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Une inscription lève le voile sur la venue de la reine de Saba à Jérusalem

Découvertes sur l’Ophel du mont du Temple, ces sept lettres inscrites sur des jarres en argile seraient originaires d'un dialecte de la péninsule arabique

Amanda Borschel-Dan édite la rubrique « Le Monde Juif »

Inscription de sept lettres, datant du Xe siècle avant notre ère, sur une jarre trouver sur l’Ophel. (Crédit : Daniel Vainstub; tous droits réservés © Dr. Eilat Mazar; Mazar 2015)
Inscription de sept lettres, datant du Xe siècle avant notre ère, sur une jarre trouver sur l’Ophel. (Crédit : Daniel Vainstub; tous droits réservés © Dr. Eilat Mazar; Mazar 2015)

Mystère absolu pour les épigraphistes depuis plus d’une dizaine d’années, une mystérieuse inscription datant de l’époque du Premier Temple, découverte à l’Ophel, à deux pas du mont du Temple de Jérusalem, vient peut-être d’être déchiffrée.

Selon une étude du Dr. Daniel Vainstub, les sept lettres gravées sur une grande jarre en argile consignent la présence de l’un des ingrédients du mélange d’encens utilisé dans le Temple, à savoir la résine de gomme parfumée ou labdanum.

Selon le texte de l’Exode 30:34, le labdanum aromatique (Cistus ladaniferus) serait le deuxième composant de l’encens utilisé pour le culte au Temple.

Vainstub pense que l’écriture et la langue de l’inscription proviennent du royaume de Saba, situé à plus de 2 000 kilomètres.

Cette suggestion va à l’encontre de l’opinion consensuelle d’une dizaine de chercheurs de tout premier plan qui estiment qu’il s’agit d’une écriture locale, le cananéen.

Dans une étude récente publiée lundi par le Jerusalem Journal of Archaeology de l’Université hébraïque, Vainstub suggère que l’écriture est de l’ancien arabe méridional et le mot, du sabéen.

À l’époque du Premier Temple, la langue sabéenne était utilisée dans ce qui est aujourd’hui le Yémen, où se trouvait le royaume de Saba.

L’épigraphiste Daniel Vainstub tenant l’inscription de sept lettres de la période du Premier Temple en écriture arabe du sud ancienne. (Crédit : Daniel Vainstub)

Si cela était avéré, cela ferait de l’inscription d’Ophel la plus ancienne en arabe méridional trouvée jusqu’à présent en Terre d’Israël.

Dans la mesure où l’inscription a été faite dans de l’argile humide originaire de Jérusalem, Vanstub pense que le scribe était un locuteur natif du royaume de Saba impliqué dans la fourniture des épices et encens.

Ceci, pense-t-il, suggère l’existence de liens commerciaux forts – mais non confirmés à ce jour – entre les deux royaumes.

Il n’est pas surprenant que les précédentes tentatives des chercheurs pour déchiffrer l’inscription n’aient pas abouti, expliquait Vainstub au Times of Israel lundi, peu avant de présenter ses découvertes lors du 48e Congrès annuel d’archéologie.

Le roi Salomon et la reine de Saba, extrait de L’Histoire de la Vraie Croix de Piero della Francesca. (Domaine public)

Les écritures ont toutes le même ancêtre lointain, mais les spécialistes des inscriptions cananéennes connaissent peu l’ancienne écriture arabe méridionale.

« Et ceux qui la connaissent sont peu au fait des écritures cananéennes », explique-t-il.

Vainstub a donc utilisé sa connaissance de l’ancien arabe méridional pour déchiffrer un peigne à poux en ivoire ancien, qui contient ce qui est sans doute la toute première phrase en cananéen.

En 2012, sept grandes jarres d’argile, ou pithos, ont été découvertes lors de fouilles menées par la Dr. Eilat Mazar de l’Université hébraïque à l’Ophel, au sud du mont du Temple.

