US: Des étudiants révoltés par une collecte de dons dans un club au passé antisémite
C'est "la goutte d'eau qui a fait déborder le vase", selon des élèves du Connecticut College qui occupent un bâtiment et réclament plus de fonds pour les études sur les préjugés

JTA – Lorsque les étudiants du Connecticut College ont appris que leur présidente avait prévu de participer à une collecte de fonds dans un club de golf au passé raciste et antisémite, ils se sont mobilisés.
Unity House – le bâtiment de l’école destiné aux programmes portant sur les études de la race et de l’ethnicité – n’étant pas assez spacieux pour les accueillir tous, la réunion le plus importante, celle qui a été le coup d’envoi d’une campagne de plusieurs semaines contre l’université, s’est déroulée dans un espace plus grand : la maison Hillel.
« Disposer sur le campus d’un lieu qui soit un espace sûr pour se rassembler entre membres d’une même communauté [juive] m’a semblé extrêmement important », a déclaré à la Jewish Telegraphic Agency Ilan Listgarten, un étudiant juif de deuxième année à l’université.
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Trois semaines plus tard, les étudiants du Connecticut College se sont installés dans un endroit encore plus grand. En effet, ils occupent depuis bientôt une semaine un bâtiment administratif central sur le campus de New London et ils bénéficient du soutien du corps enseignant et du personnel.
Les étudiants demandent la démission de la présidente et réclament des fonds supplémentaires ainsi qu’un soutien pour divers programmes d’études ethniques et pour les associations estudiantines. Leurs demandes comprennent l’amélioration du programme d’études juives (l’école propose actuellement un diplôme de premier cycle) et une formation en matière de préjugés pour lutter contre l’antisémitisme.
Les tensions sont si fortes que les dirigeants de Hillel ont même annulé un dîner de Shabbat prévu avec la présidente contestée, Katherine Bergeron. Il s’agit d’un événement annuel qui aurait dû avoir lieu le 3 mars cette année.
Alors que les étudiants et les professeurs juifs sur d’autres campus se sont plaints d’être exclus par l’activisme woke, la crise au Connecticut College a pris une direction différente. Les étudiants juifs jouent un rôle de premier plan dans les mouvements de protestation et ils travaillent en étroite collaboration avec une coalition d’activistes d’autres horizons qui ont expressément invité Hillel à se joindre à leurs efforts. C’est remarquable car, dans d’autres écoles à travers le pays, le recrutement de partisans parmi les coalitions de groupes minoritaires est un des moyens utilisé par les activistes pro-palestiniens – qui boycottent (ou sont eux-mêmes exclus de) Hillel, en raison de sa position pro-israélienne.
« Je me suis senti encore plus fier d’être Juif sur le campus en ce moment », a déclaré à la Jewish Telegraphic Agency Davi Schulman, étudiant en deuxième année de journalisme et membre de l’équipe des responsables du Connecticut College Hillel. « Et je suis tout simplement fier d’être un étudiant au Connecticut College. Nous sommes vraiment unis comme nous ne l’avons jamais été auparavant. »
La participation d’Hillel, selon les observateurs, s’explique par le fait que l’antisémitisme est à l’origine du soulèvement étudiant.
Bergeron avait prévu de participer à une collecte de fonds pour le collège qui devait se tenir au Everglades Club, un club de golf exclusif à Palm Beach, en Floride, qui a longtemps refusé l’accès et l’adhésion aux Juifs et aux Noirs (parmi lesquels l’artiste juif noir Sammy Davis Jr. et la reine juive des cosmétiques Estée Lauder).
Aujourd’hui, le club reste très discret quant à ses règles d’adhésion actuelles, mais selon certains témoignages récents de responsables, le club ne pratiquerait plus de discrimination à l’égard des Juifs. Son passé antisémite avait pourtant suffi à dissuader l’ancien président Donald Trump de lui vendre son club de Mar-a-Lago dans les années 1990.
La communauté universitaire dans son ensemble n’avait eu connaissance de la collecte de fonds qu’après la démission du doyen responsable de l’égalité institutionnelle et de l’inclusion, ou DIEI, le 7 février, un an seulement après son entrée en fonction, en raison du refus de la présidente de suivre son conseil d’annuler la collecte de fonds. Bergeron avait annoncé le lendemain que l’événement avait été annulé et elle avait présenté ses excuses « à tous ceux qui ont jugé nos projets contraires aux valeurs de Conn ou à l’institution inclusive que nous aspirons à être ».
Le doyen avait transmis sa lettre de démission à un groupe d’étudiants activistes, lançant ainsi la formation de ce qui est devenu Student Voices for Equity (Voix étudiantes pour l’égalité) – et précipitant également la réunion dans le bâtiment Zachs Hillel, qui couvre 620 m². Des étudiants juifs avaient suggéré ce lieu, ouvert en 2014 pour accueillir les quelque 200 étudiants juifs de l’école, dès lors qu’il était devenu évident que la salle dans la Unity House ne pourrait accueillir des centaines de personnes.

