Israël en guerre - Jour 534

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Akram Abdalhak vivait illégalement en Israël avec ses deux femmes et ses 10 enfants, c'est un citoyen américain, et il était peu probable que la Cour statue en sa faveur

Un verdict surprenant ouvre la voie à la restauration des droits de séjour à Jérusalem Est

Depuis 1967, 14 500 résidents arabes de Jérusalem se sont vu déchoir de leur statut de résidence ; à l'unanimité, la Cour suprême statue que les résidents nés à Jérusalem Est méritent mieux

Dov Lieber est le correspondant aux Affaires arabes du Times of Israël

les forces de sécurité israéliennes montent la garde pendant que les fidèles musulmans palestiniens prennent part à la prière du vendredi à midi dans le quartier de Ras al-Amud à Jérusalem-Est, le 16 octobre, 2015 (Crédit : AFP / AHMAD GHARABLI)
les forces de sécurité israéliennes montent la garde pendant que les fidèles musulmans palestiniens prennent part à la prière du vendredi à midi dans le quartier de Ras al-Amud à Jérusalem-Est, le 16 octobre, 2015 (Crédit : AFP / AHMAD GHARABLI)

Quand Akhram Abdalhak avait neuf ans, sa famille a quitté Jérusalem pour les États-Unis. Des années plus tard, adulte et marié, Abdalhak a décidé qu’il voulait revenir dans sa ville natale. Et il a découvert qu’il n’en n’avait pas le droit.

Il est tout de même revenu en Israël il y a 20 ans, alors que c’était considéré comme illégal par les autorités israéliennes. Jusqu’à la semaine dernière.

Aujourd’hui âgé de 58 ans, Abdalhak est l’un des 14 500 résidents de Jérusalem Est qui ont vu leur titre de séjour révoqué par Israël, pour la plupart depuis 1995. Le ministère de l’Intérieur avait invoqué une absence prolongée de Jérusalem, pour plus de sept ans en général. Dans d’autres cas, certains résidents de Jérusalem Est ont perdu leur titre de séjour en obtenant un titre de séjour ou la nationalité d’un autre pays.

Les résidents des Jérusalem Est sont devenus des résidents permanents quand Israël a annexé leurs quartiers des mains des Jordaniens en 1967. Israël a donc étendu sa souveraineté sur la région. (Le statut de résident permet de vivre et de travailler en Israël, mais ne permet pas de voter aux élections nationales.)

De jeunes enfants sur une aire de jeu du jardin d'enfants du couvent des sœurs comboniennes dans le quartier de Ras Al-Amud de Jérusalem est, le 19 mai 2014. (Illustration, crédit : Miriam Alster/FLASH90)
De jeunes enfants sur une aire de jeu du jardin d’enfants du couvent des sœurs comboniennes dans le quartier de Ras Al-Amud de Jérusalem est, le 19 mai 2014. (Illustration, crédit : Miriam Alster/FLASH90)

Abdalhak a donc récemment récupéré son statut de résident à la Cour suprême de Justice. La décision unanime, qui fait jurisprudence, a établi une nouvelle protection juridique pour les droits de résidence à Jérusalem Est.

La justice a statué, pour la première fois, qu’Israël doit considérer le statut unique des résidents de Jérusalem Est en tant que natifs quand il s’agit de restaurer leur statut de résidence.

La nette augmentation ces dernières années du nombre de statuts de résidents révoqués est source de préoccupation pour les résidents de Jérusalem Est, qui craignent que leur droit de vivre dans ce qui est actuellement Israël est sur la sellette, selon les groupes de défense des droits de l’Homme et les avocats spécialisés.

Adi Lustigman (Crédit : autorisation)
Adi Lustigman (Crédit : autorisation)

Adi Lustigman, une avocate spécialisée dans l’immigration, qui a défendu Abdalhak aux cotés des avocats Amir Hasan et Tamir Blank, a confié au Times of Israël que cette décision sera un soulagement pour les résidents de Jérusalem Est.

