Violence conjugale : le gouvernement envisage le port d’un badge électronique pour les époux violents
Le ministre de la Sécurité intérieure affirme que le projet de loi “conteste le paradigme actuel”, qui impose des restrictions aux victimes
Raoul Wootliff est le correspondant parlementaire du Times of Israël

Face à l’indignation publique grandissante contre le taux d’homicides des femmes, et dans le contexte de quatre enquêtes de police en cours sur des accidents qui se sont produits la semaine dernière, les ministères devaient débattre ce dimanche d’un moyen de surveiller les époux soupçonnés de maltraitances en les forçant à porter un badge de suivi électronique.
Le projet de loi, qui doit être voté par la commission des lois, autoriserait les tribunaux à ordonner le port d’un badge après le dépôt d’une plainte pour violence conjugale contre une personne, même sans procès ni inculpation. Les défenseurs de ce projet affirment que l’introduction de badges permettrait aux autorités de surveiller avec davantage d’efficacité les suspects en temps réel, et de les empêcher d’entrer en contact avec les femmes qui se sont plaintes.
L’auteur de ce projet, la députée Aliza Lavie (Yesh Atid), a ajouté que cette proposition imposerait des restrictions aux époux violents, au lieu de proposer aux femmes les options actuelles, à savoir une protection de police dans un lieu sûr, mais qui les contraint à quitter leurs domiciles.
« Il n’y a aucune raison que ce soit à la victime de s’enfermer et de se couper du monde, quand il existe des solutions technologiques qui pourraient être efficaces, a déclaré Lavie dans un communiqué. C’est une étape dramatique et nécessaire, pour les femmes qui ont connu l’enfer de la violence domestique, et qui courent un grave danger. »
Lavie pense que le projet de loi obtiendra l’approbation de la commission, étant donné que le ministre de la Sécurité intérieure, Gilad Erdan, a accordé son soutien. Avant le débat de la commission, Erdan a déclaré que le projet « contestait le paradigme actuel » de la prévention de la violence conjugale.

« Plutôt que de faire vivre une femme menacée dans la peur de son époux violent, l’époux serait celui soumis à une surveillance constante, qui l’empêchera de s’approcher, et d’être en mesure d’attaquer, de menacer ou de maltraiter la victime, a-t-il dit. C’est une mesure parmi d’autres que j’encourage pour lutter contre la violence contre les femmes. »
Selon les données de la police, 128 femmes ont été tuées par leurs conjoints en Israël depuis 2011. Une étude de 2016, menée par l’université Ben Gurion, a déterminé que 40 % des femmes israéliennes ont souffert de violence physique, psychologique ou verbale de la part de leurs conjoints.
Samedi soir, après qautre suspicions de meurtre dans la même semaine, près de 200 personnes ont manifesté contre ce qu’elles décrivent comme une réaction policière faible face à cette recrudescence de la violence. De nombreuses personnes ont brandi la photo d’Henriette Kara, 17 ans, retrouvée morte mardi à Ramle, avec plusieurs coups de poignards dans le corps. La police soupçonne les membres de la famille d’être impliqués dans sa mort.

La mort de Kara est la dernière d’une série d’assassinats de femmes arabes israéliennes, qui sont, pour la plupart, attribués à des proches.
Selon les militants, plus de la moitié des victimes de violence domestique sont des femmes arabes, alors que les Arabes représentent moins de 20 % de la population israélienne. L’an dernier, 16 femmes arabes israéliennes ont été tuées.
La moitié des femmes sont tuées dans les quartiers arabes de Ramle et de Lod, des villes proches de Tel Aviv, ou de nombreux gangs impliqués dans le crime organisé ont facilité l’accès aux armes et ont laissé libre cours à la violence, notamment envers les femmes.
Un porte-parole de la police a déclaré au Times of Israël la semaine dernière qu’il « y a des meurtres tous les jours » dans la communauté arabe israélienne, mais que le public ne manifeste pas suffisamment d’intérêt pour qu’ils soient tous médiatisés.
Ces meurtres contiennent certaines similitudes avec les « crimes d’honneur » perpétrés ailleurs dans le monde musulman, où des femmes sont tuées par des proches qui les accusent de salir le nom de la famille, parce qu’elles auraient commis des indiscrétions sexuelles.
Mais en Israël, les militants rejettent ces comparaisons, affirmant que l’écrasante majorité des meurtres sont les résultat d’une escalade de la violence conjugale que la police ignore, dans un contexte omniprésent de drogues, de criminalité et de pauvreté.
