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Analyse

UNESCO : Le départ prévu d’Israël n’améliorera probablement rien

Dans la mesure où le problème réside parmi les états-membres individuels et non avec l'institution, Jérusalem ne fera que nuire à ses intérêts en claquant la porte, affirment les critiques

Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Le siège de l'Unesco à Paris. (Crédit : Wikimedia Commons/Albertus teolog/domaine public)
Le siège de l'Unesco à Paris. (Crédit : Wikimedia Commons/Albertus teolog/domaine public)

Très peu des décisions du Premier ministre bénéficient d’un large soutien de la part de ses adversaires politiques en Israël, celle de commencer à préparer le « départ » de l’UNESCO est assurément l’une d’elles.

L’animosité est en effet très vive au sein de l’Etat juif contre l’Organisation pour l’Education, la Science et la Culture des Nations unies en raison d’une série de résolutions anti-israéliennes qui ont été adoptées ces dernières années – un grand nombre niant les liens historiques unissant les Juifs aux lieux les plus saints du pays.

Toutefois, le départ d’Israël n’entraînera probablement pas les changements désirés dans l’organisation, estiment les critiques. Il pourrait même affecter de manière négative, selon eux, les intérêts de l’Etat juif.

Cela fait longtemps que les Israéliens débattent pour savoir s’il vaut mieux s’engager dans des organisations partiales en tentant de les améliorer de l’intérieur ou les quitter pour ôter leur légitimité à de telles institutions. Jusqu’à présent, avec l’UNESCO, Jérusalem avait opté pour la première possibilité malgré la frustration grandissante entraînée par des résolutions ouvertement partiales. Et la semaine dernière, c’est cette école de pensée qui a remporté une grande victoire.

Clamer la victoire… Puis partir

L’ironie est qu’Israël a annoncé son intention de quitter l’UNESCO vingt-quatre heures après avoir enfin obtenu un résultat réjouissant. Et cette décision a été en partie stimulée non pas par un planning israélien, mais par la décision surprise des Etats-Unis de se retirer.

Jérusalem venait juste d’enregistrer un succès diplomatique majeur. Le 11 octobre, le bureau exécutif de l’organisation a accepté à l’unanimité de reporter un vote concernant des résolutions anti-israéliennes.

« Les décisions que vous venez d’adopter sont, je l’espère, un vent qui changera l’avenir de l’organisation », avait commenté l’ambassadeur israélien à l’UNESCO Carmel Shama-Hacohen immédiatement après le vote.

« Lorsque Israël est devenu membre de l’UNESCO il y a 68 ans, nous partagions le rêve d’un monde meilleur, le rêve d’un meilleur avenir. Nous nourrissons encore ce rêve et nous pensons toujours que l’UNESCO a la capacité de contribuer à un monde meilleur pour nos enfants », avait-il déclaré.

L'ambassadeur israélien auprès de l'UNESCO, Carmel Shama-Hacohen, prend une copie de la résolution tout juste votée à l'UNESCO, et la met à la poubelle de "l'histoire", le 26 octobre 2016. (Crédit : autorisation)
L’ambassadeur israélien auprès de l’UNESCO, Carmel Shama-Hacohen, prend une copie de la résolution tout juste votée à l’UNESCO, et la met à la poubelle de « l’histoire », le 26 octobre 2016. (Crédit : autorisation)

Dans un communiqué commentant ce « résultat sans précédent », Shama-Hacohen avait déclaré qu’il était « le fruit de trois années de travail diplomatique difficile, épuisant et frustrant ». Il avait ajouté que « nous sommes d’ores et déjà aujourd’hui tournés vers la prochaine étape et nous n’avons aucune raison de nous reposer sur nos lauriers ».

Ce qu’il ignorait à ce moment-là, c’est que « la prochaine étape » exigerait la suppression de son poste. Parce que quelques minutes après l’annonce par les Etats-Unis de leur départ de l’UNESCO, Shama-Hacohen a conseillé qu’Israël emprunte également le même chemin.

Environ 30 heures après s’être réjoui d’une victoire remportée dans une bataille et avoir commencé à se préparer pour la suivante, il a soudainement vivement recommandé à Israël de quitter purement et simplement le front (selon Haaretz, Israël a été pris au dépourvu par la décision de Washington de quitter l’institution).