En théorie, dit-elle, cela crée un précédent, « que les résidents de Jérusalem Est peuvent à nouveau avoir des droits de résidence en Israël ».

Elle invite à la prudence, cependant, et ajoute que seul l’avenir nous dira si ce précédent se confirmera.

Le ministère de l’Intérieur soutient qu’il ne fait qu’appliquer la loi lorsqu’il révoque des statuts.

Le ministère ajoute également qu’il se bat contre un phénomène grandissant, où des Palestiniens résidant en Cisjordanie prétendent vivre à Jérusalem pour bénéficier de certains avantages civiques et sociaux.

Pour faire simple, Abdalhak était l’opprimé dans cette affaire, et de manière très improbable, est devenu vecteur de changement.

Lorsqu’il a fait appel à la Cour suprême pour que son titre de résident soit restauré, en 2014, il était déjà citoyen américain. Son statut avait été révoqué 27 ans plus tôt. Il vivait illégalement en Israël depuis 1997. Selon le ministère de l’Intérieur, il était marié à deux femmes, ce qui est interdit par la loi israélienne, et ses deux femmes et ses dix enfants vivaient aussi illégalement en Israël.

En effet, le ministère de l’Intérieur a jugé que le cas d’Abdalhak était tellement extrême que répondre positivement à son appel reviendrait à « invalider » toute une série de lois inhérentes au statut de résident.

Et pourtant, la Cour a statué en faveur d’Abdalhak. À l’unanimité.

Les trois juges qui ont été nommés sur cette affaire, étaient Uzi Fogelman, Menachem Mazuz et Miriam Noar, présidente de la Cour suprême. Ils ont invoqué ce qui est critiqué depuis longtemps par les groupes israéliens de défense des droits de l’Homme comme une injustice marquante dans la loi israélienne. Les résidents de Jérusalem Est ont le même statut juridique en termes de droit de séjour qu’un étranger qui s’installe en Israël avec un statut de résident permanent.

Les jeunes étudiants arabes dans la classe d'une école primaire dans le quartier arabe de Umm Tuba à Jérusalem-Est, le 13 décembre 2011 (Crédit : Flash90 / Kobi Gideon)
Les jeunes étudiants arabes dans la classe d’une école primaire dans le quartier arabe de Umm Tuba à Jérusalem-Est, le 13 décembre 2011 (Crédit : Flash90 / Kobi Gideon)

Un Américain qui viendrait en Israël, pour intégrer une équipe de basketball par exemple, et un résident de Jérusalem Est né dans la Vieille Ville, sont, au regard de la loi, égaux en termes de droits, mais également égaux en termes de risques et de conditions pour perdre ces droits.

La Cour a conclu que les résidents de Jérusalem Est devraient bénéficier de davantage de considération.

Le juge Fogelman a écrit : « quand le ministère doit étudier une demande de restauration de statut de résident pour Jérusalem Est, il doit prendre en compte la situation unique : ces résidents, à l’inverse des immigrants qui demandent ce statut, sont intimement liés à l’endroit où ils vivent, où ils sont nés, où les parents et grands-parents sont parfois nés, et y ont établi une vie familiale et communautaire depuis des années. »

Lustigman a indiqué que cette décision marque la première fois où cette logique a été établie « à haute et intelligible voix, et officiellement ».

Mazuz a déclaré dans la décision qu’Abdalhak « devait être considéré comme une personne ayant renouvelé son affinité à Israël, et au regard du statut spécial des résidents de Jérusalem Est en tant qu’indigènes, à l’inverse de ceux qui ont gagné leur titre de résident permanent après avoir immigré, cela est suffisant pour justifier la reconnaissance de son statut de résident permanent ».

Naor a approuvé mais a souligné que chaque affaire devra être étudié au cas par cas.

Fogelman a soutenu que la période qu’Abdalhak passée illégalement en Israël, qui n’a commencé qu’après le refus de sa première demande de restauration en 1989 jouait en sa faveur sur le plan juridique. En effet, cela prouvait qu’il était décidé à vivre en Israël, et que si c’était vraiment le cas, le ministère de l’Intérieur devrait restaurer son statut, en tant que natif de Jérusalem.

