Un tour – étrange – à l’expo ‘Je t’aime, Ronit Elkabetz’
Le Musée du Design de Holon consacre un émouvant hommage à l'artiste israélienne, amoureuse de la France. Émouvant et troublant
- Exposition « Je t'aime, Ronit Elkabetz » au Musée du Design de Holon. (Crédit : Dahlia Perez)
- Exposition « Je t'aime, Ronit Elkabetz » au Musée du Design de Holon. (Crédit : Dahlia Perez)
- Exposition « Je t'aime, Ronit Elkabetz » au Musée du Design de Holon. (Crédit : Dahlia Perez)
- Exposition « Je t'aime, Ronit Elkabetz » au Musée du Design de Holon. (Crédit : Dahlia Perez)
- Exposition « Je t'aime, Ronit Elkabetz » au Musée du Design de Holon. (Crédit : Dahlia Perez)
- Exposition « Je t'aime, Ronit Elkabetz » au Musée du Design de Holon. (Crédit : Dahlia Perez)
- Exposition « Je t'aime, Ronit Elkabetz » au Musée du Design de Holon. (Crédit : Dahlia Perez)
- Exposition « Je t'aime, Ronit Elkabetz » au Musée du Design de Holon. (Crédit : Dahlia Perez)
- Exposition « Je t'aime, Ronit Elkabetz » au Musée du Design de Holon. (Crédit : Dahlia Perez)
- Exposition « Je t'aime, Ronit Elkabetz » au Musée du Design de Holon. (Crédit : Dahlia Perez)
- Exposition « Je t'aime, Ronit Elkabetz » au Musée du Design de Holon. (Crédit : Dahlia Perez)
- Exposition « Je t'aime, Ronit Elkabetz » au Musée du Design de Holon. (Crédit : Dahlia Perez)
- Exposition « Je t'aime, Ronit Elkabetz » au Musée du Design de Holon. (Crédit : Dahlia Perez)
Dans l’exposition présentée au Musée du Design de Holon « Je t’aime, Ronit Elkabetz » et conçue par son frère, Shlomi Elkabetz, un hommage magnifique et funèbre est rendu à l’actrice, réalisatrice et scénariste emblématique du cinéma israélien, qui fut aussi à ses débuts modéliste et mannequin.
A travers la garde-robe de la star, composée de robes de haute couture, de costumes de films et de robes de mariées, l’exposition nous invite à un voyage aussi étrange que troublant. Une évocation douloureuse et à fleur de peau de la personnalité de l’artiste décédée en 2016 des suites d’un cancer.
De par sa charge émotionnelle, l’hommage pourra déranger ou bouleverser, selon le regard posé sur ces 31 scènes, quelquefois morbides, qui composent l’exposition et qui juxtaposent nombre d’effets personnels d’Elkabetz à des installations audiovisuelles, saisissantes de beauté et de poésie. Proposée jusqu’au 30 avril 2018, l’exposition nous emmène bien au-delà des manifestes féministes de la mode. Visite guidée.

L’émotion est palpable. Pour l’inauguration de cette exposition qui est le fruit de dix-huit mois de travail et qui a mobilisé Shlomi Elkabetz, le frère de l’actrice, ainsi que Yaara Keydar, conservateur de mode et historien, le musée a mis les petits plats dans les grands. En ce lundi 27 novembre, qui est aussi le jour anniversaire de l’actrice, toute la presse est invitée à découvrir la vaste installation qui rend hommage au talent et à la personnalité exceptionnelle de Ronit Elkabetz, prématurément disparue en avril 2016.
Muse du cinéma israélien et amoureuse de la France, elle aura marqué de sa présence forte et de son tempérament volcanique des films tels que « Mariage tardif » ou « La Visite de la fanfare », avant de passer derrière la caméra pour nous livrer sa trilogie intimiste et sans concessions sur les carcans culturels et religieux de son milieu d’origine : avec « Prendre femme » (2004) puis « Les Sept jours » (2007), et enfin « Gett – Le procès de Viviane Amsallem » qu’elle réalise avec son frère Shlomi Elkabetz, elle a conquis la scène internationale.
Au faîte de sa gloire, de sa beauté, Ronit livre son testament cinématographique, mais aussi social, féministe et politique avant de s’éteindre à Tel Aviv. Avner Yashar, son veuf, est présent lui aussi. Il nous révèle, d’une voix étouffée par l’émotion, qu’elle aurait eu 53 ans aujourd’hui.
Yaara Keydar, conservateur de l’exposition, explique : « La mode pour Elkabetz était une façon de transcender l’apparence physique et de créer une identité qui chérissait la transgression, la liberté, la sexualité, l’identité et le pouvoir à travers le tissu. C’était, et c’est toujours, une source de pouvoir pour les femmes partout dans le monde. À l’écran, sur scène, sur le tapis rouge, partout, Elkabetz a brillé sur l’altérité, sur la différence, sur les marges, nous permettant d’oser et de rêver d’une autre réalité – et d’en faire une réalité. »

