Virus: une loi (très) controversée investit le gouvernement de pouvoirs spéciaux
Le texte voté en première lecture en juin a été révisé et permet à la Knesset d'invalider dans les 24h les mesures adoptées par le cabinet avant leur mise en œuvre et non après
Les députés israéliens ont voté en deuxième et troisième lectures un projet de loi décrié par les partis d’opposition qui confie au gouvernement des pouvoirs spéciaux pour lutter contre la Covid-19 jusqu’en juin 2021.
La « grande loi du coronavirus », telle qu’elle est appelée, autorise le gouvernement à « décréter l’état d’urgence en raison de la pandémie de Covid-19, à promulguer des règlements et à mettre en place des restrictions dans l’espace public et privé ». Cela si le gouvernement est « convaincu qu’il existe un risque réel de propagation du nouveau coronavirus impliquant des dommages importants à la santé publique ».
En outre, le texte comprend une clause qui permet au cabinet de contourner la Knesset et de mettre immédiatement en œuvre des mesures jugées « urgentes », sans préciser les critères pour prendre cette décision. Les commissions de la Knesset, dans ces cas, seront toujours en mesure d’inverser les règlements d’urgence, mais seulement une semaine, et moins de deux semaines, après leur approbation par le cabinet.
48 députés ont voté pour et 35 contre en troisième et dernière lectures.
La législation limite le contrôle parlementaire des décisions de la coalition gouvernementale dirigée par le Premier ministre Benjamin Netanyahu en retirant ses pouvoirs à la commission parlementaire chargée des questions liées à la lutte contre le nouveau coronavirus.
Celle-ci a annulé mardi un décret du gouvernement qui avait ordonné la fermeture des restaurants pour endiguer l’épidémie.
A l’issue de longs débats au sein de la commission des Lois, le texte voté en première lecture le 15 juin a été révisé et permet au Parlement d’invalider dans les 24 heures les mesures restrictives prises par le gouvernement avant leur mise en œuvre et non après comme cela était initialement prévu.
Le projet de loi permet au gouvernement de prolonger l’état d’urgence de 60 jours à la fois, au lieu des 45 jours spécifiés dans la version originale de la loi.
« Dans des pays démocratiques, on ne vote pas des lois draconiennes et dangereuses comme celle-ci », a lâché mercredi Nitsan Horowicz à la tête du parti d’opposition de gauche Meretz. La Knesset accepte de donner ses pouvoirs au gouvernement qui depuis le début de la crise agit sans raison ni logique, a-t-il ajouté. « C’est une honte ».
Au cours d’une session du Comité de la Constitution, du droit et de la justice plus tôt mercredi, le conseiller juridique de la commission, Gur Bligh, a déclaré que la législation était problématique et sans précédent, et que même si elle était meilleure que le projet précédent de juin, « elle aurait pu être encore améliorée » en définissant une période plus longue pour la Knesset pour discuter des mesures.
La gronde populaire s’est intensifiée ces dernières semaines en Israël où des manifestations ont régulièrement lieu pour dénoncer la corruption et la gestion de la pandémie de Covid-19 et de ses conséquences par le gouvernement israélien.
Selon le texte de loi, le gouvernement pourra en outre fixer des conditions pour organiser les manifestations, sans en empêcher leur déroulement.
La députée de Yesh Atid, Karine Elharrar, avait déclaré lors d’auditions antérieures que le texte « élimine tout ce pour quoi nous avons travaillé et exigé afin de préserver la démocratie ». Le député du Likud, Gideon Saar, avait exigé que les commissions de la Knesset reçoivent plus d’autorité.
La législation énumère également les commissions de la Knesset qui auront le pouvoir de statuer sur les restrictions imposées par le cabinet, la commission Corona présidée par Yifat Shasha-Biton étant laissée de côté.
Le pouvoir d’approuver ou de rejeter les mesures sera transféré à quatre autres comités – le Comité de la Constitution, du droit et de la justice; le comité de l’Éducation; le Comité du Travail et de la protection sociale; et le Comité de l’Économie.
La loi entrera en vigueur le 10 août, date d’expiration d’une autre loi approuvée plus tôt ce mois-ci.