comme beaucoup de ses camarades de Frères d’armes, il était déjà impliqué dans la société civile avant la guerre, et avait créé une association d’entraide de vétérans de la marine et de mentorat pour les jeunes marginaux. Il dirige également un groupe de jeunes marins à Tel Aviv.
Il explique que c’est grâce à sa femme, Talia Koster, pédopsychologue, que Frères d’armes est allé porter assistance aux personnes évacuées dans les hôtels où elles avaient été déplacées, notamment à Eilat, à la pointe sud d’Israël, et à la mer Morte.
Koster s’était rendue à Eilat dans le cadre d’une délégation médicale de 15 membres. « À la fin de la journée, elle m’a appelé et m’a dit : ‘Vous ne savez pas ce qui se passe ici. Où êtes-vous ?' », raconte Koehler.
« J’ai envoyé un message aux vétérans de la marine et aux [équivalents israéliens des] Navy Seals, pour leur demander des volontaires pour aller à Eilat et à la mer Morte », se souvient Koehler.
« C’était un Shabbat. Mais malgré cela, Ori Lahav [cofondateur et directeur technique de la plateforme de recommandation en ligne Outbrain] s’est porté volontaire pour aller à Eilat et Irad Yuval [stratège professionnel] des Navy Seals s’est rendu à la mer Morte. Le samedi soir, ils nous ont dit qu’il y avait beaucoup à faire là-bas. Dès le dimanche [15 octobre], nous avons mis en place une salle de crise pour les évacués. »
C’est le point de départ d’un vaste effort de volontariat visant à répondre aux besoins que les administrations de l’État n’avaient pas été conçues pour satisfaire et que les ministères étaient incapables de prendre en charge.
Les activités comprenaient l’acquisition de dizaines de machines à laver et de sèche-linge, la création de buanderies et la construction de 190 jardins d’enfants dans des hôtels, ainsi que de centres communautaires pour les adolescents et d’activités pour les personnes âgées.
Le groupe a permis d’éviter que les jeunes qui s’ennuient ne fassent des bêtises en construisant une zone sportive sur la plage d’Eilat et en invitant des artistes à se produire tous les jours à la mer Morte
Il a construit une école pour handicapés à la mer Morte, en cinq jours seulement.
Il a également fourni à ce jour 4 000 jours d’aide bénévole aux usines confrontées à une pénurie de main-d’œuvre et continue d’envoyer des centaines de bénévoles chaque jour pour aider les agriculteurs privés de leurs ouvriers agricoles thaïlandais et palestiniens.
Les hôpitaux où sont soignés les soldats blessés ont reçu de petits articles qui font la différence : une guitare ici, un abonnement à un cours de programmation informatique là.
Elle aide également les gens à trouver un emploi. En collaboration avec l’Agence juive et le Forum des entreprises israéliennes, elle a collecté environ 10 millions de shekels pour aider ceux dont les entreprises ont été mises en difficulté par la guerre.
Alors que le conflit entre Tsahal et le groupe terroriste Hezbollah, soutenu par l’Iran, s’est intensifié le long de la frontière nord, et que les communautés du nord ont également été évacuées, des bénévoles ont organisé une salle de crise pour le nord, qui peut compter sur 1 000 volontaires, selon Koehler.
Il a récupéré les armatures métalliques de centaines de Souccot – les « habitations » temporaires que les juifs installent pour la fête des Tabernacles – et les a dotées de bâches pour protéger les troupes de la pluie.
Selon Koehler, des équipements tactiques, notamment des gilets pare-balles, des casques et des lunettes de protection, ont été distribués aux équipes de sécurité intérieure dans tout le pays, tandis que des volontaires issus des services de sécurité intérieure du Shin Bet forment les équipes.
L’une des leçons tirées du 7 octobre, pour Koehler, est la suivante : « Les communautés qui ont été sauvées sont celles dont l’équipe de sécurité était bien entraînée « .
Un changement d’approche
Il y a plus d’un an, Frères et sœurs d’armes est devenu la bête noire du gouvernement en s’opposant à la fois aux remaniements prévus dans le système judiciaire et aux exemptions de service militaire pour les juifs ultra-orthodoxes.
Des membres élus de la coalition chercheraient obstinément à faire révoquer le statut de charité de Frères et Sœurs d’Armes. Toutefois, des représentants du gouvernement l’ont contacté pour obtenir de l’aide et les relations avec les autorités locales sont bonnes, a précisé Koehler.
« La position adoptée par les Frères d’armes sur ce gouvernement peut être difficile à digérer pour les gens de droite. Mais des relations si profondes ont été établies avec les maires, qui voient que nous sommes de bons gars, que nous avons mis en place un département ‘Going Home’ », a-t-il expliqué.
Koehler a également déclaré que la stratégie des Frères d’armes s’était assouplie depuis les manifestations contre la réforme judiciaire.
« Nous avons compris que notre comportement de l’année dernière, bien que très efficace, avait eu un prix élevé », a-t-il déclaré. « Nous voulons éviter que les gens pensent que nous ne sommes pas du même côté. Nous pensons que certaines choses peuvent être obtenues en discutant davantage et en étant moins extrémistes. Nous avons été entraînés vers les extrêmes. Le gouvernement a refusé de discuter. »
L’organisation tente actuellement de parvenir à un accord entre les différents partis sur deux questions essentielles : la tenue d’élections anticipées et l’enrôlement dans Tsahal des jeunes hommes ultra-orthodoxes, qui sont actuellement exemptés de service militaire.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a refusé d’assumer la responsabilité du fiasco du 7 octobre et a déclaré que les prochaines élections auraient lieu « dans quelques années », comme prévu, parce que tant que la guerre faisait rage, le temps n’était « pas à la politique ».
Les principales manifestations de rue organisées par le groupe, comme le souligne Koehler, consistent aujourd’hui à accrocher des banderoles aux carrefours et à organiser des rassemblements.
« Nous sommes dans la rue, mais nous sommes pour, pas contre. Nous ne bloquons pas les routes. La stratégie a complètement changé », a indiqué Koehler.
« Nous sommes tous des soldats », a-t-il déclaré. « Nous savons que nous avons des ennemis et qu’Israël aura besoin d’une armée pendant de nombreuses années. Mais nous sommes également convaincus qu’une solution doit être trouvée avec les Palestiniens ».
Il a poursuivi : « Être citoyen, ce n’est pas seulement payer des impôts et voter tous les quatre ans. Il ne s’agit pas non plus de Bibi [Netanyahu]. Nous devons amener les gens à se sentir concernés. »
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