De la garde-robe impressionnante de l’actrice, pratiquement tout aura été conservé méticuleusement, dans des valises, à Paris, ou chez elle, en Israël.
En étroite collaboration avec les familles Yashar et Elkabetz, le musée nous propose donc un hommage illustrant « comment Elkabetz a créé et réaffirmé l’acte de s’habiller comme un acte performatif transgressif, chargeant le vêtement de significations puissantes et l’imprégnant de sa propre subjectivité et de son interprétation personnelle. »
Avant de pénétrer dans la première salle, il faut descendre des escaliers et pousser un léger rideau de gaze blanche. A l’intérieur, la pénombre. Une première installation attend le visiteur, qui frappe par son étrangeté et son aspect morbide. Un mannequin noir à la tête d’épouvantail, vêtu d’une robe de soirée de Ronit, fait face à un écran vidéo projetant des journalistes l’interpellant sans fin, comme lors de séances photos sur les tapis rouges des festivals.
Tout de suite, c’est le corps, ou plutôt l’absence du corps, qui est mise en avant, qui nous interroge et qui nous dérange. C’est comme si, de l’au-delà, l’actrice disparue regardait avec une distance non dénuée d’humour, des fragments de sa gloire passée. Nous, on se demande où est passée Ronit Elkabetz. S’incarne-t-elle ici, dans l’étalage fait de ses effets personnels, vêtements, chaussures, livres, meubles, livrés au regard du public ? Dans cet espace dédié, immense mausolée, ses proches, toujours en deuil, cherchent en vain à la ressusciter.

D’innombrables clichés issues de la collection familiale sont là pour nous rappeler la beauté de l’actrice ainsi que sa photogénie. Beauté intimidante et hiératique que l’on contemple, telle une statue grecque, omniprésente, partout, à la manière d’une Madone fantomatique… Ronit, à l’infini. En fond sonore, on croit reconnaître l’extrait d’un dialogue de film qui est devenu le manifeste de l’exposition, ce « Je t’aime, Ronit » scandé sans fin par des voix d’hommes en pâmoison…
Des cris d’amour, tout comme l’est cette exposition qui est un véritable cri d’amour à la star défunte et qui évoque, de manière lancinante et fétichiste, bien plus les thèmes de la disparition et de la mort, du deuil impossible, que ceux de la mode, de la liberté ou de la transgression vestimentaire.
Au premier étage, des installations fulgurantes de poésie ou de romantisme un peu funèbre alternent avec des mises en scènes plus dérangeantes mettant en avant des mannequins à l’allure spectrale. Il est encore un peu tôt pour faire affleurer la nostalgie et contempler sans un malaise diffus ces silhouettes fantomatiques, ces pantins inquiétants qui portent les robes de gala de la disparue. Au centre de la salle, un promontoire nous invite à découvrir un étrange panorama : une projection vidéo du visage en très gros plan de la star qui chante. Des vagues recouvrent peu à peu sa figure qui disparaît…
La mélancolie et l’implacable douceur qui se dégagent de cette installation émeuvent. Elle nous rappelle que ce sont finalement les écrans vidéos qui donnent une dimension intemporelle et lumineuse à l’actrice, a contrario, contre toute attente, de sa garde-robe. L’écran qui la ranime et d’où elle semble nous chuchoter, de là où elle se trouve, de là où elle se cache, qu’elle est toujours là… Au mur, une phrase pour nous rappeler que la peine liée à sa disparition reste toujours vivace (comme si le visiteur pouvait l’oublier !) : « This is not cinema »… Oui la mort, ça n’est pas du cinéma. L’exposition est imprégnée de cette douleur inapaisée.

Exposés trop tôt, trop vite, les costumes de la star se figent ici dans une temporalité qui est celle du deuil et de l’impossible renoncement à la présence, à l’existence tangible, de Ronit Elkabetz. C’est le problème. Shlomi Elkabetz n’a peut-être pas assez attendu pour pouvoir mettre la distance nécessaire entre sa douleur et la représentation des trésors de la disparue.
Ainsi, que penser de cette installation qui recrée l’espace de travail de l’artiste, son bureau, avec, penchée sur celui-ci, une robe suspendue dans le vide et censée représenter Ronit qui écrit ? Ou de ces mannequins en forme de coussins et vêtues de dessous féminins, en train de jouer aux cartes autour d’une table invisible ?
Heureusement, face à ces mises en scène funèbres, les extraits de films sont là pour rendre hommage à la vitalité et au génie dramatique de celle qui fut l’égale d’une Anna Magnani ou d’une Gena Rowlands. On respire un peu. Repoussant le rideau de gaze qui nous ramène dans l’univers des vivants, on garde la désagréable impression d’avoir laissé derrière nous une chambre mortuaire, un caveau à l’image de ces pharaons enterrés, il y a des milliers d’années, au milieu de leurs trésors.
Je t’aime trop, Ronit Elkabetz ? A ceux qui furent ses proches et qui l’ont tant aimée, on a envie de dire de lâcher la main de celle qui n’est plus, de la laisser partir, la laisser reposer en paix… Car c’est aussi ça, aimer.
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