2 élus US exigent des informations sur l’utilisation de logiciels espions israéliens
Adam Schiff et Ron Wyden ont exprimé leur inquiétude quant à l'utilisation des logiciels faite par la DEA et le FBI et ont affirmé que le public américain mérite de savoir
Des législateurs américains exigent des agences de renseignements nationales des informations sur l’étendue de leur utilisation des logiciels espions israéliens, selon un article du New York Times publié la semaine dernière.
Le journal a indiqué que le représentant californien Adam Schiff, président de la commission du renseignement de la Chambre des représentants, a envoyé une lettre à la Drug Enforcement Administration (DEA) pour lui demander des détails sur l’utilisation par l’agence d’un logiciel connu sous le nom de Graphite, fabriqué par la start-up israélienne de cyber-technologie Paragon.
L’utilisation de cet outil par la DEA a été rapportée pour la première fois par le New York Times au début du mois de décembre 2022.
« Une telle utilisation pourrait avoir des implications potentielles pour la sécurité nationale des États-Unis et aller à l’encontre des efforts visant à empêcher la large prolifération de puissantes capacités de surveillance au profit de régimes autocratiques, entre autres, qui pourraient en faire un mauvais usage », a écrit Schiff à la DEA.
Dans le même temps, le sénateur de l’Oregon, Ron Wyden, qui siège à la Commission spéciale du Sénat des États-Unis d’Amérique sur le renseignement (SSCI), a contacté le FBI pour obtenir des détails sur les tests effectués par l’agence sur le tristement célèbre logiciel Pegasus du groupe israélien NSO, et sur ce que l’on pourrait attendre de l’agence à l’avenir. Le FBI a reconnu avoir acheté le logiciel mais a déclaré qu’il ne l’avait fait qu’à des fins de test et pour connaître les dernières capacités de ce type de logiciel espion.
Le New York Times avait rapporté en novembre que plusieurs responsables de l’agence avaient cherché à le déployer pour l’utiliser dans certains cas, mais que ces projets avaient finalement été abandonnés.
« Le peuple américain a le droit de connaître l’ampleur des activités de piratage du FBI et les règles qui régissent l’utilisation de cette technique de surveillance controversée », a déclaré Wyden.
L’article du New York Times sur l’utilisation de Graphite par la DEA faisait partie d’un article selon lequel l’industrie mondiale des logiciels espions était « hors de contrôle ».
Citant cinq personnes anonymes ayant connaissance de l’affaire, l’article indique que la DEA utilise le logiciel de Paragon, une société soutenue par l’ancien Premier ministre, Ehud Barak.
Le logiciel d’espionnage permet aux utilisateurs de collecter des données sauvegardées depuis le téléphone d’un individu vers le cloud.
L’article cite un responsable de la DEA qui affirme que l’agence ne l’a utilisé qu’en dehors des États-Unis dans le cadre de ses efforts pour arrêter les cartels de la drogue. La DEA n’a pas nié avoir utilisé le logiciel espion, affirmant qu’elle « utilisait tous les outils d’investigation légaux disponibles » dans sa poursuite des trafiquants de drogue basés à l’étranger.
Les États-Unis ont mis sur liste noire les sociétés israéliennes de logiciels espions NSO et Candiru fin 2021. Selon le New York Times, le FBI avait fait pression fin 2020 et au premier semestre de 2021 pour utiliser le tristement célèbre programme Pegasus de NSO, considéré comme l’un des outils les plus puissants, avant qu’il ne soit interdit. L’outil a été vendu à des organismes d’application de la loi dans le monde entier, bien que les critiques accusent qu’il a également été utilisé par des gouvernements et des régimes répressifs pour traquer les journalistes, les activistes, et les dissidents entre autres.
Le New York Times a découvert que Paragon et d’autres entreprises – dont certaines emploient d’anciens employés de NSO et d’autres travailleurs israéliens de la technologie – comblent le vide laissé par la mise sur liste noire de NSO, en développant des logiciels capables de copier tout le contenu du téléphone d’un utilisateur et de l’utiliser pour espionner ce dernier.
