Yarden Bibas libéré, le soulagement, l’effroi et la preuve que le Hamas se reconstitue
Alors que l'accord progresse et que Netanyahu se prépare à des entretiens cruciaux avec Trump, les deux objectifs de guerre d'Israël - ramener tous les otages et chasser le Hamas du pouvoir à Gaza - restent toujours aussi difficiles à concilier
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Alors que les otages Yarden Bibas, Ofer Calderon et Keith Siegel, étaient sur le chemin du retour en Israël – un chemin cette fois bref et dépourvu de foule en ébullition, des terroristes du Hamas, cagoulés et armés, étaient filmés au centre d’un convoi de camionnettes blanches traversant la ville de Gaza samedi.
Visionné par les Israéliens qui attendaient la libération des trois otages, le défilé des véhicules a rappelé, comme le souhaitait précisément le Hamas, les images de ce Shabbat matin du 7 octobre 2023, lorsque des vidéos inimaginables de terroristes circulant dans des camionnettes blanches dans les rues de Sderot apportaient la preuve que, pour la première fois, quelque chose de terrible et sans précédent était en train de se dérouler.
Quatorze jours après le début de la première phase de 42 jours de l’accord conclu entre Israël et le Hamas, qui prévoit la libération de 33 otages en échange de la libération de près de 2 000 prisonniers palestiniens détenus par Israël, le quatrième épisode de remise d’otages de samedi a été le plus déchirant à ce jour.
Le Hamas n’a pas répété l’ignoble remise d’otages de jeudi à Khan Younès, lorsque Gadi Mozes, qui va sur ses 81 ans, et Arbel Yehud, 29 ans, ont été longuement exhibés par leurs ravisseurs au milieu d’une foule déchaînée, d’abord depuis les véhicules des terroristes, puis jusqu’aux voitures de la Croix-Rouge qui les attendaient, dans une mise en scène d’horreur.

Cette fois, le Hamas a exercé un contrôle absolu sur les remises d’otages. L’angoisse planait autour de l’identité des personnes libérées, et plus particulièrement de Yarden Bibas, qui n’a pas reçu l’étreinte chaleureuse de sa famille proche mais a retrouvé, à la place, une réalité si terrible que, selon les mots de l’ancien député et résident du kibboutz Beeri, Haim Jelin, « l’âme ne peut pas l’absorber ».
Bibas a été enlevé chez lui, dans le kibboutz Nir Oz, le 7 octobre, alors qu’il était sorti à la rencontre des terroristes pour tenter de sauver sa famille. Il a été emmené à Gaza sur une moto, la tête en sang, tandis que sa femme Shiri, son fils de quatre ans Ariel et son bébé Kfir de huit mois et demi ont été enlevés et détenus ensemble, mais séparés de lui.
En novembre 2023, ses monstrueux ravisseurs lui ont dit que Shiri, Ariel et Kfir avaient été tués lors d’une frappe de Tsahal – une affirmation que l’armée israélienne a qualifiée de propagande cruelle et qu’elle n’a jamais confirmée – et l’ont contraint à tourner une vidéo reprochant au gouvernement israélien de ne pas avoir organisé la restitution de leurs corps.

Bibas, qui a été accueilli samedi par son père Eli et sa sœur Ofri à son retour, est rentré en Israël sans connaître le sort de sa femme et de ses enfants, qui figurent sur la liste des 33 otages à libérer au cours de cette première phase de l’accord, mais qui n’ont toujours pas été libérés, alors même que les enfants et les femmes en vie étaient censés être prioritaires sur les hommes. En début de semaine, le gouvernement aurait exigé du Hamas des informations sur le statut de Shiri, d’Ariel et de Kfir ; aucune réponse n’a été donnée par les terroristes.
Alors qu’Israël a protesté contre l’échec initial du Hamas à libérer Arbel Yehud, une civile, avant quatre soldates de Tsahal, il n’a lancé aucun ultimatum au Hamas concernant Shiri, Ariel et Kfir – comme s’il préparait Yarden, sa famille élargie et la nation toute entière au pire. Le Hamas a déclaré que huit des 33 personnes figurant sur la liste de la première phase étaient mortes, et Israël a confirmé que cette affirmation correspondait aux informations qu’il détenait.
Ainsi, samedi matin, nous avons pu voir un homme arraché aux entrailles de l’enfer, l’air perdu lorsqu’on lui a demandé de se lever et de saluer depuis la scène dressée par le Hamas à Khan Younès, puis souriant peu de temps après lors de ses retrouvailles avec une partie de sa famille. Et nous, nous nous tourmentons pour lui en pensant aux traumatismes inconcevables qui l’attendent.

« Un quart de notre cœur nous est revenu », a déclaré samedi après-midi la famille élargie de Bibas. « Yarden est rentré chez lui, mais la maison reste incomplète… Yarden est un père qui a quitté son abri pour protéger sa famille, qui a courageusement survécu à la captivité et qui est revenu à une réalité insupportable ».
Tout cela s’est déroulé en même temps que les scènes de joie légitime qui ont accompagné les deux autres otages réunis avec leur famille : Keith Siegel retrouvant sa femme Aviva, elle-même ancienne otage, et le reste de sa famille ; et Ofer Calderon embrassant ses quatre enfants fous de joie, dont deux avaient également été enlevés et libérés en novembre 2023. Calderon n’a appris que récemment en captivité que son fils aîné Rotem avait survécu au pogrom.

Douze autres otages vivants devraient être libérés dans les semaines à venir dans le cadre de la première phase de l’accord. Plus tard dans la semaine, les négociations sont censées commencer sérieusement sur la deuxième phase de l’accord, au cours de laquelle on estime que 24 autres otages vivants pourraient être restitués. Le prix à payer pour une phase 2 est le retrait total de Tsahal de Gaza, y compris du corridor de Philadelphi le long de la frontière entre Gaza et l’Égypte, ainsi qu’une cessation permanente des hostilités.
Alors que les négociations s’engagent, le Premier ministre Benjamin Netanyahu rencontrera le président américain Donald Trump à la Maison Blanche pour des réunions de la plus haute importance. Dans les semaines qui ont précédé son retour au pouvoir, et au cours de ses premiers jours à la Maison Blanche, Trump et son envoyé Steve Witkoff ont insisté sur leur engagement à ramener tous les otages à la maison. Ils ont également souligné que le Hamas ne pouvait pas être autorisé à se reconstituer.

On ne sait pas exactement ce que Trump a en tête lorsqu’il a insisté à plusieurs reprises sur le fait que Gaza devait être nettoyée et que la Jordanie et l’Égypte se doivent d’accueillir la population d’une enclave où, comme l’a dit Witkoff sans ambiguïté, « il n’y a plus rien de debout » et où la reconstruction pourrait prendre entre 10 et 15 ans.
Mais le mélange de soulagement et d’effroi face à la libération d’otages et de terroristes meurtriers, et le fait que le Hamas, dans ses camionnettes blanches, ait envoyé le signal qu’il répéterait très certainement le 7 octobre s’il en était capable soulignent le défi qui nous attend.
Le double objectif israélien de la guerre menée depuis le 7 octobre – ramener tous les otages à la maison et faire en sorte que le Hamas ne puisse pas se servir d’eux pour survivre, renaître et menacer à nouveau Israël – doit être atteint. À l’heure actuelle, après 484 jours de guerre, le Hamas, bien qu’il soit une entité militaire considérablement affaiblie, reste la seule force puissante à Gaza.
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