L'ancienne ministre de la Culture française et nouvelle directrice de l'UNESCO, Audrey Azoulay, a prononcé une conférence de presse à la suite de son élection le 13 octobre 2017 au siège de l'UNESCO à Paris. (Crédit : AFP / Thomas Samson)
L’ancienne ministre de la Culture française et nouvelle directrice de l’UNESCO, Audrey Azoulay, a prononcé une conférence de presse à la suite de son élection le 13 octobre 2017 au siège de l’UNESCO à Paris. (Crédit : AFP / Thomas Samson)

Autre tournant ironique, le 13 octobre – le lendemain de l’annonce par Israël de son intention de quitter l’UNESCO – Audrey Azoulay, une femme juive qui a des proches en Israël, a vaincu son rival qatari et a été élue au poste de directrice-générale.

Si les responsables israéliens ont estimé que la nomination d’Azoulay était une bonne nouvelle, cela n’a pas affecté leur soutien au retrait de Jérusalem de l’agence culturelle. Netanyahu a dit dimanche qu’il espérait que l’UNESCO abandonnerait ses manières « antisémites » mais a ajouté qu’il n’était pas optimiste pour autant. « Et ma directive reste donc de quitter l’organisation et nous allons avancer vers cet objectif », a-t-il déclaré.

Ce n’est pas le moment pour que les démocraties abandonnent l’UNESCO

La décision prise par Jérusalem est déplorée non seulement par l’institution culturelle mais aussi par certains états-membres et même par des groupes juifs qui critiquent habituellement la partialité anti-israélienne affichée par l’agence.

« Ce n’est pas le moment pour que les démocraties abandonnent l’UNESCO », a commenté Shimon Samuels, directeur des relations internationales au centre Simon Wiesenthal. « Ce départ va laisser rapidement un vide qui sera rempli par les ennemis de la démocratie ».

La Russie a pointé l’ironie du départ d’Israël vingt-quatre heures seulement après avoir fêté « un vent changeant ».

Dans une déclaration dénonçant le retrait d’Israël, Maria Zakharova, porte-parole du ministère des Affaires étrangères à Moscou, a souligné que ce départ « survient à un moment où émerge une tendance à apaiser les tensions politiques durant les débats sur les ‘résolutions palestiniennes’ concernant la préservation de la Vieille Ville de Jérusalem et la restauration et le développement de la bande de Gaza, sans oublier les dossiers sur des affaires de culture, d’éducation, d’égalité des genres et de travaux en direction des jeunes sur les Territoires palestiniens ».

La porte-parole du ministère des Affaires étrangères russe Maria Zakharova (Capture d'écran via YouTube)
La porte-parole du ministère des Affaires étrangères russe Maria Zakharova (Capture d’écran via YouTube)

La démarche de l’Etat juif « mettra un terme à la coopération entre la Russie et Israël dans le cadre de l’organisation », a ajouté Zakharova, citant les efforts éducatifs menés pour prévenir l’extrémisme et le radicalisme et les programmes de commémoration de l’Holocauste.

Ironiquement, la Russie est l’un des pays qui a persisté à voter en faveur des résolutions parrainées par les Arabes qui ont poussé Israël à partir. Toutefois, lorsqu’il s’agit de donner un avis sur le départ de l’Etat juif de l’UNESCO, il est important de se souvenir que la décision de proposer et de soutenir des résolutions anti-israéliennes est prise dans les capitales du monde entier et au siège parisien de l’institution.

« Il n’y a pas de problèmes avec l’organisation. Le problème, ce sont les états-membres qui soumettent des textes spécifiques et qui votent comme ils le font », estime Yigal Palmor, ancien porte-parole du ministère des Affaires étrangères israélien.

Le travail professionnel réalisé par l’UNESCO est « bon » et de nombreux diplomates israéliens peuvent en témoigner, ajoute-t-il. « Israël a bénéficié professionnellement d’avoir travaillé avec l’UNESCO sur des programmes spécifiques et tout cela n’a rien à voir avec les résolutions scandaleuses qui ont été votées par le comité exécutif ».

Irina Bokova, présidente sortante de l’institution, n’était sûrement pas une ennemie d’Israël – bien au contraire, affirme Palmor.

L'ambassadeur israélien auprès de  l'UNESCO, Carmel Shama-Hacohen, avec la directrice générale de l'agence culturelle, Irina Bokova, le 26 septembre 2017. (Crédit : Erez Lichtfeld)
L’ambassadeur israélien auprès de l’UNESCO, Carmel Shama-Hacohen, avec la directrice générale de l’agence culturelle, Irina Bokova, le 26 septembre 2017. (Crédit : Erez Lichtfeld)

« Elle est sortie de sa discrétion diplomatique traditionnelle pour exprimer son fort malaise devant certains des votes sur Israël mais cela n’a pas, bien entendu, influencé aucun des pays qui se sont réunis pour voter par calcul purement politique, lâcheté diplomatique, indifférence scandaleuse ou en raison d’un agenda clairement et purement et simplement anti-israélien ».

