Vernissage d’une expo sur le thème biblique romain sous la porte de Damas à Jérusalem
Située dans le quartier musulman de la Vieille Ville, une porte du IIe siècle permet d'entrevoir l'histoire et le présent complexe de la capitale sous un angle inattendu

C’est une journée d’hiver ensoleillée et fraîche, à Jérusalem : des vendeurs circulant avec des chariots à l’ancienne, des femmes portant des foulards, des prêtres chrétiens et des passants de tous horizons se croisent sous la célèbre porte de Damas, principale voie d’accès au quartier musulman de la Vieille Ville, qui le relie de surcroît au quartier arabe de Bab az-Zahra.
A plusieurs mètres sous le sol, une autre porte a récemment été rouverte au public, et ce pour la toute première fois depuis des années, porteuse d’un nouvel aperçu sur l’histoire de la ville à plusieurs niveaux. Cette porte, qui remonte au IIe siècle de notre ère, lorsque Jérusalem était sous domination romaine, a été baptisée « Porte de la ville » par la Société de développement de Jérusalem-Est (également connue sous son acronyme hébreu PAMI). Organisme public créé en 1966 afin de restaurer les quartiers de Yemin Moshe et Mamilla, PAMI a surtout fait porter ses efforts sur les sites touristiques ces trente dernières années.
« Aujourd’hui, nous nous trouvons sur le site d’une porte vieille de 1 900 ans qui nous raconte l’histoire fascinante de Jérusalem », explique Beni Sasi, PDG de PAMI. « Nous connaissons tous la porte de Damas construite par Solimane, mais peu de gens savent qu’en dessous se trouvent les vestiges de l’ancienne Jérusalem. »
Au cours de la première moitié du IIe siècle de notre ère, quelques décennies après que les Romains ont, en 70 de notre ère, détruit le Temple juif et tué, réduit en esclavage ou expulsé tous les Juifs de la ville, l’empereur romain Hadrien est venu dans les provinces orientales de l’empire, et notamment en Judée. C’est alors qu’il décide de construire une ville romaine grandiose, Aelia Capitolina, sur les ruines de Jérusalem.
Aelia Capitolina possédait quatre portes autoportantes. La porte nord comportait trois arcs. Cette nouvelle porte comprend une arche orientale d’environ 4,85 mètres de haut. L’ouverture mène à la place romaine intérieure et à la tour de garde orientale. D’une hauteur de 12 mètres, elle est bien restaurée et offre un accès à la promenade des remparts, en surplomb des murs de la Vieille Ville, que PAMI gère également.

« La colonia Aelia Capitolina [a construit cela] par décret des Décurions de la ville », peut-on lire sur une inscription latine au-dessus de la clé de voûte de l’arc.
Une fois franchi la porte, les visiteurs sont invités à entrer dans la salle de garde de la tour, où leur est proposé un passionnant spectacle de lumière sur le rôle des portes dans la Bible hébraïque – lieux tour à tour dédiés à la justice, au commerce, aux prophétie ou aux rois.
La salle suivante présente une reproduction virtuelle de la carte de Madaba, célèbre mosaïque de la Jérusalem du VIe siècle, découverte à la fin du XIXe siècle dans une ancienne église byzantine de Jordanie. On peut voir sur cette carte une représentation de la porte nord de la ville, symbolisée par la célèbre colonne qui lui a donné son nom en arabe (à ce jour, la porte de Damas est connue en arabe sous le nom de Bab al-Amud, la porte de la colonne).

On trouvera également dans cette exposition une reproduction créative de l’ancienne colonne, avec le nom de Jérusalem écrit dans plusieurs langues. Une autre salle présente des reproductions imprimées en 3D de toutes les portes du mur ottoman qui offrent à ce jour un accès à la Vieille Ville.
Construit au XVIe siècle par Solimane, le mur comprend également la porte moderne de Damas, érigée au sommet de la structure romaine du IIe siècle.

Le site a fait l’objet de fouilles par des archéologues dans les années 1930, puis à nouveau dans les années 1960 et 1980.
Une autre installation de cette exposition met l’accent sur le lien entre le peuple juif et la ville de Jérusalem, avec le célèbre verset de la Bible : « Si je t’oublie, ô Jérusalem » (Psaume 137:5).