Fogelman a ajouté que le ministère de l’Intérieur avait ouvert la voie à la décision prise par les juges mais qu’il n’avait pas poussé le raisonnement suffisamment loin.

Durant le procès, le ministère a déclaré qu’il avait déjà mis en place une procédure plus souple pour les résidents de Jérusalem Est. Cette procédure « assouplie » permet aux résidents de Jérusalem Est qui ont obtenu un titre de résidence ou la nationalité d’un autre pays de récupérer leur titre de résidence en Israël tant qu’ils prouvaient qu’ils avaient l’intention d’y vivre et qu’ils ne représentaient pas de menace en termes de sécurité. Abdalhak pourra donc être à la fois citoyen américain et résident de Jérusalem.

En somme, a indiqué Fogelman, le ministère avait déjà fait la distinction entre les résidents de Jérusalem Est et les immigrants qui sont devenus résidents permanents, et ont reconnu les circonstances propres aux résidents.

Selon Lustigman, cette procédure plus souple a débuté fin 2014, bien que le ministère n’ait pas officiellement annoncé son existence.

L’évolution de la procédure de révocation

Quand Israël a capturé la moitié est de Jérusalem en 1967, il ne souhaitait pas octroyer à ses résidents la nationalité. Et la plupart de ces résidents, qui, généralement, considèrent la présence d’Israël comme illégale, ne voulaient pas non plus être naturalisés par l’État juif.

Au lieu de cela, un recensement a eu lieu, et tous ceux qui ont été enregistrés ont reçu le statut de « résident permanent ».

Ce statut a été établi par la loi « Entrée en Israël » créée en 1952. Cette législation a été instaurée pour les non-juifs qui voudraient vivre dans l’État juif naissant. Et pourtant cette même loi, avec ses lois strictes pour conserver son statut de résident, a été appliquée aux résidents de Jérusalem Est, bien qu’ils soient nés en Israël.

La loi accorde aux résidents de Jérusalem Est le droit de demander la nationalité israélienne, comme tout immigrant non-juif, mais elle donne aussi au ministère de l’Intérieur le loisir de déchoir ou de restaurer ce statut de résident permanent.

Jusque dans les années 1990, très peu de résidents de Jérusalem Est ont fait une demande de naturalisation, et le ministère de l’Intérieur n’a révoqué que très peu de statuts de résidents permanents.

Mais en 1995, le ministère de l’Intérieur a commencé à exiger des résidents de Jérusalem Est de prouver que la capitale était leur lieu de vie principal. Le ministère de l’Intérieur a commencé à exiger que les résidents de Jérusalem-Est prouvent que la capitale était leur espace de vie. Rétroactivement, des milliers de familles pouvaient avoir leur statut révoqué. Et c’est ce qui s’est passé. Des révocations ont eu lieu dans les années qui ont suivi, bien au-delà de tout ce qu’il avait pu voir auparavant.

Cette politique a atteint son apogée en 2008, année sans précédent durant laquelle 4 577 résidents ont vu leurs statuts être révoqués, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, obtenu par Hamoked, un groupe de défense basé à Jérusalem, soit 4 fois plus qu’en 1967.

L’année qui a suivi, le nombre de demandes de citoyenneté a grimpé de 1 025 à 1 656, soit une hausse de 61 %, et de loin la plus grande augmentation depuis 1967.

Depuis 2003, 14 629 résidents permanents de Jérusalem Est ont déposé des demandes de citoyenneté.

Lustigman, entre autres personnes, a soutenu que l’augmentation des demandes de naturalisation provient de la peur qu’un jour, leur statut de résident permanent puisse leur être enlevé.

Ces dernières années, le nombre de statuts révoqués a considérablement chuté. Comme une enquête du Times of Israël l’a montré, il y a eu cependant, un quasi-gel du traitement des demandes de naturalisation des résidents de Jérusalem Est.

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