Y a-t-il eu un message à l’AG de 2018 ? Oui, mais pas dans le cadre du programme
A la fin de la conférence de trois jours, le rédacteur en chef de la rubrique Monde juif du Times of Israel réfléchit sur les leçons tirées de sources inattendues
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu était en pleine forme lors de l’Assemblée générale annuelle de la Fédération juive d’Amérique du Nord [Jewish Federation of North America – JFNA]. Assis sur l’immense scène de Tel Aviv, flanquée d’écrans géants projetant le leader israélien à tous dans la salle noire, Netanyahu a joué toutes les bonnes notes : La mission historique miraculeuse d’Israël, ses propres succès dans la lutte pour le pluralisme, une anecdote sur « Hamilton » la comédie musicale et les prouesses de l’homme d’État.
Et, bien sûr, la Shoah.
Sauf que, cette fois, l’auditoire des Juifs de la diaspora – beaucoup moins nombreux que le public du discours du président israélien Reuven Rivlin – n’a pas ri de ses blagues. Bien qu’il y ait eu un consensus bruyant au sujet de la reconnaissance de Jérusalem par le président américain Donald Trump, Netanyahu a dû parfois provoquer les applaudissements de la foule.
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En sortant de la salle dans l’atmosphère humide de Tel Aviv, un groupe de femmes de Rochester, New York, parlaient entre elles. L’une d’elles, une dirigeante laïque d’une trentaine d’années, a dit : « Vous savez le truc avec les politiciens ? Avec le temps, ils deviennent très brillants ». Une autre répondit : « Ce qu’il a dit n’avait aucun sens pour moi ». Elles haussèrent les épaules.
Comme on pouvait s’y attendre avec un thème initialement annoncé comme « Nous avons besoin de parler« , il y a eu beaucoup d’interventions pendant les trois jours de la conférence. Même les banderoles qui se profilaient à l’horizon – et les bonbons à la menthe humoristiques du Joint Distribution Committee – portaient la mention « Let’s Talk » [Parlons-en], qui, selon un représentant du JFNA, était le thème final, beaucoup moins menaçant, le plus « vrai ».
Avec toutes ces incitations flagrantes, y avait-il un véritable message ?
Dès la séance plénière d’ouverture, une série de propositions a été présentée pour aider à combler le fossé qui se creuse : Au milieu de la matinée, le professeur Gil Troy, professeur d’histoire de l’Université McGill, a suggéré de réfléchir sérieusement à son idée, conçue conjointement avec Natan Sharansky, ancien directeur de l’Agence juive, d’un Conseil du peuple juif. Un tel conseil, pensent-ils, comprendrait des représentants de l’ensemble de la communauté de la diaspora et aiderait à résoudre les questions controversées.
Après que les accents de la musique mièvre se sont estompés quelques minutes plus tard, Rivlin a parlé de la nécessité d’un « Taglit inversé » pour les Israéliens, ainsi que d’une réécriture du document signé par Jacob Blaustein, président du American Jewish Committee [AJC] et David Ben Gurion, Premier ministre israélien, qui contribua à définir la relation entre Israël et les juifs américains.
« L’accord Blaustein-Ben Gurion… a habilement illustré l’équilibre délicat entre responsabilité mutuelle profonde et non-ingérence. Nous devons chérir ce principe », a déclaré le président.
« Dans le même ordre d’idées, il est temps de mettre à jour ou de formuler un nouvel accord ‘Blaustein Ben-Gurion' », a-t-il dit. « Un accord qui réponde aux réalités et aux défis actuels ».
Pour l’exactitude historique, il convient de noter que l’accord de Blaustein, dont les racines sont fondées sur un communiqué de presse résumant un discours prononcé par Ben Gurion et publié par le dirigeant de l’AJC à son retour aux États-Unis, comprenait des phrases choisies telles que « l’État d’Israël parle uniquement au nom de ses propres citoyens et ne prétend en aucune façon représenter ou parler au nom des Juifs qui sont citoyens de tout autre pays ».
Également dans le document, il est écrit : « Les Juifs des États-Unis, en tant que communauté et en tant qu’individus, n’ont aucun attachement politique vis-à-vis d’Israël ».
De toute évidence, certains Juifs de la diaspora – dont beaucoup sont apparemment des participants à l’AG – n’ont pas reçu le mémo pour ne pas se sentir « attachés politiquement » à l’Etat juif.
Avant de se rendre mardi dans la capitale et à la Knesset, le nouveau directeur de l’Agence juive pour Israël, Isaac Herzog, a appelé à une approche encore différente pour stimuler les échanges : Comme les discussions en anglais n’ont pas porté leurs fruits, il a préconisé une formation plus intensive en hébreu. B’hatzlacha.
Pendant trois jours, il y a eu des « Rooftop Raps » et des « Dialogue Dens » aux noms kitsch. Là, les modérateurs ont utilisé des brise-glaces, des cartes flash et simultanément des applications de vote projetées pour exécuter leurs programmes étroitement planifiés et forcer les connexions.
Mais selon plusieurs participants, dans bien des cas, au moment où les conversations commençaient, il était temps de passer au sujet suivant. La morale de cette histoire ? Vous pouvez parler, mais seulement superficiellement.
Alors qu’une table ronde improvisée s’est spontanément constituée autour de l’utilisation des réseaux sociaux par les impressionnants activistes juifs dans la vingtaine, un Américain de 60 ans, né aux Etats-Unis, technophobe auto-proclamé, s’est posé à voix haute la question « Comment cela peut-il aider le peuple Juif ? » Pour lui, ce discours « moderne » était la fin de la discussion ; pour les militants, c’était une rencontre fructueuse entre les esprits.
Oublions l’apprentissage de l’hébreu et le rapprochement entre Israéliens et Juifs de la diaspora, il est impossible de combler l’écart d’âge.
Au-delà des séances plénières et des conférences programmées, la vraie magie a eu lieu dans les couloirs et lors des pauses repas. Là, d’anciens amis se sont retrouvés autour d’une nourriture étonnamment bonne, et de nouvelles amitiés se sont formées.
Pour la journaliste que je suis, la partie la plus significative des trois derniers jours a été une conversation inattendue avec une personne de 83 ans de Palm Beach, en Floride. Entre ses blagues et les histoires fièrement racontées des succès récents de ses nombreux petits-enfants, Sandy Baklor a partagé le point de vue d’un ancien combattant bénévole et philanthrope de la communauté juive.
Baklor a raconté les fondements des outils de plus en plus évolutifs qui sont maintenant utilisés avec nonchalance pour renforcer les relations entre Israël et la diaspora, depuis le fait que des soldats de Tsahal sont venus prêter main forte aux bus de Birthright – considérés comme un des éléments les plus importants du voyage – et la multitude des programmes pour jeunes adultes, comme le Entwine du JDC, qui sont aujourd’hui largement considérés comme l’une des étapes de développement du leadership.
Avec une vision réaliste du leadership juif vieillissant actuel, Baklor se passionne pour la formation d’une autre génération à qui lui et ses congénères pourront passer le flambeau.
A la fin de notre discussion, il s’est rendu en toute confiance dans la salle d’exposition pour voir par lui-même ce qui pouvait être fait. Et a laissé cette journaliste que je suis pleine d’espoir.
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