« Un symbole du renouveau juif »
L’exposition est le fruit du travail de Breeze Creative, société de production déjà à l’origine d’installations et de spectacles multimédias pour des musées et des parcs un peu partout en Israël, notamment au parc national de Massada, au Davidson Center – Archeological Garden près du mur Occidental ainsi qu’au Caesarea Harbor Visitor Center.
« Quand nous avons vu cet endroit, nous avons pensé qu’il serait parfait pour offrir au visiteur une expérience immersive », explique au Times of Israel Sagi Yehezkel, PDG de Breeze Creative. « Aujourd’hui, des gens du monde entier viennent à Jérusalem non seulement pour se cultiver, mais aussi pour s’enthousiasmer. »
L’Autorité des antiquités d’Israël a fourni à PAMI et à Breeze les informations archéologiques nécessaires sur les lieux, mais a refusé d’être interviewée dans le cadre de cet article au motif qu’elle n’avait pas pris part à son développement.
Interrogé sur les raisons pour lesquelles PAMI a choisi de créer une installation présentant des thèmes bibliques sans lien direct avec l’histoire des lieux, Sasi répond qu’ils ont voulu « profiter de cette ancienne porte à Jérusalem pour mettre en valeur le rôle de la porte, symbole important dans la société juive ».

« Nous n’avons pas tourné le dos à l’histoire des lieux ; nous expliquons qu’ils remontent à l’époque romaine. Nous expliquons l’histoire d’Aelia Capitolina », dit-il au Times of Israel en marge du vernissage. « Et par ailleurs, il n’y avait pas beaucoup d’endroits où raconter l’histoire de la porte dans la tradition juive et apporter de l’information au public. »
La porte-parole de PAMI, Gura Berger, ajoute que l’installation est également un symbole du renouveau juif.
« Hadrien a tué des centaines de milliers de Juifs, les Romains ont conquis l’endroit, changé le nom de la ville, puis ils ont disparu, et d’autres personnes sont venues, ont reconstruit et changé la ville à nouveau, mais l’État d’Israël est revenu », explique Berger au Times of Israel.
« Ce site est la preuve que l’on peut essayer de conquérir Jérusalem, la croyance juive reste à l’intérieur », ajoute-t-elle. « Personne ne peut emmener le peuple juif très loin d’ici. »
Le ministre des Affaires de Jérusalem, Meir Porush, qui a assisté à l’inauguration du site et placé une mezouza sur ses portes, fait écho à ses propos.
« En ce lieu où nous nous trouvons aujourd’hui, la ville sainte de Jérusalem, sur les ruines de la porte romaine qui était l’entrée de la ville qu’ils ont construite pour effacer tout souvenir du Temple et de la capitale du peuple juif, rappelons-nous ce qui était alors présent – et ce qui conduira à notre victoire aujourd’hui – à savoir l’esprit juif », a-t-il dit lors de son discours.
Une nouvelle présence juive dans le quartier musulman

Ces dernières années, la porte de Damas a souvent été un haut-lieu de tensions entre Palestiniens et Juifs de la ville. En 2015-2016, plusieurs attaques ont eu lieu dans les environs lors de ce que l’on appelé l’« Intifada au couteau ». En 2021, des centaines de Palestiniens se sont affrontés à la police israélienne lors de manifestations contre les restrictions de circulation au niveau de cette porte.
« Israël entend développer la zone autour de cette porte en en redéfinissant le caractère, en promouvant le tourisme et en augmentant la présence israélienne afin d’en diminuer ou dissimuler le caractère palestinien », peut-on lire dans un essai publié en 2021 par Emek Shaveh, organisation israélienne qui se donne pour mission « la protection des sites anciens, en leur qualité de biens publics appartenant aux membres de toutes les communautés, religions et peuples. »
L’essai mentionne à la fois la place romaine, aujourd’hui rebaptisée Porte de la Cité, et la grotte voisine de Sédécias, également gérée par PAMI.
Sasi souligne que l’on trouve dans l’exposition de la porte de la ville une explication de l’histoire du pilier qui a inspiré le nom arabe de la porte, et que tous les panneaux sont écrits en arabe ainsi qu’en hébreu et en anglais.
« Mais cet endroit ne présente pas d’autres liens avec les Arabes », assure-t-il. « Dans l’exposition de la grotte de Sédécias, nous expliquons les croyances musulmanes attachées à ce lieu. Ici, nous n’avons pas trouvé d’autres liens que le nom de la porte. »
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