Paragon a été fondée il y a trois ans par Ehud Schneorson, ancien commandant de l’unité 8200 de renseignement de Tsahal. Selon l’article, certains de ses employés travaillaient auparavant pour NSO, et l’ancien Premier ministre Barak siégeait à son conseil d’administration. Parmi ses bailleurs de fonds figure la société américaine Battery Ventures, selon Start-up Nation Central (SNC).
Une autre société, Intellexa – fondée en Grèce par l’ancien officier de l’armée israélienne Tal Dilian, et déjà impliquée dans une série de scandales – a été autorisée par Athènes à vendre son logiciel espion Predator à Madagascar, un pays connu pour ses violations faites aux droits de l’Homme.
Citant le gouvernement grec, l’article indique qu’Intellexa a également fait une proposition commerciale pour vendre des produits à l’Ukraine, qui a rejeté l’offre. Il ajoute que Predator a été utilisé dans une autre douzaine de pays en 2021. Predator a été détecté en Égypte, en Indonésie, en Arabie saoudite et en Allemagne, entre autres pays, a rapporté le New York Times, citant des recherches menées par Meta ainsi que par le groupe de veille canadien en matière de cyber-sécurité, Citizen Lab.
Le programme aurait également été utilisé en Grèce contre des journalistes et des personnalités de l’opposition, bien que le gouvernement grec nie toute implication et considère le logiciel espion comme illégal.
Avant de s’installer en Grèce, Dilian s’était installé à Chypre, mais a eu maille à partir en 2019, alors qu’il démontrait au magazine Forbes comment un logiciel qu’il commercialisait pouvait pirater les téléphones à proximité, alors qu’il circulait dans une camionnette dans la ville de Larnaca.
Les autorités chypriotes ont émis un mandat d’arrêt via l’agence de police mondiale Interpol après qu’une vidéo de la camionnette soit devenue virale. Dilian a fini par régler l’affaire par l’intermédiaire de son avocat, en payant une amende d’un million de dollars, selon l’article.
La Maison Blanche prépare un décret visant à restreindre l’utilisation des logiciels espions aux États-Unis, selon l’article, citant un responsable de la Maison Blanche qui a déclaré, sous couvert d’anonymat, qu’elle prévoyait d’empêcher l’utilisation d’outils qui posent des « risques de contre-espionnage et de sécurité » ou qui ont été utilisés « de manière inappropriée » par des gouvernements en dehors des États-Unis.
Israël a tenté, en vain, d’obtenir une réponse de Washington sur ses « lignes rouges » concernant l’utilisation de logiciels espions, a déclaré le directeur-général du ministère de la Défense, Amir Eshel.
Le ministère de la Défense israélien contrôle étroitement les ventes de technologies de défense à l’étranger, mais Eshel a fait remarquer qu’il n’avait aucun contrôle sur les sociétés créées par des Israéliens à l’étranger, à l’instar d’Intellexa.
Le Financial Times a rapporté au début du mois que, ébranlé par les crises passées et à court de clients et de revenus, le célèbre groupe NSO se réjouit du retour de Benjamin Netanyahu au poste de Premier ministre, car il pense qu’il va assouplir les restrictions sur les exportations de logiciels espions israéliens vers des pays dont le bilan en matière de droits de l’Homme est problématique, au premier rang desquels se trouve l’Arabie saoudite.
Le journal a cité de multiples sources dans son article, selon lequel la société israélienne qui a développé le très controversé logiciel Pegasus est en danger de faillite, après avoir été impliquée dans des scandales de droits de l’Homme dans le monde entier, boudée par les États-Unis et de plus en plus par l’Europe également, et confrontée à des mesures israéliennes accrues qui entravent sa capacité à vendre ses produits à des pays non-démocratiques.
Le média britannique a cité plusieurs sources anonymes informées affirmant que, lorsqu’il était Premier ministre, Netanyahu avait encouragé les exportations de logiciels de renseignement en les utilisant comme « facteur de motivation » dans le but d’améliorer les liens de sécurité clandestins d’Israël avec des pays comme l’Arabie saoudite, l’Inde et des nations de la région du Golfe et de l’Afrique de l’Est.