Qatargate : la détention d’Urich prolongée jusqu’à lundi, Feldstein assigné à résidence
Le ministre de la Justice a salué « l'intégrité » du juge qui a ordonné la libération des suspects du Qatargate ; la police accuse le juge d'avoir agi pour servir ses propres intérêts

La détention provisoire du principal conseiller du Premier ministre Benjamin Netanyahu, Jonathan Urich, a été prolongée jusqu’à lundi, tandis que l’ancien porte-parole, Eli Feldstein, a été placé en résidence surveillée. Ces deux personnes sont les principaux suspects dans l’affaire dite du Qatargate.
Le tribunal de district de Lod a ainsi partiellement accédé à la requête de la police, qui souhaitait prolonger la détention provisoire d’Urich et de Feldstein dans le cadre de l’enquête en cours sur leurs liens présumés illicites avec le Qatar.
La police avait fait appel d’une décision antérieure du tribunal de Petah Tikva de libérer les deux collaborateurs de Netanyahu et de les assigner à résidence pendant deux semaines.
Le juge du tribunal de district de Lod a également interdit à Urich et Feldstein de contacter toute personne impliquée dans l’enquête sur le Qatargate – y compris Netanyahu – pendant 60 jours. Il leur est également interdit de quitter le pays pendant 80 jours.
Le tribunal a également critiqué la conduite des policiers lors des interrogatoires.
Dans sa décision, le juge Menachem Mizrahi a critiqué les enquêteurs de la police auxquels il reproche, lors des interrogatoires, de ne pas s’en être tenus aux relations présumées d’Urich et Feldstein avec le Qatar, mais d’en avoir profité pour enquêter sur la fuite de documents classifiés des services du Premier ministre, une autre affaire dans laquelle Feldstein est également un des principaux suspects.
Dans l’affaire dite du Qatargate, Urich et Feldstein sont soupçonnés de multiples infractions liées à leurs activités présumées pour le compte d’une société de lobbying pro-qatarie, et notamment de contacts avec un agent étranger, sans compter les accusations de corruption impliquant des lobbyistes et des hommes d’affaires.
Le Qatar se défend d’avoir fomenté ou financé une campagne de désinformation destinée à discréditer l’Égypte et son rôle dans les négociations en vue de la libération des Israéliens retenus en otage à Gaza.

Par ailleurs, Feldstein est au cœur d’un autre scandale lié aux services du Premier ministre et impliquant un document classifié – détaillant les priorités et tactiques du Hamas dans les négociations sur les otages – illégalement soustrait de la base de données du renseignement militaire de Tsahal et divulgué au journal allemand Bild.
La police israélienne a interjeté appel contre la décision de libérer Urich et Feldstein en accusant le juge Mizrahi d’avoir agi dans son propre intérêt.
« Depuis le début de l’audience sur cette affaire, le juge se comporte d’une manière que nous ne comprenons pas », a déclaré la police. « Cela a commencé par la levée de l’embargo de communication. Quand nous lui avons demandé un aménagement de l’embargo, il n’a rien voulu entendre. Lorsque nous avons demandé un sursis d’exécution, il a dit qu’il n’avait pas le temps. »

Selon la police, le juge « a fait acte d’allégeance » envers la commission de sélection judiciaire en espérant être nommé par lui juge de district » – allusion aux questions de politisation des nominations judiciaires dans le cadre de la refonte ô combien controversée du système judiciaire. Elle a par ailleurs reproché à Mizrahi d’avoir forcé les enquêteurs de police à évoquer des « documents sensibles » lors des audiences et de rédiger ses décisions comme des « communiqués de presse ».
« Il parle de choses classifiées et les efface ensuite dans les minutes qui suivent la publication dans les médias », a indiqué la police.
Pour autant, le ministre de la Justice, Yariv Levin, à qui l’on doit le projet de refonte judiciaire, a salué la décision de Mizrahi et la remise en liberté des collaborateurs de Netanyahu.
« Ce qui s’est passé aujourd’hui est une nouvelle étape sur le chemin de la fin de l’application sélective de la loi, telle qu’elle existait depuis des dizaines d’années », a déclaré Levin, qualifiant la décision de « signe des vents nouveaux qui soufflent au sein du système judiciaire ».

Levin a affirmé que depuis qu’il était ministre de la Justice, « de plus en plus de juges faisaient preuve d’intégrité et d’indépendance, et ne se soumettaient plus aux diktats des dirigeants ».
« La lutte pour changer le système judiciaire, en finir avec une justice sélective et restaurer la démocratie est combat difficile contre ceux qui détiennent un pouvoir corrompu et illimité depuis des décennies », a déclaré Levin. « Il faut de la détermination, de l’unité et de la patience. Aujourd’hui, nous voyons les fruits de notre combat. »
Des différends sur la santé d’Urich
Lors de l’audience de vendredi, Amit Hadad, l’avocat d’Urich, a laissé entendre que son client s’était évanoui lors d’un interrogatoire de police. Il a expliqué au tribunal qu’Urich avait informé le détective qui l’interrogeait qu’il avait mal à la poitrine, mais qu’on lui avait dit de « se taire ». Le représentant de la police présent lors de l’audience a nié cette version des faits.

« Vous n’avez rien fait pour prendre en charge sa douleur : en marchant en direction du véhicule [de police], il a perdu connaissance et est tombé », a affirmé Hadad, ajoutant que ce n’est qu’à ce moment-là qu’une ambulance a été appelée sur les lieux.
La partie adverse a déclaré que cette version des faits n’était « pas exacte » et qu’il était « immédiatement venu sur le parking » lorsqu’on l’a informé du malaise d’Urich et du fait qu’il avait besoin d’une ambulance.
« J’ai vu Urich au sol, mais il n’était pas inconscient », a-t-il précisé, ajoutant qu’Urich avait refusé d’aller à l’hôpital pour ne pas être vu menotté, et qu’il avait donc été prise en charge par le Magen David Adom à l’intérieur de la salle d’interrogatoire.

Au cours d’un interrogatoire conjoint de la police, jeudi, Feldstein a accusé Urich d’avoir menti aux agents à propos des sommes qui lui auraient été versées. Les deux hommes ont donné à la police des versions contradictoires des événements. Selon Kan, Urich a fondu en larmes lors de cet interrogatoire.
Selon les médias israéliens, un homme d’affaires israélien a été interrogé mercredi sous caution à propos de ses liens avec cette affaire. Il est le deuxième homme d’affaires interrogé dans le cadre de ce scandale après Gil Birger, premier témoin.
Le rédacteur en chef du Jerusalem Post, Zvika Klein, a pour sa part été interrogé en qualité de suspect lundi. Jeudi, trois autres journalistes ont été interrogés par la police, pas en tant que suspects mais de personnes ayant eu connaissance des événements.
Klein, qui a nié toute implication dans cette affaire, a été libéré jeudi de son assignation à résidence sans autre restriction.

La chaîne N12 a indiqué, jeudi, que les enquêteurs se rendraient prochainement aux États-Unis pour y interroger le lobbyiste Jay Footlik, propriétaire de la société The Third Circle, pour laquelle Urich et Feldstein auraient travaillé alors qu’ils étaient au service de Netanyahu. Ils sont soupçonnés d’avoir fait passer des messages pro-Qatar à des journalistes de la part de « hauts responsables politiques », expression utilisée par les conseillers du Premier ministre pour désigner Netanyahu lui-même lorsqu’ils ne veulent pas qu’un commentaire lui soit directement attribué.
Feldstein aurait été payé par Birger, qui a reconnu lui avoir transféré des fonds pour le compte de Footlik, pour des raisons fiscales.