Elle a remarqué, sur le col d’une jarre, une inscription partielle de sept lettres, qu’elle a datée de l’époque du roi Salomon, vers le 10e siècle avant notre ère.

Mazar est décédée en 2021, mais une étude récente d’Ariel Winderbaum semble confirmer sa datation.

Une dizaine d’épigraphistes et archéologues ont tenté de déchiffrer l’inscription, et ils sont arrivés à la conclusion qu’il s’agissait de cananéen, qui a donné le proto-hébreu de la période du Premier Temple.

La Dr en archéologie Eilat Mazar, le 22 février 2010. (Crédit : Abir Sultan/Flash 90)

Selon l’analyse de Vainstub, cette inscription ne constitue pas un « texte cohérent », mais trois des lettres de l’arabe méridional ancien évoquent le mot « labdanum ».

Une autre lettre, semblable à la lettre hébraïque het, renvoie au chiffre « 5 ». Trois autres lettres ne sont pas interprétables, dit-il.

L’étude signe une prise de conscience croissante de « l’écriture arabe méridionale et des langues parlées et écrites par les civilisations qui se sont développées dans le sud-ouest de la péninsule arabique à partir de la fin du deuxième millénaire avant notre ère ».

Le savoir en la matière s’est « considérablement développé ces dernières décennies », écrit-il, à la faveur de trois facteurs : l’augmentation des cas de découverte d’inscriptions lors de fouilles dans la zone, les nouvelles bases de données qui retracent les inscriptions et enfin l’utilisation de la datation au radiocarbone pour les tiges de feuilles de palmier et les bâtons de bois revêtus d’inscriptions en arabe méridional ancien, qui complètent l’analyse paléographique des épigraphistes.

Le Dôme du Rocher, à gauche, sur le complexe appelé al-Haram al-Sharif par les musulmans et mont du Temple par les Juifs, et le mur Occidental, site le plus saint du judaïsme, dans la Vieille Ville de Jérusalem, en octobre 2007. (Crédit : Jack Guez/AFP)

La découverte du fragment de jarre à l’Ophel, considéré comme un centre administratif à l’époque du Premier Temple, cadre bien avec la lecture de l’inscription par Vainstub, qui renvoie à la résine de gomme utilisée dans l’encens sacerdotal.

Dans son article, il cite d’autres sections de la Bible dans lesquelles « les aromates et ‘la bonne huile’ faisaient partie des marchandises stockées dans le trésor royal (2 R 20: 12-13; Ésaïe 39: 1-2 ALTER).

Par ailleurs, Vainstub nous rappelle que l’historien juif de l’époque romaine, Josèphe Flavius, écrivait que « les premières plantes d’opobalsamum sont venues en Israël du royaume de Saba pendant le règne de Salomon comme cadeau pour le roi. À partir de là, elles ont été cultivées localement en deux endroits, géographiquement et climatiquement similaires à Saba, à savoir Ein Gedi et Jéricho ».

Vainstub affirme enfin que l’inscription d’Ophel ravive le débat séculaire sur l’historicité de la visite d’une délégation du royaume de Saba au roi Salomon, au 10e siècle avant notre ère (évoqué dans le Livre des Rois et des Chroniques).

Routes commerciales transarabes vers la mer Méditerranée. (Avec la permission de Daniel Vainstub)

Comme il le déclare dans un communiqué de presse de l’Université hébraïque, « Cette inscription déchiffrée sur cette jarre nous renseigne non seulement sur la présence d’un locuteur de Sabéen en Israël à l’époque du roi Salomon, mais aussi sur les relations géopolitiques dans la région à cette époque, au regard de l’endroit où le pot a été découvert, connu pour être également un important centre administratif du temps du roi Salomon.

« C’est une nouvelle preuve des relations commerciales et culturelles intenses qui existaient entre l’Israël du roi Salomon et le royaume de Saba », conclut Vainstub.

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