Jérusalem entretient de bonnes relations bilatérales avec Moscou, Pékin et d’autres qui appuient habituellement les résolutions pro-palestiniennes dans des organisations internationales variées. « Mais dans les organismes multilatéraux, les règles de l’amitié changent », commente Palmor. « Si nous voulons nous plaindre, nous devons nous plaindre des pays spécifiques qui lèvent la main en faveur des votes anti-israéliens. C’est eux qui en endossent la totale responsabilité, ce n’est pas la plate-forme qui les a rassemblés ».

Les partisans de la décision prise par Jérusalem affirment que le fait que des pays importants quittent l’UNESCO amènera les états-membres, effrayés, à combattre les résolutions partiales anti-israéliennes, craignant que les Etats-Unis et Israël ne quittent également les autres organisations.

L’ambassadrice à l’ONU Nikki Haley a averti que les autres instances des Nations unies pourraient également se trouver sous le couperet américain si elles ne parvenaient pas à refréner leur obsession anti-israélienne.

« La décision d’aujourd’hui est un tournant pour l’UNESCO. Les résolutions absurdes et scandaleuses de l’organisation contre Israël ont des conséquences », a estimé jeudi l’ambassadeur israélien à l’ONU, Danny Danon. « Aujourd’hui est un nouveau jour aux Nations unies et il y a dorénavant un prix à payer pour la discrimination envers Israël.”

Palmor exprime son désaccord sur ce principe. Quitter l’UNESCO, affirme-t-il, ne rendra certainement pas l’institution plus amicale envers l’Etat juif.

« La Chine ou Cuba ou la Libye ou le Qatar seront-ils émus ou confondus à un tel point par le départ des Etats-Unis que cela les engagera dans une introspection profonde et à s’amender ? Je ne le pense pas », dit-il. Certains pays européens peuvent comprendre le message, reconnaît-il, « mais globalement, les autres faiseurs de troubles à l’UNESCO ne s’en émouvront guère ».

Les Etats-Unis ont-ils poussé Israël dans une impasse ?

Shmuel Rosner, journaliste et membre éminent du JPPI (Jewish People Policy Institute), suggère pour sa part qu’Israël n’a pas véritablement le désir de quitter l’UNESCO. Le système entier des Nations unies et un grand nombre d’autres organisations internationales sont de façon inhérentes partiales envers l’Etat juif et pourtant, la stratégie d’Israël a toujours été de tenter de changer les choses de l’intérieur, dit-il.

Israël a quitté l’UNESCO parce que l’administration américaine ne lui a laissé aucun autre choix, a écrit Rosner dans un article paru mercredi dans The International New York Times.

« Israël ne peut pas laisser les Etats-Unis quitter une organisation en raison de sa partialité anti-israélienne et en rester membre. En même temps, Israël ne peut pas sembler ingrat envers les Etats-Unis et laisser entendre que quitter l’UNESCO n’est peut-être pas la meilleure initiative pour l’Etat juif », dit-il dans l’article.

Mais la vérité est qu’Israël aurait préféré continuer sa stratégie de longue date aux Nations-Unies : Rester membre et combattre en faveur des intérêts du pays. Israël préférerait travailler à améliorer l’UNESCO – rendre l’agence un peu moins hostile, un peu moins obsédée par Israël. Mais maintenant cette option semble en danger. »

Le bureau exécutif de l'UNESCO vote pour désigner le nouveau directeur-général de l'agence au mois d'octobre 2017 (Autorisation)
Le bureau exécutif de l’UNESCO vote pour désigner le nouveau directeur-général de l’agence au mois d’octobre 2017 (Autorisation)

Le 12 octobre, le département d’Etat américain a fait part à l’UNESCO de son désir de se retirer de l’institution. Selon la constitution de l’agence, cette décision prendra effet le 31 décembre 2018 (il n’y a aucun moyen de la quitter plus tôt).

Israël, d’un autre côté, doit encore officiellement notifier son intention de partir de l’UNESCO, a expliqué mercredi le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Emmanuel Nahshon. Jusqu’à présent, Jérusalem a simplement « commencé à préparer » cette initiative, a-t-il ajouté.

En d’autres mots, il n’est pas trop tard pour qu’Israël retire son retrait.

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