USA : Le FBI doit améliorer la collecte de données sur les crimes de haine
Kathy Manning estime que le nouveau système de données est en partie responsable du fait que des pans entiers du pays n'ont pas signalé d'incidents motivés par la haine
Luke Tress est le vidéojournaliste et spécialiste des technologies du Times of Israël
Un groupe de membres du Congrès américain a exhorté le FBI à intensifier sa collecte de données sur les crimes à caractère haineux lors d’une réunion mardi, après qu’un rapport largement critiqué de l’agence a laissé de côté des informations provenant de larges pans du pays.
Le rapport publié lundi par le FBI sur les crimes de haine aux États-Unis en 2021 ne contenait aucune donnée sur la ville de New York, la majeure partie de la Floride et toute la Californie, régions où se trouvent certaines des plus grandes populations juives américaines.
Les groupes juifs ont exprimé leur inquiétude face à ce rapport « bâclé », affirmant qu’il sous-représente les menaces pesant sur leurs communautés, alors que d’autres données indiquent une montée en flèche de l’antisémitisme.
La représentante de la Chambre des représentants des Etats-Unis, Kathy Manning, une Démocrate de Caroline du Nord et co-présidente du groupe de travail bipartisan de la Chambre des représentants pour la lutte contre l’antisémitisme, a déclaré que le manque de données était en partie dû à un nouveau système national de collecte de données. Manning et d’autres membres du Congrès ont rencontré le directeur adjoint du FBI, Brian Griffith, mardi après la publication du rapport.
Les responsables de l’application de la loi ont décidé de créer un nouveau système de collecte de données pour les crimes de haine dans les années 1990, qui nécessiterait la saisie d’informations plus détaillées, notamment sur l’auteur, la victime, la relation entre eux et la motivation du crime.
Mais ce système, appelé National Incident-Based Reporting System, ou NIBRS, n’a pas été entièrement mis en œuvre et, en 2015, le FBI a informé les forces de l’ordre locales qu’elles devraient commencer à l’utiliser d’ici 2021.
Cependant, de nombreux organismes chargés de l’application de la loi n’ont apparemment pas effectué la transition, ce qui a conduit au rapport incomplet de lundi. Environ un tiers de toutes les agences n’ont pas soumis de données pour le rapport, tandis que d’autres villes, comme Chicago, ont utilisé le système mais n’ont signalé aucun crime de haine.
Malgré l’omission « de grandes quantités de données », le rapport fait état de 7 262 crimes haineux en 2021, soit le troisième chiffre le plus élevé de ces dix dernières années. Les crimes de haine antisémites représentaient le pourcentage le plus élevé de crimes haineux fondés sur la confession.
« On ne sait toujours pas ce qui s’est passé sur le terrain pour provoquer un tel échec de la collecte de données », a déclaré Manning, mais elle a émis l’hypothèse que la nécessité de fournir davantage de détails était peut-être trop contraignante et prenait trop de temps pour les agents locaux.
« Il faut analyser la raison pour laquelle ces données n’ont pas été soumises et, franchement, si le système est trop lourd et ne fonctionne pas, nous devons en être conscients », a déclaré Manning, qui a déjà présidé l’Assemblée générale des Fédérations juives d’Amérique du Nord, .
Manning a rencontré le FBI ainsi que sept autres législateurs démocrates et un républicain. Ils ont demandé au FBI de fournir une mise à jour d’ici la fin du premier trimestre de 2023 sur ce qui s’est passé avec le processus de collecte et de voir s’ils peuvent recueillir plus de données.
« Les législateurs ont également évoqué la perspective de rendre obligatoires les signalements des crimes à caractère haineux par les agences, qui sont aujourd’hui volontaires », a déclaré Manning.
Le FBI prend la question au sérieux et Manning a souligné qu’elle ne critiquait pas les forces de l’ordre, qui ont empêché de nombreuses violences antisémites l’année dernière.
« De meilleures données donneront une image plus complète de l’ampleur du problème et faciliteront une meilleure réponse, notamment en permettant de savoir qui sont les auteurs de ces actes », a-t-elle ajouté.
« Nous avons connu dans la communauté juive, au cours des dernières années, de la violence contre les lieux de culte juifs, contre les centres juifs, les organisations juives et les individus juifs. Selon moi cela ne ressemble à rien de ce que nous avons vu dans le passé », a déclaré Manning, soulignant les attentats de ces dernières années à Pittsburgh, à Poway en Californie et à Monsey à New York.
« Nous assistons à une croissance de la rhétorique antisémite de la part de personnes éminentes dans l’industrie du divertissement », a-t-elle déclaré. « Nous le voyons sur les campus universitaires, nous le voyons maintenant dans les lycées, et il est inacceptable que les Juifs craignent pour leur vie ou soient soumis à l’embarras, à l’intimidation ou au ridicule. »
Les responsables fédéraux et locaux ont pris des mesures pour inverser la tendance à la montée de l’antisémitisme aux Etats-Unis au cours des dernières semaines.
La Maison Blanche a annoncé lundi la création d’une commission inter-agences dédiée à la lutte contre l’antisémitisme, en réponse aux recommandations des sénateurs, des représentants et des principales organisations juives américaines favorables à une « approche transversale » d’un phénomène en pleine résurgence.
Les responsables de New York ont annoncé une série de mesures pour combattre l’antisémitisme et d’autres crimes de haine au cours des dernières semaines, alors que des attaques quasi quotidiennes ont été signalées contre la communauté juive de l’État, la plus importante du pays.