La controverse autour de cette collecte de fonds a été « la goutte d’eau qui a fait déborder le vase », selon la femme rabbin Susan Schein, directrice du Connecticut College Hillel (et employée du bureau de la diversité et de l’égalité de l’université). Selon elle et des étudiants, la gestion de Bergeron suscitait un mécontentement de longue date sur le campus ; plusieurs étudiants ont par ailleurs déclaré qu’ils souhaitaient une augmentation des subventions et du soutien aux programmes d’études ethniques et aux programmes axés sur la diversité.
Quand la direction de Hillel a été approchée par les étudiants activistes pour qu’un représentant juif se joigne à leurs efforts, la demande a été presque immédiatement acceptée et ce rôle a été confié à Listgarten, qui aide actuellement à soutenir les quelque 30 étudiants qui occupent le bâtiment du campus où se trouve le bureau de la présidente. Hillel a également publié une déclaration de solidarité avec les objectifs du mouvement.
Un porte-parole du Connecticut College a déclaré à la JTA que Bergeron et l’administration de l’école « prennaient très au sérieux les questions qui ont été soulevées » et que l’établissement allait mener une enquête indépendante sur « les problèmes liés au lieu de travail ». Le collège s’est également engagé à consacrer « des ressources supplémentaires importantes » à ses efforts en matière de diversité. Il n’a pas précisé comment s’était déroulée la collecte de fonds prévue au country club. Mme Bergeron a envoyé six lettres à la communauté du campus au sujet de la controverse depuis la démission initiale du doyen de la diversité.
L’aisance avec laquelle la communauté juive du campus s’est intégrée dans ce mouvement témoigne des efforts délibérés déployés par Hillel pour établir des relations entre Juifs et non-Juifs sur le campus, affirment Listgarten et Schein. Hillel organise des événements tels que le « Shabbat de l’unité » destiné à rassembler d’autres groupes marginalisés, et son centre – lequel comprend une salle de jeux – a été conçu par le bailleur de fonds Henry Zachs comme un espace commun pour Juifs et non-Juifs, a déclaré Schein.
Il n’en a pas toujours été ainsi au Connecticut College. En 2015, l’école avait attiré l’attention du pays tout entier lorsqu’un étudiant avait condamné le « racisme » d’une publication sur Facebook, vieille de plusieurs mois, d’un professeur juif sur le conflit de l’année précédente dans la bande de Gaza. Le professeur avait utilisé de manière équivoque une analogie avec des « pitbulls enragés », sans préciser s’il parlait du Hamas ou de tous les Palestiniens.
Dans la foulée, des centaines d’étudiants et d’anciens élèves avaient signé une pétition en ligne demandant au collège de condamner la publication « raciste et déshumanisante ». Des militants pro-Israël avaient pris la défense du professeur et ils avaient accusé la communauté universitaire d’être hostile aux opinions juives et pro-Israël.
Selon Listgarten, la question d’Israël n’a pas été soulevée au cours de cette période particulière d’activisme chez les étudiants, et le dialogue entre Juifs et non-Juifs reste civilisé. Il a confirmé que Bergeron avait également organisé des dîners annuels de Shabbat avec les étudiants de Hillel. Mais cette année, après que la controverse sur la collecte de fonds a éclaté au grand jour, les dirigeants de Hillel ont décidé de ne pas l’inviter à leur dîner de Shabbat.
« Le conseil d’administration de Hillel a des valeurs très claires en matière de tzedek« , a déclaré Listgarten, en utilisant le mot hébreu pour « justice ». « Après l’événement et après avoir constaté que nos valeurs étaient radicalement opposées à celles de la présidente, nous avons annulé. »
Malgré leur accueil chaleureux, Schulman a déclaré avoir été « perturbée » par le fait que les autres militants du campus « avaient systématiquement mentionné la communauté juive du campus et [l’] ont inclus[e] dans le groupe des étudiants marginalisés ». À ses yeux et à ceux des autres dirigeants de Hillel, la communauté juive jouit de « privilèges » que les étudiants de certains milieux n’ont pas, et ils en ont fait un élément central de leur message. À titre d’exemple, ils citent la maison Hillel Zachs et son état de préservation qui est meilleur que celui d’autres espaces universitaires consacrés aux programmes sur la race et l’ethnicité.
« Nous ne voulons pas donner l’impression d’imposer un quelconque programme ou quoi que ce soit d’autre », a dit M. Schulman. « Nous prenons du recul et nous soutenons tous ceux qui expriment leurs sentiments. »
D’après Schein, cette dynamique a été décisive dans la réussite de Hillel à se faire accepter au sein de la communauté universitaire. Elle a invoqué les enseignements juifs en guise d’explication.
« La question du country club qui a été soulevée concernait l’antisémitisme, et je pense que cela a attiré l’attention des étudiants juifs. Mais ces derniers ont constaté qu’il ne s’agissait pas seulement d’eux-mêmes, et que la responsabilité de soutenir les autres leur incombait », a déclaré Schein.
Citant la célèbre citation du rabbin Hillel, homonyme du groupe du campus, elle a ajouté : « Ils se sont engagés. Ils auraient très bien pu rester en dehors, mais ils se sont dit : ‘C’est le moment de soutenir nos collègues de DIEI.’ Et c’est ce que fait le campus. Ils ont dit : ‘Si on ne le fait pas maintenant, alors quand ?' »
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